Erri De Luca, Impossible (Gallimard)
C’est une œuvre plus philosophique que littéraire ou romanesque que nous nous offre l’auteur italien bien connu dans notre pays ; elle se situe dans un cadre assez insolite, puisqu’il s’agit du cabinet d’un juge d’instruction. Et pourquoi donc ? Pour la bonne raison qu’il y a eu, lors de l’escalade d’une montagne dangereuse, mort d’homme et que la victime d’une chute au fond d’un ravin avait eu maille à partir avec un autre randonneur, bien des années auparavant… Or, il se trouve que tant la victime que le suspect se connaissaient et avaient eu un grave différend politique ayant entrainé l’arrestation et la condamnation de tout un réseau de militants révolutionnaires. En d’autres termes, ce qui est présenté comme un accident, la chute d’un randonneur au fond d’un ravin montagneux, est peut-être un assassinat qu’on a voulu déguiser en accident. D’où l’interrogatoire du suspect par un juge d’instrument qui mène l’enquête. Il faut ajouter que la rencontre est le fruit d’une coïncidence incroyable, l’auteur préfère dire ; impossible, d’où le titre de l’ouvrage. Et c’est vrai car il y avait un e chance sur dix millions pour que deux hommes ayant fait partie d’un même groupe révolutionnaire se retrouvent à quelques centaines de mètre l’un de l’autre, à escalader la même montagne. On comprend donc les soupçons du juge dont l’auteur se plaît à souligner la jeunesse, l’inexpérience et la fragilité. En plus d’un retour sur les années de plomb de l’Italie, c’est une critique à peine voilée de la justice en tant qu’institution sociale.