Les policiers sont des citoyens comme les autres. Ne les rejetez pas
Depuis le début du quinquennat de François Hollande, les citoyens de ce pays se sont retrouvés confrontés à un état presque pré-insurrectionnel. Loin de moi l’idée de dire que le président actuel de la République en est la cause, mais il en est responsable car les changements, notamment sociétaux impulsés, ont suscité des oppositions massives et durables au sein du corps social traditionnel. Je pense surtout au mariage pour tous. Certains commentateurs ont émis l’opinion d’une sorte de diversion programmée par le pouvoir, car pendant que les gens se battaient contre telle réforme ou telle autre, on oubliait les vrais problèmes : en somme, le social aurait fait oublier l’économique, à savoir le chômage, l’emploi, le pouvoir d’achat, les impôts et tout ce qui touche à la vie quotidienne des Français…
Est ce vrai ? Je laisse à d’authentiques spécialistes le soin de répondre. Mais une chose est indubitable : la société française est devenue plus crispée, plus intolérante, plus contestataire et s’oppose , presque les armes (non létales, Dieu merci) à la main, aux forces de l’ordre, dont les membres se sentent injustement détestés, voire même haïs par des casseurs qui s’acharnent sur eux. On recense plusieurs centaines de blessés parmi les forces de l’ordre, du jamais vu, et dans de très rares cas, Dieu merci, les blessures sont d’une extrême gravité.
Que se passe t-il donc ? A l’évidence, la vie est plus dure. Décrocher un emploi même en CDD, est devenu très ardu. Pour les jeunes, l’entrée sur le marché du travail est devenue un véritable parcours du combattant. Pour les parents, voir leurs enfants décrocher un emploi, même précaire, même aléatoire, relève parfois du miracle et cela touche tous les milieux. Je me suis même rendu compte que certains jeunes ont du mal à manger à leur faim. Dans des quartiers du XVI arrondissement de Paris, certains jeunes qui y travaillent, font la queue devant des boulangeries pour acheter des sandwichs à l’aide de tickets-restaurants. Il y a une trentaine d’années, les petits restaurants de quartier offraient des menus accessibles aux petites bourses et les gens mangeaient assis, tranquilles et contents. Aujourd’hui, on ne compte plus les gens qui dévorent leurs sandwichs en marchant ou en s’asseyant sur des bancs publics La conclusion est sans appel : il y de plus en plus de travailleurs pauvres : qui travaillent mais dont le salaire ne leur permet plus ni de se loger ni même de manger correctement.
Je me suis moi-même rendu compte de la nouvelle situation : pour conserver le même pouvoir d’achat d’il y a une décennie, il faut travailler deux fois plus : les journaux, les maisons d’édition et les invitations pour des conférences se raréfient ou baissent de niveaux ou encore mettent un temps fou à vous payer. Quand ces rentrées sont un plus, pas de problème mais quand les gens en ont besoin pour joindre les deux bouts, cela devient intenable.
Et nous en venons à la loi travail qui semble soulever une grande tempête. Il est difficile, même si on est pour réformer la France en profondeur, d’ignorer les préoccupations des gens. Ils ont peur de sombrer dans la précarité et ensuite dans la misère. Ils ont l’impression que les employeurs et le patronat en général pourront utiliser les licenciements comme des variables d’ajustement : le carnet de commandes est plein, on maintient les effectifs, il tarde à se remplir, on dégraisse.
Quand les gens manifestent leur crainte, voire leur mécontentement, les policiers sont appelés à la rescousse pour neutraliser les casseurs qui se mêlent aux défilés alors qu’ils n’ont rien à y faire. Comment en venir à bout, tout en respectant l’état de droit et en recourant à un usage modéré de la force ?
Les policiers m’ont donné l’impression de se plaindre un peu du pouvoir politique qui tarde à leur donner des instructions, ne met pas à leur disposition des canons à eau, d’autres véhicules anti-émeutes, etc… C’est le syndrome Malek Oussékin… Et on peut le comprendre.
Alors que faire ? Il faut considérer les policiers comme les autres citoyens. Certes, il ne faut pas oublier qu’une jeune étudiant de 21 ans a perdu l’usage d’un œil à la suite d’un tir d’un flash-ball. C’est extrêmement grave et ce n’est pas la première fois. Mais accuser toute la police de tels manquements serait injuste.
La situation est délicate, on se demande s’il ne faut pas, au préalable, une évolution politique. Mais que vaudrait un changement politique sans une nette amélioration économique du plus grand nombre ?