Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 1446

  • A. MEDDEB, Sortir de la malédiction. L'islam entre civilisation et barbarie

     

     

    Sortir de la malédiction, expression empruntée au philosophe Empédocle d'Agrigente qui parlait du pré de la malédiction: il s'agit d'un vibrant plaidoyer de Meddeb en faveur d'un Islam des Lumières, un islam qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour dans les pays concernés et qui commence à poser un sérieux problème à l'ensemble des nations.  Après une introduction de quelques dizaines de pages, solides et nouries aux meilleures sources, l'auteur critique ce qu'il juge répréhensible dans les pratiques islmaiques actuelles (et notamment les dérives terroristes) au long d'une bonne quarantaine d'articles qui pourraient ressembler à de simples tribunes dans nos grands quotidiens…

        Mais cette forme était peut-être voulue et délibérément recherchée afin de trouver un accès plus aisé aux lecteurs non avertis. De quoi s'agit-il? L'auteur dénonce avec force ce hiatus qui sépare la norme du fait, en d'autres termes l'immobilisme d'une certaine exégèse coranique qui se présente et présente sa source comme des réalités transcendantes, exclusives de toutes les autres et immuables. Pour donner de la consistance à ses sagaces propos, l'auteur recourt à une bonne érudition et à un accès direct aux sources originales. Il se tient aussi au courant des dernières recherches universitaires, notamment au très bon Dictionnaire du Coran, paru dans la collection Bouquins.
        L'auteur propose aussi une meilleure intelligence de certains versets qui avaient jusqu'ici intrigué les exégètes, mais chaque fois, il insiste sur la nécessité de tenir compte des normes du commentaire historique et appelle au dépassement de traditions visiblement dépassées.
        Comme la trame de l'ouvrage suit presque pas à pas l'actualité, l'auteur s'arrête un peu sur le fameux discours du pape à Ratisbonne, sur les timides réformes du statut personnel en terre d'islam et, assurément, sur les relations avec l'Occident.  Un petit point nous paraît intéressant et l'auteur gaganerait sûrement à l'intégrer dans l'un de ses futurs recueils.
        Il s'agit du orman philosophique d'Ibn Tufayl le Hayy ibn Yaqzan (XIIe siècle) qui fit le bonheur des penseurs juifs et chrétiens contemporains: les meilleurs esprits dont Moïse de Narbonne (1300-1362) le commentèrent et allèrent jusqu'à en hébraïser le titre (Yéhiel ben Ouriel)… Or, Ibn Tufayl fut le tout premier critique des traditions religieuses en islam. Grâce à la mise en en scène de son solitaire, Hayy, isolé sur une île déserte, il put montrer que livré à lui-même, cet homme sut décou!vrir les mystères de l'univers, de Dieu et de l'homme. Mais tout ceci, sans l'aide d'une quelconque révélation ou d'une tradition religieuse. Certes, le roman finit mal puisque le solitaire et son compagnon s'en retournent dans leur île déserte adorer Dieu suivant le culte pur et dépouillé alors que les habitants de la cité qu'ils avaient voulu convertir à leur culte épuré restaient opiniâtrement attachés à leurs mœurs.
        A une époque où l'Europe chrétienne n'avait pas la moindre idée de ce que signifiait la critique philosophieue de la religion et sa caractérisation comme un ensemble de myhes, de symboles et de métaphores, un sage musulman du XIIe siècle nous donnait avec sagesse et gravité une impérisssable leçon de dignité et de savoir-vivre… 
     
    PS: UN excellent article en allemand de l'orientaliste Timan NAGEL a été publié dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) du 5 février sous le titre Die unzeitgemäße Macht des Scharia-Islams. Nous en vons donné un long résumé en français dans notre blog (mrhayoun.blog.tdg.ch/
     
    Meddeb, Sortir de la malédiction… Seuil, 2007.

     

    Lien permanent Catégories : Philo
  • L'auto-biographie de Benazir Bhutto, parue aux éditions Héloïse D'Ormesson

     

        Cette autobiographie ne passera pas inaperçue; certes, Madame Bhutto a dit sa vérité, sa vision des choses et de son action politique à la tête de son pays, le Pakistan, ou dans l'opposition. Mais depuis sa tragique disparition, suite à un attentat attribué à al-Quaida, cette vérité est entourée d'un halo sacré, celui d'une martyre…

        Quand on regarde la photographie de la couverture, présentant une si belle jeune femme, pleine de grâce et d'intelligence, une femme parfaitement accomplie puisque fille méritante, mère et épouse attentionnée, et enfin, leader politique inflexible, on se demande comment un pays a pu se priver d'une telle concentration de talents.

        Mariée à trente-quatre ans (ce qui est très tard dans les sociétés musulmanes si sourcilleuses quant à la chasteté des jeunes filles, B.B. suit les conseils de sa mère qui l'incite à ne pas trp tarder pour avoir des enfants… Or, lorsqu'elle deviendra Premier Minisitre de son pays, les partis les plus machistes et les plus rétifs à la civilisation réclameront son départ de son poste au motif qu'enceinte, elle ne pourra pas diriger le pays… Si l'on n'était pas au Pakistan, on croirait rêver…

        Mais dans ce cas, le rêve deviendrait très vite un cauchemar: cette femme passe le plus clair de son temps à relater ses arrestations, ses séjours en prison, les attentats manqués, les foruberies de son armée, les difficiles négociations avec l'Inde et les USA, mais surtout la fin tragique de son père, renversé par son propre chef d'Etat-Major, le dictateur Mohammed Zia al-Huq qui le fit exécuter, a moité mort et ne laissa fléchir par aucune demande de grâce.

