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Vu de la place Victor-Hugo - Page 365

  • La faiblesse du régime du président Erdogan

    La faiblesse du régime du président Erdogan

    Ce qui devait arriver a fini par arriver en Turquie. Il était impossible qu’une partie de l’armée turque ne passât pas à l’action, suite aux outrances du régime. Et on doit déplorer cette terrible effusion de sang puisque près de deux cents victimes sont à signaler. Penchons nous un instant sur le communiqué diffusé à la télévision par les putschistes : ils voulaient restaurer les valeurs démocratiques et rétablir les libertés fondamentales ! Qu’une armée, et surtout celle de Turquie ait eu recours à un tel argumentaire pour justifier son passage à l’acte montre indéniablement que le régime est allé trop loin.

    On a vu, il y a tout juste deux semaines que M. Erdogan s’est conduit comme un autocrate. Certains commentateurs vont même jusqu’à dire que le régime se préparait à faire une nouvelle épuration au sein des forces armées. Et le nombre si élevé de personnes arrêtées est inouï. C’est du jamais vu. On parle même d’officiers supérieurs impliqués dans le coup d’état en fuite dans la Grèce voisine. Tous les milieux sont concernés : policiers, officiers, avocats, procureurs, journalistes, bref des milliers d’hommes sont soit aux arrêts, soit en cours d’interrogatoires. Le régime se défend, c’est sûr mais quand la répression prend de telles dimensions, cela montre le trouble profond qui traverse la population.

    Pourquoi une telle situation ? M. Erdogan s’est rendu compte, ces dernières semaines, de l’isolement dans lequel il avait plongé son pays. Or, quand le mécontentement atteint de telles proportions, c’est le peuple qui parle et la répression ne suffit plus. Même s’il épure l’armée en profondeur, M. Erdogan va multiplier le nombre de mécontents. C’est autre chose qu’il faut essayer. Evidemment, le chef de l’Etat turc accuse son allié d’hier Gûllen mais ce septuagénaire réfugié aux USA et qui plus est n’est pas en bonne santé, ne peut pas avoir actionné de larges secteurs des forces armées. Si j’en crois les dépêches d’agence, même le parlement turc a été attaqué ainsi que les édifices abritant les services de renseignement. Ce fut vraiment un mouvement de révolte de très vaste ampleur. Qu’est ce qui a bien pu fédérer un si grand nombre de soldats ? Une politique de division en lieu et place d’une politique de concorde et de réconciliation nationales.

    C’est encore et toujours le mécontentement qui traverse de larges secteurs de la population. Il suffit d’analyser les réactions des chancelleries occidentales dont l’embarras est patent. N’oublions pas que la Turquie est membre de l’Otan, que des traités d’alliance et d’assistance la lient aux Occidentaux qui surveillent ce qui passe sur place comme on surveille le lait sur le feu.

    Que va t il se passer à présent ? Le régime a senti passer le vent du boulet. Il faut s’attendre à une répression sans pitié. Mais est-ce la solution ? A court terme, oui, mais sur le long terme il faut refonder le régime, dialoguer avec de larges pans du pays qui sont entrés en dissidence. Le président actuel devrait proposer quelque chose d’autre au pays, une sorte de nouveau pacte national avec la gauche, cesser de s’en prendre à la laïcité à laquelle l’establishment kémaliste st si attaché et qui a assisté, dépité, à la relégation de l’héritage du grand Turc à l’arrière-plan.

    1. Erdogan devrait faire à l‘intérieur ce qu’il a entrepris précipitamment à l’extérieur, en rétablissant des relations convenables avec des puissances qu’il avait vilipendées durant des mois, voire des années. Mais le peut-il ? Les observateurs les plus attentifs ont diagnostiqué une sorte de fuite en avant, tenant lieu de politique étrangère. Comment avoir pensé se mettre à dos un voisin aussi sourcilleux que Vladimir Poutine ? Au point même d’ordonner d’abattre un de ses avions de chasse, pour ensuite s’excuser, proposer une indemnisation, etc… Et l’on ne parle même pas de l’attitude plus qu’ambiguë à l’égard de Daesh, l’ennemi public numéro un ! Lequel n’entend pas se laisser enfermer dans son réduit en Syrie et en Irak. L’armée qui s’est soulevée n’a guère apprécié la série d ‘attentats sanglants qui ont endeuillé le pays…

    Si le président est en mesure de lutter contre sa nature colérique, il devrait, après avoir rétabli la loi et l’ordre, entamer un dialogue avec ses adversaires, voire même tendre la main aux adversaires d’hier. S’il ne le fait pas, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il fera de nouveau face à des troubles encore plus graves.

