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Vu de la place Victor-Hugo - Page 1191

  • Les francophones en Israël

    Il y quelques décennies, on pouvait demander son chemin en français dans de nombreuses villes d’Israël ; Notamment à Ashdod, Beer Shéva, Natanya, Tel Aviv et même Jérusalem. Aujourd’hui, on peut encore le faire, mais ce sont les Russes et les ressortissants des anciens pays de la défunte URSS qui ont acquis la majorité dans les villes en question. Ceci est particulièrement perceptible dans des villes comme Ashdod et Natanya. Tout d’abord, la croissance de la population est étonnante. Il y a une petite trentaine d’années, la ville d’Ashdod, cité portuaire importante, ne comptait que quelques dizaines de milliers de résidents, aujourd’hui, elle n’est pas loin des 300. 000 âmes. La même chose peut se dire de Netanya, quoique dans une moindre mesue. Et l’équilibre linguistique s’en est trouvé entièrement changé.

    Si vous vous promenez dans l’un des centres de la ville, là où se trouvent les restaurants, les cafés et les magasins, vous trouverez des tablées entières composées d’émigrants russes là où, précédemment se reposaient de paisibles retraités de la région parisienne. Et comme l’assimilation se fait graduellement et presque imperceptiblement (car la télévision et la radios’impégnent à votre mémoire et transforment votre vocabulaire) on assiste alors à un curieux mélange des langues. Les mots que l’on ne connaît pas encore en hébreu sont remplacés par des équivalents français. Le plus amusant est de voir de jeunes Israéliens ayant des grands-mères francophones qui ne dominent pas bien la langue sacrée corriger ou compléter leur hébreu.

    Cette situation linguistique pose la question de l’attachement des nouveaux Israéliens à leur ancienne patrie. La plupart disposent de la double nationalité et n’ont jamais voulu rompre définitivement avec Paris où ils conservent encore des attaches. Mais au plan politique, ils ressentaient durement une politique étrangère française qu’ils jugaient très inopportunément pro-arabe.

    Depuis  environ 27 mois, les choses ont entièrement changé, la politique française au Proche Orient leur paraît plus équilibrée. Les efforts i ncessants du Président Sarkozy en vue d’intégrer Israël  à sa politique euro-méditerranéenne.

    Reste le problème de la francophonie au plan mondial. Israël est sans cesse rejeté par les autres Etats francophones de la région (e.g. le Liban) ainsi que par d’autres Etata qui refusebnt de participer aux conférences de la francophonie aux côtés de l’Etat d’Israël. Et ceci est un problème sur lequel les citoyens de ce pays reviennent toujours avec une certaine amertume.

    Espérons qu’un jour prochain, même ce problème trouvera une solution qui agrée à toutes les aprties.

  • L’article du Washington Post du Prince héritier de Bahrein

    Le Jerusalem Post de ce lundi 27 juillet publie dans la rubrique  comment & features une tribune libre due au prince héritier de Bahrein, Cheikh Salman ibn Hamad al Khalif, qui se veut un vibrant plaidoyer en faveur d’une paix totale et définitive au Proche Orient. En fait, la tribune est un catalogue de bonnes intentions qui n’apportent rien de radicalement nouveau. Alors pourquoi en parler ? Parce que l’auteur n’est pas n’importe qui et que son appel à une paix globale et définitive est sincère et mérite toute notre attention.

    Le premier point sur lequel son Altesse Royale met l’accent est le déficit de dialogue des Arabes avec Israël. Son A.R. considère que les Arabes n’ont pas suffisamment maîtrisé l’outil de communication au point que le réflexe premier (et légitime) des Israéliens était de mettre tous les Arabes et tous les Palestiniens dans le même sac et d’ignorer la moindre nuance dans leur comportement. De même, ajoute-t-il, les Arabes et surtout les Palestiniens étaient convaincus que leurs ennemis planifiaient leur destruction. Ce point de départ est excellent et démontre une authentique volonté de jeter les préjugés et les rancoeurs à la rivière. Ce qui n’est pas, ici, chose facile, tant les haines sont recuites.

    Son A.R. poursuit en notant que la plus lourde erreur fut de penser que la paix surviendrait à la vitesse de la lumière, qu’elle illuminerait les esprits et pacifierait les cœurs comme on appuie sur un interrupteur pour allumer une lampe. Selon l’auteur, la faute incombe principalement aux Arabes qui n’ont pas assez développé le dialogue avec Israël. Au passage le prince stigmatise l’attitude d’autres pays ( qu’il ne nomme point) qui voulaient que les victimes restent des victimes afin de mieux les exploiter politiquement et de tirer les marrons du feu. Cette époque devrait être révolue à ses yeux.

