Mai 68 et nous : faut-il liquider l’esprit de mai 68 ?
Dans l’Hexagone, on aime bien les commémorations… Ainsi, à l’approche du quarantième anniversaire des fameux événements, une kyrielle de livres et tant d’émissions de télévision et de radio nous présentent des grilles de lecture de cette secousse qui, un temps, a manqué de tout emporter…
Que s’est-il passé ? Au fond, on ne sait pas très bien. Il y a l’état général de la société française de l’époque et un petit événement, un détonateur, qui a joué le rôle de facteur déclenchant. L’histoire des jeunes étudiants de Nanterre n’aurait eu aucun impact si la société de l’époque n’avait été, comme le dirent le Premier Ministre d’alors, Jacques Chaban-Delmas et son conseiller social Jacques Delors, «une société bloquée». Les hiérarchies étaient trop lourdes, trop tatillonnes, le rôle des contre maîtres dans les usines trop pénalisant pour les ouvriers et l’absence de concertation trop flagrante. Un hebdomadaire de gauche (qui paraît toujours) n’hésitait pas à écrire qu’il fallait «supprimer l’odieuse fonction de cadre» (sic !). Mais ce n’est pas là l’essentiel.
L’essentiel, ce sont les critiques et la mentalité sécrétées par ce qu’il faut bien nommer un soulèvement social avec cette mémorable «disparition» passagère du chef de l’Etat (De Gaulle), parti chercher à Baden Baden l’appui du général Massu…
Mai 68 a sonné le glas du gaullisme qui n’était plus au diapason de la France. Les générations montantes ne souhaitaient plus vivre dans le cadre légué par la génération précédente… Il fallut donc tout revoir, au choix : à la hausse ou à la baisse. Plus d’autorité, plus d’effort, plus de coercition, disaient les uns, tout au contraire, répliquaient les autres. On connaît la suite : une crise, à nulle autre pareille, notamment dans le domaine scolaire et éducatif, en général, de la maternelle à l’université. Ce qui n’a pas manqué d’obérer l’avenir…
Certains voient en mai 68 le germe de toutes nos déconvenues, le début du décrochage de la France par rapport à ses voisins, d’autres y discernent, au contraire, les germes d’un renouveau salvifique.
Mai 68 a été bénéfique jusqu’à un certain point, en ce sens qu’on a débloqué certains aspects de la vie sociale, libéré le groupe de nombreux carcans. Mais, d’un autre côté, ces événements ont ouvert la voie à un laisser-aller général, … On a mis trop de temps avant de revenir aux seules vraies valeurs qui soient, le travail, l’effort et le mérite.
Vu de la place Victor-Hugo - Page 1423
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Mai 68 et nous : faut-il liquider l’esprit de mai 68 ?
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Il y a deux siècles, Napoléon créait le franco-judaïsme
Article paru dans la Tribune de Genève le samedi 19 avril (rubrique L'invité)
La naissance du franco-judaïsme…
Il y a deux siècles exactement, au printemps de 1808, l’Empereur Napoléon Bonaparte intégrait les juifs de France, mais aussi d’Europe, à la socio-culture de l’époque. Non seulement il les arrachait à leur statut de parias, mais il fondait, par cet acte courageux et lucide, le franco-judaïsme, c’est-à-dire les institutions juives de France et d’Europe,
En d’autres termes, il créait un espace commun où pouvaient se développer dans le cadre de la loi, l’identité juive et la culture européenne. Lors de la campagne d’Italie, le chef militaire Bonaparte est révolté par la triste existence des habitants du ghetto de Venise. En traversant l’Alsace, il est interpellé par le conflit qui oppose les juifs locaux à leurs débiteurs, des paysans lourdement endettés, qui les accusent de pratiquer des taux usuraires. Le futur Empereur choisit la solution la plus intelligente, celle d’une intégration juste et généreuse. Dans ce cas, on s’inspirait à la fois des idéaux de la Révolution et du siècle des Lumières ; le philosophe juif de Berlin, Moïse Mendelssohn (1729-1786) avait chargé le haut fonctionnaire prussien Christian Wilhelm von Dohm de réfléchir à l’Emancipation des juifs
Le juriste prussien voulait montrer que les lois juives s’accordaient avec une citoyenneté pleine et entière ; il refusait de faire appel à la pitié ; selon lui, l’entendement sain, les sentiments humanitaires et les intérêts bien compris des Etats et des sociétés civiles requéraient un meilleur traitement des juifs. Dohm admettait que le port de la barbe, la pratique de la circoncision et un culte divin spécifique séparaient, certes, les juifs des autres habitants du pays où ils résidaient ; mais aussi longtemps qu’il n’aura pas été prouvé que ces règles sont asociales ou s’opposent à l’équité ou à l’amour du prochain, on ne saurait refuser aux juifs l’égalité des droits…
La démarche napoléonienne s’inspirait pleinement de ces arguments. Napoléon chargea quelques auditeurs du Conseil d’Etat de poser des questions à la délégation juive, conduite par le grand rabbin David Sintzheim (1738-1812) : les juifs étaient-ils les ennemis des chrétiens ? Feraient-ils de bons soldats, en dépit des règles rituelles du samedi ? Défendraient-ils leur patrie ? Prêteraient-ils serment devant des juridictions civiles ? Un mariage contracté avec une partie non-juive était-il valable à leurs yeux ? Les réponses de Sintzheim furent jugées satisfaisantes, même si parfois le vieux rabbin maniait volontiers l’humour… Napoléon Bonaparte demanda que toutes ces réponses, véritable charte du franco-judaïsme, fussenrt proclamées solennellement en l’Hôtel de ville de ville par le Grand Sanhédrin qu’il convoqua à cet effet.
