Emmanuel TODD : un reflux de l’islam ?
Dans l’édition du 20 mai 2008 (pp 24-25) nos confrères de la Neue Zürcher Zeitung font une intéressante interview du démographe et historien français Emmanuel Todd. Celui-ci développe des thèses subtiles mais peu convaincantes, selon moi.
Il commence par répondre à l’intervieweur qu’il n’existe pas d’éléments tangibles prouvant le choc des cultures. Sa thèse tient en les éléments suivants : le monde islamique est, comme le reste des civilisations et des religions, pris dans un processus de modernisation dont il ne peut faire abstraction, quelles que soient les résistances qu’il entend lui opposer…Ensuite, cette modernisation ou cette mondialisation apporte avec elle –inéluctablement- une alphabétisation accrue qui, en contre coup, réduira la natalité et donc le nombre de musulmans… Les femmes ne laissant plus enfermer dans un rôle de cuisinière et de simple reproductrice. Pour conforter ses thèses, il s’en réfère à des statistiques comparées qui mettent en vis à vis le nombre d’enfants par femme musulmane sur une trentaine d’années. Il semblerait que le taux de fécondité des femmes musulmanes en Algérie ou en Indonésie se rapproche de celui des femmes européennes… Ce n’est pas si sûr ! Mais lorsque le journaliste lui fait remarquer que les Musulmans sont à présent aussi nombreux que les catholiques, il répond qu’il y a toutes sortes de chrétiens et qu’en outre, ce n’est pas le chiffre de la population mais le taux de natalité qui importe…
Donc modernisation, alphabétisation, baisse de la natalité ont pour corollaire le reflux de l’islam… Voire ! Selon E. Todd, cette désislamisation a été précédée au cours du XXe siècle par une déschristianisation. Selon l’auteur, les deux phénomènes se superposent puisqu’ils correspondent à la même évolution qui semble inéluctable. En somme, les religions seraient en perte de vitesse et risquent tout simplement de perdre leur importance au sein de la société. On sent ici des relents d’analyses marxistes que l’on croyait révolues à tout jamais.
L’auteur a, en revanche, raison de relever que dans un pays comme l’Iran, les filles, malgré le régime des Mollahs sont plus nombreuses à étudier à l’université que les garçons. C’est exact, mais voyez comme on les habille.
L’analyse de Todd est séduisante mais manque de rigueur : d’abord, l’alphabétisation peut conduire à un double enfermement quand on voit l’endoctrinement des enfants des medersas du Pakistan ou d’Afghanistan. Ensuite, on ne relève pas avec tant de netteté cette baisse de la natalité et enfin le processus de laïcisation n’opère pas de manière similaire selon qu’il est à l’œuvre dans une société judéo-chrétienne ou musulmane. Ce n’est pas du tout la même chose.
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L’IDENTITE ISLAMIQUE ET LA CULTURE EUROPEENNE
L’IDENTITE ISLAMIQUE ET LA CULTURE EUROPEENNE…
Dans la Neue Zürcher Zeitung du 18 mai on peut lire un très long et très suggestif article allemand d’Arnold Hottinger sur l’identité islamique. L’auteur tente d’analyser les causes qui mènent à l’islamisme et donc à la radicalisation des pays musulmans. Sa thèse principale est qu’il n’existe pas un seul et unique islam mais plusieurs qui portent la marque et l’histoire des pays où cette religion s’est installée. Il insiste à juste titre sur les différences entre des pays comme l’Afrique du Nord d’une part, et d’autres contrées comme l’Inde et le Pakistan, mais aussi l’Egypte, l’Iran et l’Irak.
Au gré de l’auteur qui semble bien connaître son sujet, c’est une présence invasive des valeurs occidentales au sein du monde traditionnel musulman qui expliquerait ce qu’il qualifie de crispation identitaire. En d’autres termes, il n’y aurait rien de religieux dans tout cela mais simplement une démarche défensive qui, poussée dans ses derniers retranchements, explique, sans les justifier ni surtout les excuser, les débordements que l’auteur condamne sans réserve. Au fond, il pose la question de l’essence de l’islam. Oui, quelle est l’essence de l’islam ? Selon l’auteur, il ne faut pas la chercher dans l’islamisme. Et ceux qui le font commettent une erreur lourde de conséquences.
D’une certaine manière, on fait ici le procès d’une certaine mondialisation qui n’a épargné aucun pays ni aucune civilisation. Les musulmans se seraient sentis, à tort ou à raison, exclus de cette vague déferlante qui emporte tout sur son passage, y compris les valeurs traditionnelles auxquelles ces populations sont légitimement attachées.