    Nikita Khroutchev avait jadis eu un mot devenu célèbre : on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus… Il faut savoir retenir son ours, dialoguer avec les autres, si l’on veut une paix sociale. Le monde a changé, M. Erdogan ne devrait pas l’oublier.

    La paix et la stabilité de son régime sont à ce prix.

  • Leçons tirées d’un Brexit raté…

    Leçons tirées d’un Brexit raté…

    Contrairement à ce que prétend la nouvelle Première Ministre de Grande Bretagne, Brexit does not mean brexit. Toute l’approche adoptée par la nouvelle gouvernante s’apparente à un louvoiement, une sorte de politique en zigzague qui prévoit de ne prendre aucune décision importante susceptible de projeter son pays hors de l’Union Européenne. La nouvelle dame de fer a déjà prévenu que rien ne la contraint d’actionner immédiatement l’article 50 du traité de l’Union. Elle va prendre son temps et le traité lui en donne le droit. Quel est son objectif : bénéficier du grand marché sans avoir à en subir les inconvénients. François Hollande et Angela Merkel avaient déjà flairé la manœuvre et tous deux avaient recommandé des décisions rapides. Or, même si cela devait intervenir, il faudra des années peut-être plus pour détruire les liens tissés au cours de toutes ces années. Un proverbe oriental dit qu’entrer au four et en sortir sont deux opérations essentiellement différentes. Quand on enfourne la pâte faite de farine, d’œufs , d’eau et de levure, accompagnée de sel, ce n’est pas encore du pain. Cela le devient au sortir du four et à ce moment là les ingrédients constitutifs du pain sont encore isolés les uns des autres. Après la cuisson,, tous ces éléments ont changé de nature. Ils ne sont plus distincts les uns des autres. C’est la situation de la Grande Bretagne. Comment reprendre le régime de l’insularité après avoir été au sein de l’Europe ?

    Un seul point aurait pu éviter ce drame : c’est le côté directif de Bruxelles au niveau de l’immigration. Il saute aux yeux même d’un enfant pour comprendre que les petites îles britanniques n’acceptaient pas ces flux migratoires appelés à désarticuler tout le système du travail, de la santé, bref tous les équilibres. Mais les fonctionnaires de Bruxelles n’ont rien voulu savoir et on connaît les résultats,

    Par conséquent, celle qu’on présent comme la nouvelle dame de fer, alors qu’elle n’en a guère l’étoffe, va tenter par tous les moyens de conserver l’accès au grand marché sans en accepter les inconvénients. D’ailleurs le pays n’a jamais accepté l’Euro. Et aujourd’hui la livre va s’effondrer. Sans même parler de la City…

    Sans prophétiser, voila ce qui va se passer : après des débuts courageux et volontaristes, Madame M. May va devoir organiser un nouveau référendum qui va aller dans le sens du remain.

    La politique ce ne sont pas la Loi et les prophètes. C’est l’art du possible et le possible s’accommode toujours de la réalité. Sinon, ce n’est plus de la politique. Et Madame May n’est pas Winston Churchill.

  • France-Portugal; lendemains de défaite. Quelle exagération !

    France-Portugal; lendemains de défaite.

    Quittant les Yvelines où la famille organisait une belle soirée télé pour la finale de l’Euro, j’ai eu du mal à rentrer à la maison après minuit. Et enfin arrivés au cœur du XVIe arrondissement, les Portugais ont décidé de faire la fête jusqu’à trois heures du matin.. Je les comprends,, mais cela montre que nos sociétés ont totalement changé, il y a un déplacement, une mutation des valeurs que seuls les aveugles ne verraient point. Aujourd’hui, le vrai pouvoir médiatique, la vraie, la seule irradiation médiatique touche les tennismen et-women, les footballeurs et les rugbymen. Sans oublier les nageurs, bref toutes les branches de l’activité sportive, même si l’argent décide désormais du succès et non plus les seules performances.