    Se parler ne peut qu’être bénéfique aux deux parties ; et ce, pour deux raisons : la première, c’est que tout le monde aura à gagner si la sécurité revient enfin dans la région : et la seconde, la sécurité entraîne toujours dans son sillage la prospérité. Son A.R. énonce ici une vérité de bon sens qui a échappé aux belligérants, et notamment à ceux qui pensaient que l’affaire pouvait se régler par l’annihilation de l’une des deux parties.

    Son A.R. donne  en exemple les Etats du Golfe arabo-persique qui ont su s’unir et bâtir ainsi l’une des plus grandes puissances financières au monde.

    Une telle prospérité, de telles perspectives économiques tireraient les Palestiniens de leur état miséreux et les détourneraient d’actions de destruction et de mort. Assurément, le Prince se sent tenu d’insister sur la justice qui doit être rendue aux Palestiniens, faute de quoi on l’accuserait de passer leurs difficultés sous silence et son article n’aurait plus aucune portée. De longues années de dialogues de sourds ont rendu les mentalités rigides. Il est temps de changer d’attitude.

    Mais parler ne suffit pas car selon le Prince il est urgent de faciliter la vie des Palestiniens. Juifs et Arabes vivant en Terre sainte ont en commun plus de choses qu’on ne le croit. Ce qui les unit dit le Prince , est supérieur à ce qui les sépare. Et de revenir sur le plan de paix du roi Abdallah d’Arabie Saoudite, un plan que la partie israélienne (et pas elle seulement) avait passablement critiqué. Notamment parce qu’il prévoyait le retrait israélien des territoires conquis après la guerre des six jours. Notons que le Prince use de la formule anglaise et ne dit pas all territories, ce qui laisse place aux discussions. Il rappelle que le problème palestinien constitue un obstacle au réchauffement des relations entre  les deux pays arabes en paix avec Israël, l’Egypte et le Jordanie.

    Quelle est la proposition vraiment nouvelle du Prince ? S’intéresser de plus près aux medias israéliens, leur expliquer la cause des arabes, parler aux Israéliens des souffrances (je reprends les termes du Prince) des Palestiniens. Ainsi, vivrons nous peut-être une évolution positive des différentes positions .

    Son A.R. craint toutefois d’être mal compris et affirme que certains Arabes pourraient lui reprocher sa précipitation dans ses efforts de parler et de discuter. Il répond à cette critique en soulignant qu’il ne faut pas confondre communication et normalisation. Il est regrettable que cette remarque restrictive restreigne la portée de tout l’article. Mais c’est ainsi.

    Une fois la paix en marche, conclut le Prince, les affaires suivront. Et là plus personne ne songera à la guerre car chacun pensera à ce qu’il risque de perdre.

     

    Tel est le contenu de cette tribune libre. Est elle réaliste ? Est elle assez innovante et courageuse ? A d’autres plus experts que nous d’en juger. Cette tribune a le mérite d’exister et c’est déjà beaucoup.

     

  • Sionisme politique et sionisme religieux

    On m’a posé sur ce blog hier soir une question importante avec une demande d’ répondre assez rapidement. Je tente ici même. Y a-t-il un sionisme autre que religieux. Je renvoie évidemment au grand historien du sionisme Walter Laqueur dont l’ouvrage est disponible en français.

    Faisons une brève rétrospective. La question de l’internaute est compréhensible : comme le judaïsme se présente avant tout comme une religion révélée, comme une entité de nature essentiellement religieuse, comment parler de sionisme politique ou laïque ? Ce raisonnement se tient et l’étonnement est compréhensible. On pourrait même dire que le premier sioniste (religieux, évidemment) fut Abraham qui reçut une triple promesse : la garantie d’une divinité tutélaire (Je serai ton D-, tes descendants seront mon peuple), une descendance fort nombreuse et la terre de promission qui pose depuis les origines tant de problèmes. Les chapitres de la Genèse ( de 12 à 25, chapitre couvrant la décès du patriarche) reprennent l’antienne d’un héritage supposant l’enracinement dans cette terre et un retour en cas d’expulsion ou d’exil. On peut y voir les racines mêmes de ce sionisme religieux dont Abraham serait l’archétype

    En raison des drames et des vicissitudes de l’histoire juive, je pense notamment aux destructions des deux Temples dont le jour anniversaire tombe justement ce soir et demain. Ls habitants de cette terre durent prendre le chemin de l’exil. Dans ce sillage naquit une littérature essentiellement religieuse et en langue hébraïque, réclamant à cor et à cri le retour en Terre sainte, la Terre d’Israël, telle que nous pouvons en prendre connaissance dans  les écrits prophétiques.

