Que devient la famille en France ?
Depuis quelques jours, on ne parle que de cela : la famille, son sens, sa signification, sa pérennité et son évolution. Depuis quelques jours, alors que l’économie et le fameux pacte de responsabilité accaparent tous les esprits, certains s’entêtent à se focaliser sur des enjeux dits sociétaux alors que le plus important est ailleurs. C’est exactement ce que pensent l’opposition à François Hollande et une minorité agissante ou en tout cas très mobilisée (pour ne pas dire remontée) contre les projets de réformer le statut de la famille.
Pourquoi donc l’actuelle majorité à l’assemblée nationale française veut elle tout changer alors qu’une bonne partie de la population, de tendance judéo-chrétienne ou simplement conservatrice (dans le bon sens du terme) ne veut pas de ce changement et est vent debout contre toute velléité de réforme dans ce domaine. On peut, en effet, sans préjuger de la suite, se demander pourquoi le pouvoir actuel a précipité le pays dans une cascade de manifestations et de contre manifestations au sujet du mariage pour tous et de la manif pour tous.
Nul n’imaginait que l’opposition à ces projets serait aussi forte. Certes, il y a la tradition catholique mais il y a aussi un fait de nature plus politique : la gauche, quoiqu’on dise, est minoritaire dans le pays et sans contester la légitimité du président actuel, il faut bien reconnaître que le corps électoral a tout d’abord voulu chasser Nicolas Sarkozy avant même d’élire d’intention première (pour parler comme Leibniz) François Hollande. C’est peut être désagréable de le rappeler mais jamais président de la Ve république n’é été aussi bas dans les sondages. Et jamais auparavant sa côté d’impopularité n’a été aussi durable, au point qu’on n’en parle même plus, tant le bilan apparaît désespérant. Pourtant, ces mêmes déçus de François Hollande ont été, il y a moins de deux ans, ses électeurs enthousiastes. Mais la versatilité du corps électoral est une donnée bien connue : aujourd’hui, plus personne ne croit aux promesses pour la bonne raison que personne ne peut les tenir. Alors pourquoi s’être acharné sur les lois familiales au lieu de s’en prendre au marasme économique ? Pourquoi avoir froissé les uns et trahi (sic) les autres ?
Ces questions reviennent ce matin avec une remarquable insistance dans toute la presse. Fait significatif, certains socialistes, et non des moindres, commencent à se demander où va le président. Ils s’interrogent autant sur ses motivations réelles et profondes que sur son aptitude à gouverner. Ils n’ont pas vraiment apprécié l’oukase tombé après un déjeuner du président et du premier ministre : alors que la discussion des lois familiales était prévue pour cette session à l’Assemblée, un communiqué laconique du Premier Ministre annonce que la loi ne sera pas discutée en 2014… Les interrogations de plus en plus inquiètes des parlementaires socialistes laissent augurer quelques remous à venir. Le président s’est déclaré ouvertement social-démocrate mais sa majorité à l’Assemblée est restée, dans son essence, socialiste. Certains au PS ne se cachent plus pour parler du grand écart du président qu’ils accusent à demi mot de ne penser qu’à 2017. D’autres vont encore plus loin en pensant tout haut que les primaires existent bien et que rien n’est joué, surtout au regard des piètres résultats obtenus dans la lutte contre le chômage
Cette marche forcée vers les réformes sociétales a accru la perplexité des uns et des autres. On n’en est pas encore au désarroi mais celui-ci finira par s’installer si l’on ne fait rien pour calmer le jeu. On peut donc dire que le renvoi de la réforme sine die est une bonne démarche car elle contribue à l’apaisement. Il eût été suicidaire de pousser les feux alors que la rue s’agite depuis des mois. Tous les sondages s’accordent à dire que le parti au pouvoir va perdre les municipales et sûrement les européennes.. Fallait-il creuser encore plus le fossé du désaveu, du divorce entre le pays et le pouvoir ?
Le président a donc pris la bonne décision, même si sa base est un peu perdue. En effet, l’observateur impartial ne manquera de relever qu’il fallait une certaine plasticité d’esprit pour suivre les évolutions, si rapides cet an ci, du chef de l’Etat : après le tournant social libéral ou social démocrate en matière économique, voici venu un second tournant en matière sociétale… D’autres évolutions ne sont pas à exclure.
Le président est trop fin politique pour ne pas savoir quand on doit avancer et quand on doit reculer : le pays n’a pas encore intégré l’idée du mariage homosexuel, que déjà on voulait lui administrer une nouvelle option amère.. Il fallait donc surseoir. C’était la sagesse même. Mais voilà : les caciques du PS réclament en disant que François Hollande a été élu sur un programme ; les écologistes qui préféreraient trépasser plutôt que de quitter les dorures des palais nationaux se contentent d’une désapprobation du bout des lèvres. Ils savent aussi que le PS peut très bien se passer d’eux…
Que faire ? Gouverner est une chose difficile, surtout dans un pays comme la France, un pays qui vieillit, qui doute et qu’une partie de sa jeunesse commence à quitter. Le grand voisin qui affiche une insolente bonne santé a opté pour un gouvernement de coalition. Mais l’esprit français ne s‘accorde guère avec la notion de consensus. On a trop appris à un parti de gouverner le pays contre un autre parti. Le résultat est très triste. Un bon gouvernement d’union nationale qui s’accorderait sur cinq points mieux pendant dix-huit mois serait une avancée considérable. Mais c’est inimaginable.
Voici une histoire drôle que mes étudiants genevois m’ont racontée récemment : les nations de toute l’Europe viennent se plaindre à Dieu d’avoir trop favorisé la France : climat tempéré, beaux paysages, belle histoire, beau territoire, belles femmes, haute gastronomie, etc… Le Seigneur écoute toutes les doléances en silence et finit par dire ceci : Oui, j’ai beaucoup favorisé la France, sauf sur un point qui contrebalance tout le reste, je lui ai donné les… Français !!