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  • Titre de la noteLe président Morsi et le piège du référendum

    Le président Morsi et le piège du référendum

     

    Tous les journaux l’annoncent : cette journée est pour l’Egypte la journée de tous les dangers. Car le président égyptien dont l’opposition réclame la démission n’a pas su aller au bout de sa démarche et a préféré s’installer lui-même dans une sorte de nasse d’où il peine à sortir : le maintien de la date de ce référendum dont une majorité de ses concitoyens ne veut pas.

     

    Pour complaire à ses partisans de la confrérie des Frères musulmans, M. Morsi a choisi le passage en force. Pour ne pas être débordé par les manifestants qui campent aux portes de son palais, il a dû faire appel à l’armée, celle-là qu’il avait cru mettre hors circuit en mettant à la retraite ses plus hauts gradés, jadis promus par le président Moubarak.

     

    C’est la seconde erreur, car tout en affirmant son autorité, l’actuel président révèle sa faiblesse : il compte sur cette même armée pour rétablir l’ordre. Or, le ministre de la défense a confié à M. Morsi qu’il n’était pas certain de la loyauté des troupes vis à vis du régime. Un entendement sain aurait aussitôt commandé de reporter la consultation populaire, en trouvant un motif qui n’aurait trompé personne mais aurait permis de sauver la face. M. Morsi n’en rien fait et a préféré camper sur ses positions, pour continuer de complaire aux Frères musulmans.

     

    Comment imposer à tout un pays une constitution rédigée à la va vite par des islamistes qui ne représentent pas la sensibilité générale des Egyptiens ? Que faire des femmes, des coptes, des chrétiens orthodoxes, des libéraux, des démocrates, des laïcs et autres ? Ce sont, en principe, des Egyptiens comme les autres. Ou bien en st-il autrement ?

     

    On redoute le pire si la date est maintenue. Si la sagesse ne l’emporte pas, c’est l’armée qui reprendra la rênes du pouvoir. Et la parenthèse islamiste sera refermée.

  • Titre de la noteLa reculade du Président MORSI : le retour de l’armée ?

    La reculade du Président MORSI : le retour de l’armée ?

     

    C’était prévisible et on l’a maintes fois répété ici même : l’actuel président de l’Egypte ne pouvait pas maintenir les mesures qu’il a prises de manière si inconsidérée, et qui montrent combien les Frères musulmans ont du mal à se couler dans des moules démocratiques, pressés qu’ils sont de confisquer le pouvoir et de soumettre à leurs propres choix le reste de la population.

     

    Un mot des suites de cette affaire : le président vient d’annuler le décret infâme par lequel il entendait se placer au-dessus de toutes les lois (alors qu’il est censé les garantir et les faire respecter) et barrer la route à tout recours subséquent : c’est à dire l’inconstitutionnalité absolue ! Aujourd’hui encore, on en est à se demander quel est le juriste qui a bien pu lui mettre pareille idée dans la tête. Ces conseillers ont dû lui dire que la loi de Dieu qu’ils prétendent incarner est au-dessus des lois humaines : c’est le fondement même des dictatures fondamentalistes et du pouvoir religieux sans partage.

     

    Devant une telle façon de bafouer la loi, le peuple égyptien s’est dressé pour dire non et exiger même la démission du dictateur en herbe.  J’ai entendu sur Al-Jazeera et Al-Arabiya hier des manifestants dire que les Frères musulmans se comportaient comme un état dans l’Etat (status im statu : dawla dakhl dawla) ; un autre a dit que l’on ne pouvait pas régler en quelques heures une constitution destinée à régir près de 90 millions d’habitants.

     

    Le problème, aujourd’hui, est que M. Morsi est allé trop loin et que personne ne lui fait plus confiance, au point de demander sa démission : on a vu fleurir les mêmes slogans que ceux qui ont visé le président Moubarak : arhal (dégage) al chaab yorid sokout a niddam (le peuple exige la chute du régime)… Bref, par des mesures qui signent son manque de stature de véritable homme d’Etat, cet homme risque de précipiter l’Egypte dans une sorte de guerre civile.

     

    Or c’est justement ce que veut éviter l’armée dont on disait qu’elle était décapitée ou assoupie. Or, c’est elle qui a sifflé la fin de la récréation intimant l’ordre à M. Morsi de retirer son inacceptable décret, ce qu’il a été contraint de faire. Mais le mal est fait et le maintien du référendum à la date prévue annule la mesure d’apaisement.

     

    On se demande aussi pourquoi l’esprit cartésien est la chose du monde la moins bien partagée : en annulant le décret mais en maintenant la date du référendum, M. Morsi fait une chose et son contraire. Le calme serait revenu s’il avait préconisé un report sine die de ce vote. En voulant tout prendre et tout garder, il risque de tout perdre…

     

    Le schéma que nous avions dessiné ici même il y a quelques semaines se concrétise : l’armée a laissé faire, a fait preuve de docilité, connaissant en son sein les travers des Frères musulmans qu’elle a combattus durant 65 ans ! Elle savait qu’ils ne se convertissent à la démocratie que temporairement, une fois qu’ils ont remporté les élections. Après avoir voté dans le bon sens, on ne vote plus…

     

    Le Proche Orient ne peut plus se permettre de telles convulsions épisodiques et l’Egypte est le cœur du monde arabo-musulman. Il faut se ressaisir ou alors rendre le pouvoir à l’armée.

