Edmond Fleg, un maître (oublié) du judaïsme français…
Lorsque ce grand maître spirituel du judaïsme français, quoique genevois de naissance, quitta ce monde en 1963, à l’âge de 89 ans, le journal hébraïque d’Israël, Maariv lui consacra toute une manchette, saluant l’œuvre immense qu’il avait accomplie dans de très nombreux domaines. Ce fils d’une vieille famille juive de la bourgeoisie helvétique eut un destin singulier. Engagé volontaire durant la Grande Guerre, né en 1874, il devient membre de la Légion étrangère et développa un fort sentiment de fidélité à sa nouvelle patrie, la France, après sa naturalisation. Il était aussi né dans une famille juive assimilée mais qui n’avait pas franchi le pas de la conversion. Il évoque avec émotion les prières quotidiennes de son père, l ’action de s’envelopper dans le châle de prière, la mise des tefillin, l’action de grâces après les repas, l’atmosphère du vendredi soir, le chabbat… Tous les moments marquants de la vie juive.
Mais petit à petit, à l’âge adulte et après tant de travaux littéraires ou poétiques, Fleg va se mesurer à son destin de juif. Il publiera un ouvrage, largement autobiographique, L’enfant prophète (1926) où un certain Claude Lévy fait part de sa quête identitaire dans une France où il n’est guère seyant de se dire juif, car chaque membre de cette communauté en butte à un violent antisémitisme se disait avant tout «israélite français» ; cette dénomination visait à enjamber la période historique au cours de laquelle le judaïsme biblique aurait été «perverti» par «les rabbins et les docteurs de la loi du talmud»… D’autres allaient encore plus loin et ne voulaient entendre parler que de mosaïsme, la loi de Moïse, sous-entendu non perverti par les tendances particularistes des talmudistes. D’où l’opposition célèbre entre l’universalisme chrétien et le particularisme juif… où une certaine église, s’attribuait, encore une fois, le beau rôle.