    Pendant la période médiévale, par exemple, des poètes religieux comme Juda ha=Lévi (XIIe siècle) se rendit célèbre, entre autres, par ses Sionides ; tous les Israéliens connaissent ces premiers vers (Libbi ba-mizrah wa-ani be-sof ma’arav) : Mon cœur est en Orient alors que je me trouve, moi, au fin fond de l’Occident). Jamais la nostalgie de Sion n’a trouvé meilleure formulation.

    Pour faire bref, sautons quelques siècles et arrivons au XIXe siècle où pend corps une autre formulation, plus politique et donc laïque, de la volonté de s’en retourner  sur la terre ancestrale. Forcément les adeptes de cette nouvelle forme de sionisme durent laïciser des thèmes et transformer des idéaux dont l’origine était absolument religieuse. Ils le firent en usant parfois de subterfuges dont le plus célèbre est celui vantant la terre où coulent le lait et le miel ou encore en allant chercher en avion les Juifs du Yémen qui ignoraient encore tout du transport aérien. Les envoyés de l’Agence Juive se servirent du même langage religieux pour convaincre leurs auditeurs qu’ils étaient les envoyés du Ciel. Un passage biblique énonce clairement (wa-essa étkhém al kanfé nesharim waavi étkhém élay) : je vous chargerai sur les ailes des aigles et vous conduirai jusqu’à moi. Aux yeux de pauvres juifs yémenites, la ressemblance entre un avion ou un hélicoptère et un aigle est indéniable…. Et jusqu’à moi, cela signifie nécessairement Jérusalem puisque le Seigneur d’Israël y réside…

    Un autre élément, peut-être le plus déterminant dans cette affaire, a accompli son effet, c’est l’antisémitisme. Les pogromes, notamment en Russie et dans les pays voisins, portèrent l’espérance juive à son paroxysme. Léo Pinsker, médecin de son état, écrivit un texte fondateur intitulé Auo-Emancipation. La solution à la question juive (Judenfrage, quelle expression affreuse) consiste à retourner en Terre sainte, à faire renaître de ses cendres l’ancien Etat juif et à y vivre. Ce n’est plus une croyance religieuse, c’est un programme politique dont le fondement et la genèse sont de nature religieuse.

    J’ai déjà eu l’occasion de rendre longuement compte du volume consacré aux soixante ans d’Israël ; on y é voquait l’éloignement de David Ben Gourion de tout sentiment religieux digne de ce nom. Et n’oublions pas le grand absent, Théodore Herzl, fondateur du renouveau national, qui était un Juif bourgeois très assimilé de Vienne.   Il faut relire certains passages de son Etat des Juifs pour s’en rendre compte.

    Quant à Ben Gourion, son propre épouse Paula n’était pas d’origine juive (ce qui est son droit le plus absolu) et il consentit à mettre les pieds dans une synagogue que lors de la Déclaration d’Indépendance. On cryait un précédent célèbre : Paris vaut bien une messe…

    Enfin, il faut signaler que des juifs très religieux se sont mus en adversaires, voire en ennemis farcouhes du sionisme politique, arguant que c’est D- en personne, qui refondera l’Etat juif et fera reconstruire le Temple. Personne d’autres. Certains adeptes de cette théorie refusent de se faire enrôler dans l’armée, et parfois même (pour les plus radicaux ) aident les Palestiniens dans leur vie quotidienne.

    Cette étrange cohabitation entre religion et politique entre sionisme laïque et sionisme religieux me fait penser à l’Aufhebung de Hegel qui nous enseigne (ce que reprendra Karl Marx) que l’Histoire avance par contradiction surmonte. Aufheben voulant dire à la fois dépasser et supprimer.

    Quiconque comprend cela se fait une représentation juste du conflit opposant les laïcs aux religieux dans ce pays. Le plus tonnant, c’est que même divorcés, ces deux partis de la culture juive veulent vivre ensemble. Tout en s’engueulant copieusement (si l’on permet à un professeur une expression aussi triviale)