Emmanuel Macron et son interprétation de l’essence et des origines de l’islam…
Le président de la République tient parfois des discours inspirés, ce qui est un peu une nouveauté en politique. On se souvient de la campagne électorale, au moment où il commençait à rameuter les foules. Certains journalistes, goguenards, avaient été surpris par son état d’exaltation et avaient parlé de discours prophétiques, voire messianiques.. On y a presque eu droit hier lors du discours d’inauguration du très beau musée du Louvre d’Abu Dhabi.
Le président -un énarque comme tout le gotha politique et administratif français- a prononcé des paroles sensées mais aussi contestables sur un sujet parmi les plus sensibles du moment, l’islam, ses origines et sa vocation dans notre monde contemporain. Et quand je dis sensible, je n’exagère pas. Songez que cette religion et ses caricatures ont occupé de manière marquante l’élection présidentielle. Songez que pour se prémunir contre le terrorisme islamiste on a vécu sou le règne de l’état d’urgence pendant longtemps et que nous en sommes sortis uniquement après avoir intégré dans la loi ordinaire des dispositions de l’état d’urgence…
C’est dire combien la parole présidentielle d’hier doit être scrutée à la loupe. J’ignore l’identité du conseiller qui a tenu la plume à la demande du président, mais on peut affirmer, sans crainte de se tromper, que celui qui a prononcé l’allocution (devant maintes têtes couronnées arabo-musulmanes) a dû en peser chaque mot.
Pourtant, si la sincérité et l’authenticité des sentiments présidentiels ne font pas l’ombre d’un doute, les paroles prononcées, notamment la référence à un hypothétique syncrétisme qui serait à l’œuvre dans la religion mahométane, est une notion dont je doute qu’elle soit vraiment partagée par les auditeurs présents hier… Certes, la recherche historique, la science des religions comparées pointent dans la direction suivie par la parole présidentielle, mais une entité politique comme les Emirats Arabes Unis en est éloignée par des années-lumière.
Le président a eu raison de souligner que cette religion, gravement déformée par ceux qui l’instrumentalisent à des fins politiques, n’a jamais –et c’est son droit absolu- voulu procéder à une séparation qu’elle juge arbitraire, entre la loi religieuse (shari’a) et la vie politique ou publique. Le mot arabe pour laïcité est un néologisme très récent et doit son existence à des chrétiens orientaux, maronites principalement ; il fut formé au plan morphogénétique sur le terme désignant le monde ou la mondanité (alam, alamiya ou almaniya) : affaires ou choses de ce monde par opposition au monde du divin.
Le président a parlé à juste titre des monothéismes pour dire qu’ils se complètent et n’excluent pas mutuellement. C’est bien vrai mais il faut aussi tenir compte d’un dogme indéplaçable (unverrückbar) au sein de l’islam qui voit en son propre prophète le sceau de l’inspiration prophétique, la fin d’un cycle qu’il couronnerait ; ce qui implique clairement une sorte d’exclusivisme religieux et une inerrance prophétique. Or, cela heurte frontalement notre système socio-politique qui procède au découplage des convictions religieuses et de l’emplacement au sein du corps social. En clair : les gens peuvent croire ou ne pas croire, cela n’aura aucune incidence sur l’égalité des chances qui structure toute notre organisation sociale.
Mais ces idées présidentielles sont principalement l’expression d’un vœu digne d’éloge : expliquer clairement et publiquement à quelques dirigeants du monde arabo-musulman qu’il faut favoriser ce qui rapproche et bannir enfin tout ce qui divise, isole ou conduit à des confrontations violentes. On laisse loin derrière soi les temps des croisades et du djihad. Je rappelle que ce terme n’a pas qu’un sens guerrier. Il peut aussi désigner la confrontation avec soi-même par le biais de l’exégèse afin de découvrir quel est le vrai sens du verbe divin, de la Révélation. Etnat entendu que la polysémie du verbe divin ne sera jamais contenue entièrement par notre intellect humain.
Et dans ce sens, il faut saluer la parole présidentielle qui n’a pas hésité à qualifier de menteurs ceux qui trompent leur monde en faisant croire que le seul dialogue entre les religions passe par la guerre, la coercition et le mépris de l’Autre alors que dès 1179 le médecin-philosophe musulman Averroès, nourri d’idées puisées dans le legs gréco-arabe, recommandait dans son Traité décisif de pratiquer une exégèse du dialogue et d’ouverture à l’Autre et au monde.
Certes, le président français a célébré avec des envolées lyriques le culte de la paix, de la beauté et de la culture. Pour parler comme les Anglo-saxons, c’est du soft power. Mais la visite à la frégate J.B. accompagne ce geste de paix et d’ouverture. C’est une belle articulation du soft et du hard power.
En face des petits EAU, juste en face, à quelques milles marins, il y aune puissance qui a érigé en norme tout le contraire de ce que prône le président de la République, l’Iran des Mollahs, un pays qui risque d’entraîner le monde entier dans une grave confrontation armée dans unee région déjà très instable.
La culture, l’intelligence, le culte de l’art, l’action de réfléchir et d’agir sur le monde qui nous entoure, telle est la voie qu’ Emmanuel Macron recommande au monde islamique.
Le salafisme n’est pas l’islam.
Maurice-Ruben HAYOUN in