    On le voit chaque fois qu’une manifestation sportive se profile à l’horizon, les hommes politiques, du plus grand au plus petit, veulent se faire photographier avec les nouvelles vedettes de notre monde, leur trouvent toutes les qualités de la terre, les parent de toutes les vertus et se découvrent d’insoupçonnées affinités avec les joueras. Peu importe que ces gens soient primaires, incultes ou comme le disait après l’Afrique du sud, la ministre des sports, des caïds immatures, rien ne les arrête : ils trouvent aux joueurs médiatisés des qualités et se font photographier avec eux ou les reçoivent dans les palais nationaux, même quand ils ont échoué lors des compétitions. Ce ne sont plus les industriels, les savants, les professeurs, les avocats, les penseurs, etc… qui ont la cote.

    Les politiques sont cyniques mais ils ne sont pas bêtes. On ne sait pas ce qu’ils pensent au fond d’eux-mêmes mais leur analyse colle au réel : puisque les élites ne peuvent plus enchanter les foules et que ces mêmes foules déplacent leur affection des politiques vers les joueurs, eh bien ils suivent le mouvement, ils ne sont pas fous, ils ne vont pas nager à contre courant ! Il faut dire aussi que les télévisions consacrent dix fois de temps à un événement sportif de portée nationale qu’à un discours du président ou de son premier ministre

    Voyez la soirée d’hier : près de tente millions de téléspectateurs, je crois, ont suivi le match et ce qui me frappe, c’est leur déception, comme si c’était un membre de leur famille ou eux-mêmes qui avaient perdu quelque chose. C’est absolument incroyable !

    Il faut mener une vie vraiment vide pour verser des larmes amères quand une équipe de je ne sais quoi perd une compétition. J’ai été sidéré de voir que ce ne sont pas seulement les jeunes déshérités des banlieues qui se pressaient dans els fan-zones ou qui achetaient les maillots de telle ou telle équipe. Ce sont des gens de toutes classes sociales qui ont acheté des billets pour le stade de France, parfois à plusieurs centaines d’euros.

    Ne prenez pas en mauvaise part ce que j’écris, je respecte tous les gens, et surtout ceux qui ne pensent pas comme moi, mais tout de même ! Il y a des limites… On peut lire un bon livre, rencontrer des amis, faire du sport, regarder un bon film, aller au restaurant (si on en a les moyens), dormir, faire l’amour. Et cela n’implique pas cet état de profonde tristesse que j’ai pu constater hier soir en revenant des Yvelines.

    Comme il y avait des centaines de voitures arborant des drapeaux portugais, j’ai été ému par un tout jeune parisien, pliant tristement son petit drapeau tricolore en rasant les murs rue d e Presbourg…… Je pense encore à ce jeune homme, seul, triste et résigné : son équipe a perdu ! Rendez vous compte !!

    Nous vivons une longue période de désenchantement au sein de notre vie. Les politiques et les économistes ne nous font plus rêver. Les attentats sanglants nous ont meurtris, nous pensions nous retrouver autour d’une belle victoire. Ce ne fut pas le cas, mais nous avons d’autres qualités et nous ne manquons pas de ressources.

    Et je ne parle pas des grèves et des manifestations qui ont duré plus de deux semaines…

    Aujourd’hui, le triple ballon d’or a plus d’influence qu’un élu d’une grande puissance. Henry Kissinger avait dit il y plus de trente cinq ans, que depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les gouvernements du monde libre étaient occupés par des hommes aux qualités moyennes, ce qui signifie médiocres. Avait il raison ?

    En guise de réponse, je poserai la question suivante : combien de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, ont regardé avec compassion la civière évacuant Ronaldo du terrain, Ronaldo auquel je souhaite du fond du cœur un prompt et définitif rétablissement. Auraient ils été aussi touchés si cela était arrivé à une élite, politique ou intellectuelle ?

    Je pense que vous devinez ma réponse…

    MRH in Tribune de Genève du 11 juillet 2016