L’âge, le viellissement, comment vivre avec ?
Nos sociétés sont confrontées, depuis quelques décennies, presque chaque jour que Dieu fait, à ce problème aux ramifications multiples : que faire pour retarder ce couperet que chacun d’entre nous redoute, notamment parce que notre mentalité sociétale le refuse : vieillir, être moins actif, plus dépendant de l’entourage familial ou médical, bref ne plus être autonome, comme on dit aujourd’hui. C’est encore une émission de télévision, inaboutie comme d’habitude qui est à l’origine de ma réflexion. On y exposait de manière orientée et au pas de charge, les problèmes inédits auxquels les hommes, les femmes, les familles doivent faire face.
Les experts médicaux ont toujours dit qu’il ne fallait pas sérier les problèmes ni les traiter à part mais prendre l’homme comme un tout et apporter des solutions globales. Or, à quoi assistons nous ? A une segmentation de l’approche qui devrait être globale pour répondre aux attentes de chacun d’entre nous. Et que voulons nous, que souhaitons nous ? Vivre le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions possibles.
Examinons les relations entre longévité et bonne santé dans des conditions normales : comment voulez vous contrecarrer l’apparition d’affections nouvelles liées au vieillissement (le fonctionnement des glandes endocrines, le rythme cardiaque, la fonction pulmonaire et rénale) alors que l’espérance de vie croît indéfiniment, ce dont on est en droit de se féliciter à condition qu’on ne sombre pas dans une dépendance des plus dégradantes ? Un exemple, hier un vent glacial soufflait à Passy, je faisais des courses urgentes et j’ai pourtant croisé, malgré la rigueur hivernale, au moins trois personnes en fauteuils roulants, poussés par de jeunes asiatiques ou des africaines… Est ce l’avenir qui nous est réservé, suite au vieillissement de notre population européenne ?
Si vous allez régulièrement dans des clubs de gymnastique ou des salles de sport vous apprécierez le problème sous un aspect un peu spécial : hommes et femmes de tous âges, et surtout des femmes au dessus de la cinquantaine, sont guidées par des coaches (c’est le mot qui s’est imposé) qui veillent sur leur apparence physique et les aident à conserver une certaine agilité. Assurément, les échanges dont je suis le témoin involontaire, ouvrent au petit philosophe que je suis des horizons insoupçonnés…
Les femmes d’un certain âge sont prêtes à tous les sacrifices pour continuer de plaire, d’être regardées comme avant l’âge de quarante ans. Et si vous voulez leur complaire, dîtes leur qu’elles ont fondu, qu’elles ont la forme, qu’elles sont attirantes, etc… Elles vous voueront une reconnaissance quasi éternelle, vous apporteront des verres d’au, achèteront vos livres et vous gratifieront de leurs plus beaux sourires. Comment donc ? Mais parce qu’elles veulent paraître jeunes et continuer de plaire.
J’adressai récemment des compliments à une dame sur la candeur, la beauté et l’innocence de sa propre fille, une jeune lycéenne de 14-15 ans, la dame m’a remercié mais a ajouté d’un air un peu pincé, qu’elle aussi méritait des compliments et que sa fille tenait évidemment d’elle… Je ne m’en attendais guère à cette réaction, j’ai donc bafouillé quelque chose dans le sens souhaité par cette quinquagénaire… Vous savez, les philosophes manquent souvent de psychologie, surtout de psychologie féminine.
Or, nous ne sommes pas tous égaux devant le vieillissement, notamment les femmes qui, dit-on, portent plus et moins bien que les hommes, les stigmates de l’âge et les ravages du temps. D’où ces maquillages et ces recours abusifs à la chirurgie esthétique. Pourquoi a t on soumis les femmes à cette tyrannie du paraître ? Pourquoi leur a t on inculqué cette nécessité vitale de plaire ? Certes, il est plus agréable de côtoyer des femmes jeunes, belles et attirantes que l’inverse. Mais qui se souciera un jour de la beauté intérieure, celle dont parle le chapitre XXXI du livre des Proverbes dans la Bible…
Au fond, nous devons rechercher une vie agréable, une longue vie, mais qu’est ce qu’une longue vie ? Maimonide a écrit un petit traité sur la durée de la vie, un texte en judéo-arabe qui existe depuis le XIXe siècle en traduction allemande (Maimonides’ Über die Lebensdauer) d’un certain David Herzog. Tout en étant médecin, Maimonide pensait que la durée de notre vie étaient déjà fixée par l’Eternel dans son dessein divin depuis les six jours de la création, il disait qu’une vie, même courte, mais jalonnée de joies et d’événements heureux, était une longue vie. Toujours cette distinction entre le temps et la durée, le temps vécu, incarné par une conscience humaine. Pourquoi durer pour durer, autant bien durer, même un eu moins…
Voilà qui est parler de sagesse.
Maurice-Ruben HAYOUN
In Tribune de Genève du 22 février 2013