        Mais où va le Pakistan? En lisant B.B., on réalise que le chemin de la démocratie dans ce pays n'est pas aisé: elle raconte que l'ISI, les puissants services de renseignements de l'armée écoutaient sa ligne téléphonique à la fois politique et privée, que les généraux réclamèrent sans honte un droit de regard sur les nominations les plus importantes, afin, dirent-ils, de pouvoir assurer au mieux  la défense stratégique de leur pays… Et puis, il y a cette narration d'un dialogue ubuesque avec l'actuel général président, jadis simple directeur des opérations de l'armée de terre, qui lui conseillait de violer le frontière avec l'Inde et d'occuper une ville transfrontalière, ce qui aurait provoqué de la part du puissant voisin une réaction foudroyante.

      B.B. nous  fournit l'exemple d'une femme, née musulmane mais désireuse de vivre en accord avec son temps, sans se laisser dicter sa conduite par une tradition rétrograde. Hélas, sa course s'est brutalement et tragiquement terminée lors d'un meetind à Rawalpindi. Son parti a gagné les les élections, mais elle y a laissé sa vie… Telle les héroïnes de ces tragédies grecques, son sacrifice ouvrira peut-être la voie à un renouveau tant attendu.
     

  • Femmes de l'Ebangile de Chr. Pellistrandi

     

     

      Christine PELLISTRANDI, Femmes de l’Evangile. Préface de Mrg Jérôme Beau. Cahier de l’Ecole Cathédrale. Parole et Silence, 2007

        Nous lisons ici un très beau midrash chrétien, christique, voire même christologique, ce qui n’est guère surprenant eu égard au titre de l’ouvrage et à la personnalité de son auteur qui connaît sur le bout des doigts la littérature évangélique et vétéro-testamentaire, et, dernier mais non moindre, pratique à merveille une exégèse allégorique de caractère typologique.
        Il s’agit dans cet ouvrage de montrer la place des femmes dans l’Evangile, l’absence de préjugés qui caractérise Jésus en personne, puisqu’il accueille affablement la Samaritaine sans lui reprocher ce qu’il faut nommer une vie dissolue. L’auteur relève pertinemment que c’est à une femme, et qui plus est, une non-juive, que Jésus trahit sa nature de Sauveur et sa vocation messianique. De même que ce sera à une autre femme, Marie de Magdala, qu’il se montrera après sa résurrection…
    La mansuétude de Jésus apparaît encore plus au grand jour dans le chapitre suivant consacrée à la femme surprise en flagrant délit d’adultère. On connaît la célèbre répartie de Jésus qui sauvera l’accusée : que celui d’entre vous qui n’a jamais péché… Les silhouettes menaçantes qui avaient placé la femme au milieu (probablement pour simuler la lapidation qui devait s’ensuivre) ont disparu comme par enchantement… Et Jésus se retrouve seul avec la jeune femme. L’auteur , fidèle à sa méthode qui consiste à lire la Bible suivant la typologie chrétienne et à la spiritualiser écrit (p 52) : si nous acceptons de relire ce texte en l’appliquant à l’histoire d’Israël, qui se confond avec l’histoire de la femme Jérusalem, à travers les textes des prophètes, si nous entrons dans ce va et vient entre l’histoire et les symboles… Et c’est exact : c’est un véritable va et vient.
    C’est encore une réprouvée, une exclue que Jésus s’apprête à sauver en laissant une femme malade, souffrant d’écoulement sanguin, toucher son manteau. Il faut bien comprendre ce que recouvrait ce geste dans la société juive du 1er siècle : une femme dont le flux menstruel ne s’arrêtait pas était déclarée impure et donc infréquentable… Or, les Evangiles prennent soin de préciser que la patiente souffrait de tels écoulements depuis douze ans. Et on imagine quel type d’existence elle a pu mener dans son état. Tous les détails fournis tant par Luc  que par Marc montrent bien la vie clandestine de la femme : elle fend la foule, surgit par derrière et touche subrepticement le manteau de Jésus auquel était cousues les quatre franges rituelles (petilim), ce qui était strictement incompatible avec son état de femme malade… Et Jésus la guérit. Il en fit de même avec la fille du notable Yaïre. P 66 : c’est à travers une femme que Jésus annonce la guérison définitive de toute aliénation… celle que la société avait reléguée et  rejetée devient l’épouse du Messie…
    Ce n’est probablement pas le fruit du pur hasard si la résurrection du fameux Lazare intervient, si l’on peut dire, dans le cadre d’une double présence féminine, Marthe et Marie. Là encore, on note que des actions aussi importantes (le retour à la vie d’un cadavre qui entrait en décomposition au bout de quatre jours et qui était enserrée dans des bandelettes mortuaires !) sont effectuées par Jésus à la demande de femmes ; comme le relève justement l’auteur, Jésus a beaucoup d’amis et des femmes (les deux sœurs) en font partie.
    Enfin, le dernier chapitre, celui consacré à Marie de Magdala, permet à l’auteur de donner libre cours à sa ferveur religieuse catholique. C’est encore une femme qui a la primeur de la vision nouvelle, d’un Jésus ressuscité et qui court prévenir les Apôtres… Ce n’est pas rien, même si Renan (dans sa Vie de Jésus) parle d’une «hallucinée»…
    C’est donc un bel ouvrage qui nous instruit à plus d’un titre et que les lecteurs auxquels il est destiné sauront apprécier.




     

    Lien permanent Catégories : Religion