Paul Valéry, Ecrits politiques (Gallimard (Suite et fin)
En ce qui concerne la notoriété de Paul Valéry et son implication dans la vie sociale et politique française, il convient de rappeler qu’il fut président du Pen Club (section française), membre de la sous commission de la culture de la Société des Nations, membre de l’Académie française et aussi professeur au Collège de France où il occupa la chaire de poétique. Comme cela arrive assez souvent, maints esprits chagrins tentèrent de délégitimer un homme qui avait connu le succès. On a dit de lui que ce n’était pas un penseur mais un phraseur. Ce qui est excessif, bien que la critique porte un peu, au vu des discours, des rapports et des conférences donnés par l’intéressé. Toutes ces productions n’avancent pas d’un même pas, mais elles ont au moins le mérite de nous présenter un homme qui ne tourne pas le dos à son temps. Songez qu’il a connu, de près ou de très loi, trois guerres : 1871, 1914 et 1939. IL est mort en 1945.
Dans un rapport écrit à l’intention de la SDN de Genève, Paul Valery définit les buts de cette organisation internationale qui promeut la foi en l’homme, en l’intellect et en la paix. Les nations sont appelées à ne plus privilégier les confrontations brutales mais à se fonder sur l’intellect pour trouver des solutions pacifiques aux problèmes qui se posent. Nous trouvons aussi un beau discours sur les femmes, leur aptitude aux exercices de l’esprit, leur sensibilité dont on se demande si elles n’en ont pas le monopole, contrairement à l’intelligence masculine qui serait plus douée pour l’abstraction. Valéry se déclarera favorable à l’octroi du droit de vote aux femmes, il se fait même l’éloquent avocat de la cause féminine sans être un féministe.
Nous lisons aussi dans ce volume un projet Valéry-Focillon en vue d’unifier différents organismes littéraires afin de pouvoir mobiliser, en cas de besoin, les intellectuels des différents pays ; ces groupes sont censés peser sur les décisions des nations et de leurs gouvernants, ce qui devrait éloigner le plus loin possible le spectre imminent (on est dans l’entre-deux-guerres) d’une confrontation armée entre les puissances européennes. L’idée de Valéry et de ses collègues était de créer une instance de l’esprit qui dicterait enfin ses lois aux hommes en leur montrant qu’il existe d’autres choix que des initiatives brutales. Cette idée est remarquable et me rappelle les efforts déployés, à la même époque, par Romain Rolland, Stefan Zweig, et plus tard Martin Buber, pour éviter la guerre. Certes, le poète ne sous estime pas les difficultés pour établir un tel organisme doté de moyens, d’une revue, d’un bulletin de liaison, etc… pour mobiliser les intellectuels de tous les pays lesquels pèseraient ensuite sur la voie suivie par leurs gouvernements. Belle idée, mais, hélas, on connaît la suite. L’esprit est toujours désarmé face à la politique.
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