Les consistoires furent donc créés en 1808 et continuent de fonctionner vaille que vaille. Il y eut le Consistoire de Paris qui regroupe aujourd’hui encore les congrégations religieuses qui se reconnaissent dans son idéologie. Ensuite, on assista à la naissance du Consistoire Central de France qui regroupe tous les autres consistoires disséminés sur le territoire national. On peut donc dire que Napoléon a non seulement émancipé le juif en tant que tel mais qu’il a aussi accordé un droit de cité au judaïsme en tant que religion.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si des institutions hyper-centralisées, financièrement exsangues et en perte de vitesse, sont encore d’actualité. On le constate nettement en scrutant cette vaste crise du leadership actuel.
L’action de Bonaparte fut, certes, bénéfique à l’époque, mais ne doit –elle pas être entièrement rénovée pour épouser enfin son au temps ?
Maurice-Ruben Hayoun
Professeur à l’Université de Genève
Dernier livre paru :
Renan, la Bible et les Juifs (Paris, Arléa, avril 2008)
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Gouverner la France II.
Gouverner la France II.
En commettant la précédente note sur la probable difficulté de gouverner la France, je ne pensais nullement soulever un tel tollé ni blesser quiconque. Si, par mes propos, certains se sont sentis injustement traités, j’exprime mes sincères regrets. Toutefois, j’en appelle à la droiture et l’intégrité morale de toutes et de tous : est-il vraiment aisé de diriger un pays qui a un grand besoin de réformes, lorsqu’une partie de la France se dresse contre l’autre ? Je citerai un chiffre, le solde du commerce extérieur : déficit de plusieurs milliards en France et excédent de… 220 milliards chez nos voisins allemands. Qui peut dire, au vu de ce tableau comparatif que la France est en bonne posture ?
Sans faire du pays d’outre-Rhin la cité idéale ni l’incarnation de toutes les vertus civiles et politiques, je suis bien contraint de relever que ce pays a pris de l’avance sur la France alors qu’il partait avec un grand handicap : remettre à niveau l’ancienne RDA et l’intégrer non seulement au système politique de l’ouest mais aussi au libéralisme économique. La RFA dut injecter dans ce puits sans fond, véritable tonneau des Danaïdes, des centaines de milliards d’euros et elle y est arrivée. Mais chez elle, le système de sécurité sociale fut réformée coûte que coûte (en allemand es koste was es wolle), l’indemnisation des chômeurs aussi, même si nous devons, je le souligne, comprendre aussi la douleurs de ceux et de c elles qui cherchent un emploi et n’en trouvent pas.… Le chômage mérite et exige aussi un traitement humain et compassionnel. Ceci est très important.
Faire des réformes n’est pas une lubie, c’est une nécessité. Il en va de même des conflits. Machiavel explique dans on maître livre Le Prince que l’arrière-fond des relations humaines et sociales est constitué par la conflictual ité . Il ajoute, pour ceux qui n’auraient pas compris, que la société sert d’espace d’affrontement entre ceux qui veulent dominer et ceux qui ne veulent pas être dominés…
Je sais que nombreux sont ceux qui n’aiment pas les intellectuels, mais on me permettra tout de même cette citation : Von Clausevitz dans son écrit De la guerre écrivait ceci : les conflits ne naissent pas de la volonté des hommes mais de la rupture d’équilibres… Alors rétablissons les grands équilibres et nous éviterons les conflits. Sinon, ce sont nos enfants et les enfants de nos enfants qui règleront la note.
La France est un grand pays et une grande nation. Elle doit le rester…