La raison et la foi selon Jean-Marc Ferry (Agora, 2016)
Cet ouvrage, élégamment présenté et bien informé, mais qui aurait tant gagné si son auteur, professeur de philosophie à la retraite, avait évité un insupportable jargon, s’attaque à un imposant massif de la pensée, dans son double versant philosophique et religieux. Fides sive ratio, la foi c’est aussi la raison ! Cette affirmation, cette conviction profonde jalonne les écrits de tous ceux qui ont tenté, par leur enseignement et / ou leurs écrits, de rapprocher ces deux pôles de l’humanité croyante et pensante. On trouve cette tendance au rapprochement philosophico-religieux dans les trois monothéismes : le judaïsme (Maimonide et ses épigones), le christianisme (Thomas d’Aquin et Albert le grand) et l’islam (Ibn Tufayl, ibn Bajja et Averroès). C’est même la marque de fabrique de la pensée européenne qui doit son éclatante richesse, sa supériorité intellectuelle et ses prouesses techniques à cette tension polaire fécondante et fructueuse entre la spéculation et la Révélation. L’histoire de toute la philosophie médiévale est jalonnée par des tentatives de prouver que ces deux pôles de la pensée puisent à la même source… Au fond, c’est ce que proclamait l’Ecclésiaste (IIIe siècle avant notre ère), en dépit de son pessimisme foncier : Les paroles des Sages sont comme des aiguillons et les collections de sentences comme des clous bien plantés. Ils sont donnés par un seul berger… A elle seule, la fin de ce verset a servi de justification à ce rapprochement entre ces deux formes de pensée : l’intellect divin, cosmique, face à l’intellect humain avec toutes ses insuffisances. Mais je souligne SEUL, c’est le mot le plus important. Par rapport à l’intellect divin, l’intellect humain est un intellect ectype (Kant)