  • L’infirmière, la famille royale bruitannique et des journalistes australiens : la frontière entre le bien et le mal…

    L’infirmière, la famille royale bruitannique et des journalistes australiens : la frontière entre le bien et le mal…

     

    Le monde entier a entendu parler de cette tragique méprise qui a vraisemblablement coûté la vie à une jeune infirmière. Comment une telle chose a t elle pu se produire ? Toujours le même schéma : deux journalistes inconscients, à la recherche de ce qu’ils imaginaient être un scoop mondial, se font passer au téléphone pour la reine Elisabeth II et le prince Philip. Ils appellent l’hôpital où la princesse a été admise suite à des nausées en relation avec son début de grossesse. L’infirmière qui prend l’appel croit vraiment avoir affaire au couple royal et les renseigne en toute bonne foi. Sans penser à mal mais fiers de leur mauvais coup, et surtout sans imaginer ce qui allait se produire par la suite, les deux journalistes publient la nouvelle qui fait le tour du monde. Entretemps, le corps inanimé de la jeune infirmière est découvert, non loin de son lieu de travail…

     

    Il faut laisser à l’enquête en cours le temps de déterminer s’il y a un rapport de cause à effet entre les deux faits : le coup de fil mensonger et la mort de la jeune infirmière. Il n’est pas question d’accuser ici qui que ce soit, mais simplement d’attirer l’attention sur la nécessité d’instiller dans l’exercice de toute profession un minimum d’éthique, sans quoi aucun rapport authentiquement humain ne pourra plus exister dans nos sociétés. En termes plus clairs, nos sociétés, d’humaines deviendraient inhumaines.

     

    Comprenez moi bien.  Ce matin, je voulais poursuivre mon analyse de la situation en Egypte lorsque le cas de cette jeune femme, si injustement  arrachée à l’affection des siens, m’a interpellé  au point de décider de changer mes plans et de rendre hommage à sa mémoire.

     

    Mais je dirais aussi quelque chose sur l’exercice de la profession de journaliste dans notre monde. Comme nos sociétés ont perdu tout sens de la mesure, que le succès et la réussite, même outrageusement acquis, sont rois, les journalistes se croient tout permis et ne reculent devant rien pour retenir notre attention, se faire voir et valoir… Bref une sorte d’anarchie morale caractérisée.

     

    Discutez avec des journalistes et ils vous diront ceci : si ce n’est pas moi qui le fais, d’autres le feront et obtiendront le succès derrière lequel je cours désespérément depuis si longtemps… Une telle argumentation est lamentable. Car il n’y a plus d’autorité morale dans nos sociétés, l’éthique elle-même a tendance faire sourire ceux qu’i s’en réclament ou calquent leur attitude et leur présence au monde sur ses principes.

     

    Mais franchement, en quoi la santé de telle ou telle princesse ou membre de la famille royale nous intéresse t elle ? Comme le disait Ernest Renan, l’humanité est incurablement dupe et son existence est d’une vacuité abyssale. Pourquoi ne pas sculpter sa statue intérieure au lieu de se focaliser sur la vie d’autrui, qui, souvent, n’est guère un si haut exemple dont il conviendrait de s’inspirer. Les journalistes devraient tout de même faire preuve d’un peu de retenue à défaut d’être éthiques :  le droit à l’information n’est pas sacro-saint, au nom de quoi peut-on saccager des vies lorsqu’on croit disposer d’informations exceptionnelles ?

     

    Voyez comment certains journalistes font la chasse aux hommes politiques : il y a quelque temps, c’était tel ou tel ancien président soupçonné d’avoir eu un compte bancaire dans de lointaines contrées, aujourd’hui c’est un ministre soupçonné des mêmes faits mais que son principal accusateur s’ingénie à laver de toute accusation… Et les journalistes à l’origine de l’affaire se prévalent d’un droit absolu d’informer, se drapant dans une dignité plutôt douteuse.

     

    Aujourd’hui, dès qu’une personnalité connue a un problème avec la justice, le secret de l’instruction vole en éclats et la presse s’en donne à cœur joie pour nous inonder de nouvelles, plus ou moins vérifiées. Le malheur est que la couverture médiatique se rétrécit comme peau de chagrin lorsque l’intéressé ou l’accusé bénéficie d’un non-lieu ou d’une relaxe.

    Mais dans ce cas, au moins, l’irréparable n’est pas commis. Ce qui, hélas, n’est pas le cas de la jeune infirmière, si tant est que le canular tragique est à l’origine de sa disparition.

     

    .Respectons la présomption d’innocence mais lançons un appel à la retenue et à la conduite morale.

     

    Après tout, la morale est ce qui séparée l’humanité de l’animalité.

     

    Maurice-Ruben Hayoun

    In Tribune de Genève du 8 décembre 2012