Comment et pourquoi les valeurs anciennes ne résistent-elles pas avec succès, c’est-à-dire victorieusement, à cette invasion, perçue comme une occidentalisation à outrance ? Selon M. Hottinger, les mondes islamiques (puisqu’il n’y a pas un, mais plusieurs islams) n’auraient pas encore trouvé la recette du succès qui semble être devenu l’apanage exclusif du monde chrétien ou occidental. Les réactions, voire les oppositions acharnées des masses musulmanes, bien que de nature différentes selon les pays concernés, ne dénoteraient pas une réponse de nature religieuse mais seraient simplement la manifestation d’une impuissance génératrice de frustrations et de violences… D’où le repli identitaire et toutes les crispations qui vont avec. L’auteur de l’article explique que l’on met en avant cette attitude parce que l’on cherche un refuge inexpugnable où ces valeurs, battues en brèche par la mondialisation croissante, pourraient survivre. En d’autres termes, ces gens seraient en quête d’une stratégie de survie. Et pour articuler ce discours, pour lui donner un minimum de substance, les adeptes de ce repli identitaire arguent qu’il suffit de respecter scrupuleusement certaines règles religieuses pour rétablir l’ordre ancien. La religion n’intervient donc plus en première position mais occupe la seconde place. En philosophie ou en sociologie on appelle cela une instrumentalisation.
L’auteur introduit aussi les données économiques dans son raisonnement : les pays concernés ont subi, nolens volens, des évolutions pas toujours bien maîtrisées ; ils sont obligés d’exporter ce qu’ils ont chez eux, le pétrole par exemple quand ils en ont, afin de nourrir leurs populations en proie à une démographie galopante. Ils introduisent donc chez eux les ingrédients d’un mode de vie qui ne semble pas leur convenir Il offre aussi quelques exemples assez surprenants dont on se demande comment on aurait pu en changer la nature : ainsi, dans les étendues désertiques où paissent les moutons et les chameaux, il faut désormais porter aux animaux l’eau à l’aide de véhicules à moteur alors que jadis c’étaient les bêtes qui étaient conduites à l’abreuvoir… Mais, souligne-t-il, toutes ces évolutions n’ont rien à voir avec la religion alors qu’elles provoquent un refus qui se donne des airs religieux.
En d’autres termes, comment vivre harmonieusement avec son temps alors que l’on a vécu hors du temps ? Il y a là une inadéquation qui finit par virer à l’écartèlement et développe une véritable schizophrénie… Il est vrai que la civilisation européenne est d’extraction judéo-chrétienne et que, sur le plan de la technique ou de la technologie, elle a remportée bien des succès.
Alors que faut-il en penser ? L’article m’a séduit par son sérieux et la solidité de sa documentation, mais il ne m’a pas vraiment convaincu. Je me souviens que lors de sa visite en Allemagne de l’est, peu avant la chute du mur de Berlin, M. Gorbatchev avait dit aux dirigeants communistes de Berlin-est que ceux qui ne suivent pas l’évolution de l’histoire seront tôt ou tard balayés par le vent de l’histoire. On connaît la suite. Le prophète du Kremlin avait vu juste. Nul ne sait où va le monde ni ne comprend bien son évolution.
Hegel parlait de l’histoire comme d’un gigantesque réel en devenir. La vénération d’un passé révolu dont on souhaite le rétablissement conduit au fondamentalisme. C’est là le danger qui menace. Et il convient de le conjurer.
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LE JEU DANGEREUX DU PRESIDENT IRANIEN
LE JEU DANGEREUX DU PRESIDENT IRANIEN
Mais que cherche donc l’actuel président iranien ? Que veut-il au juste ? Sont-ce les gros problèmes économiques et politiques de l’Iran qui le poussent à la fuite en avant et à chercher un exutoire confortable dans les relations internationales, en se confrontant aux USA et en menaçant constamment Israël de disparition ?
Ainsi donc, tous les chefs d’Etat et de gouvernement présents à Rome pour la réunion au sommet de la FAO se sont rendus sur place pour parler de la faim dans le monde et voir comment y obvier. L’Iranien arrive sur place et que fait-il ? Il menace une nouvelle fois Israël… alors que la conférence porte sur la faim dans le monde !!
Ce petit jeu ne fait rire personne et pourrait très mal se finir pour l’intéressé qui n’est plus vraiment en odeur de sainteté dans son propre pays. Une grande majorité de la jeunesse iranienne, née sous le régime des Mollahs, n’a rien connu d’autre et aspire, pourtant, à un mode de vie à l’américaine. Au plan extérieur, les violations des règles de l’ONU par le régime iranien isolent de plus en plus le pays sur la scène internationale. Ses seuls amis sont la Syrie, le Hezbollah et le… Venezuela ; et encore ces pays sont proches de l’Iran parce qu’ils craignent les foudres américaines… Les sanctions de l’ONU vont sûrement se durcir et les investissements en iran ont subi un arrêt net.
Il se pourrait bien qu’avant de quitter la Maison Blanche, le président Bush laisse un petit souvenir, assez inoubliable, au président iranien. La visite du Premier Ministre israélien penche dans la même direction.
Prions pour que cela n’arrive pas et que le peuple iranien se donne enfin un chef digne de sa grande histoire et à la hauteur de son apport à la civilisation mondiale.Lien permanent Catégories : politique internationale