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Vu de la place Victor-Hugo - Page 261

  • Keila la rouge d’Isac Beshevis Singer (Editions Stock)

    Keila la rouge d’Isac Beshevis Singer (Editions Stock)

    Curieux roman que ce long récit de l’auteur yiddish si célèbre depuis son obtention du prix Nobel de Littérature en 1978 et qui a quitté ce monde en 1991. On y retrouve les mêmes descriptions d’un monde qui a sombré dans l’oubli, pas uniquement à cause de la Shoah à venir, mais surtout en raison d’une dissolution dans un univers radicalement nouveau et obéissant à d’autres règles, l’immigration aux USA, avec tout ce que cela suppose comme adaptation, déracinement, violence morale et renoncements de toutes sortes. Mais ici, dans ce long roman, paru en extraits dans la revue littéraire yiddish Forwaets, c’est un personnage fort étrange et haut en couleurs qui occupe le centre de l’intrigue, Keila la rouge, ainsi appelée en raison de son abondante chevelure rousse qui la distinguait de toutes les autres jeunes femmes du quartier juif de Varsovie. Mais ce n’était pas son unique signe distinctif, hélas, c’était plutôt son statut de prostituée notoire et douée, qui l’avait fait transiter par trois bordels à vingt-neuf ans à peine, sans compter les nombreuses rues de la capitale polonaise où elle exerçait sans vergogne sa coupable industrie. Alors qu’elle provenait d’une famille, certes pauvre et démunie, mais tout de même honnête, Keila était tombée dans les filets d’une bande de délinquants juifs qui s’étaient spécialisés dans la traite des blanches, recrutant par exemple, de belles mais naïves jeunes filles qu’ils conduisaient de Pologne en Amérique du sud afin de les contraindre à se prostituer… Ici, Singer veut démythifier une légende selon laquelle les juifs seraient plus moraux, plus éthiques, du fait même de leur naissance juive.

    Le problème avec cette Keila, c’est qu’elle s’était fort bien accommodée de ce mode de vie dans ce milieu interlope. On ne pouvait plus parler d’agir sous la contrainte puisqu’elle exerçait son métier avec bonheur (sic) et unissait son vice à sa condition de membre de la communauté juive sans trop de difficultés.

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  • Mais où donc va la France? Réflexions désabusées sur le temps qui passe…

    Mais où donc va la France? Réflexions désabusées sur le temps qui passe…

    Le Français qui rentre à Paris après un bref séjour à l’étranger est saisi par un trouble profond ; certes, durant son absence, il s’est tenu informé de ce qui se passe, de l’actualité parfois brûlante qui secoue son pays. Mais la prise de conscience n’en est pas moins brutale. Je laisse de côté les conditions climatiques : vous quittez un pays, Israël, où le soleil brille et la température est très élevée pour atterrir dans un Paris obscur et pluvieux. Sans même parler des embouteillages que nos chers cheminots provoquent en infligeant une double grève à de pauvres gens, comme nous, qui ne leur avons rien fait ! Au lieu de rejoindre Place Victor Hugo en une demi heure, il a fallu plus de soixante minutes pour être enfin rendu chez soi. Et ce n’est pas fini : nos grands génies de la mairie de Paris ont choisi ce même soir, au terme d’un long calvaire pour les usagers de la SNCF pour fermer une bonne partie du périphérique afin d’y réaliser des travaux… Seigneur Dieu, ne pouvait on pas attendre un autre jour, un autre moment, au lieu d’ajouter une peine à une autre peine ?

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  • Le chouk Allenby de Tel Aviv

    A Tel Aviv, dans les venelles du souk Allenby

     

    Il fait très chaud et la capitale économique de l’Etat d’Israël reste fidèle à sa réputation : une circulation automobile des plus importantes, une énergie à en revendre, des passants encore plus indisciplinés que les automobilistes, ce qui n’est vraiment pas peu dire. Mais il faut bien reconnaître que l’autoroute Natanya Tel Aviv n’a jamais été aussi libre et aussi fluide : en moins d’un quart d’heure, un record, on était rendu. Même le parking payant était disponible, ce qui est rarissime dans ce pays. Danielle gare le véhicule de location assez loin et nous marchons à pied, le long du front de mer, vers le célèbre marché de Tel Aviv, le chouk (même racine que le terme arabe qui opte pour la sifflante alors que l’hébreu a tenu à la chuintante…

     

    Nous coupons à travers l’imposant boulevard Rothschild et arrivons dans ce marché mythique. Ce général anglais, Allenby, a donné son nom tant à des ponts qu’à de rues, des boulevards et des avenues. Le flux incessant de visiteurs, les entrants et les sortants, empêche d’avancer. Soudain, mes oreilles bourdonnent car les patrons des échoppes hurlent, c’est la criée : on vend des mandarines, des légumes, des produits cachers pour Pessah, même des pizzas dont la pâte a été remplacée par des matsot, du pain azyme ! J’ai toujours pensé qu’il fallait rendre hommage à la sagesse et à l’ingéniosité du peuple juif, et plus à la seconde vertu qu’à la première… Ici, rien n’est normal, pas même l’existence de cet Etat juif puisque la quasi totalité de ses voisins arabes en contestent le bien fondé de l’existence. Est ce normal ? Non point.

     

    Et pourtant… Il est bien là. Mais dans ce marché, je ne supporte pas les cris des vendeurs qui vocifèrent. Même les gens ne se parlent pas, ils hurlent entre eux. Ailleurs, on se croirait près de l’affrontement, des voies de fait, ici, c’est la norme.

     

    Danielle cherche un marchand de voilures et de tentures qu’on a fini par trouver. Tel Aviv est connue pour ses moeurs légères et je ne suis pas étonné lorsque j’entre dans la boutique : le vendeur est effectivement d’un genre très particulier. Mais bon, que faire ? La ville est connue pour ses intarissables plaisirs, son non conformisme et sa tolérance légendaire ou proverbiale. Il y a aussi la ville de Jérusalem qui honore la tradition religieuse.

     

    La boutique de tissus me rappelle ma ville natale, Agadir où de tels magasins abondaient et avaient une grande clientèle. A cette époque là, les femmes achetaient des tissus et des couturières professionnelles confectionnaient des robes, des jupes et autres vêtements… C’est à travers de telles marchandises et de telles boutiques que s’affirme le caractère moyen oriental de cet Etat. Nous sommes en Orient même si Israël est une sorte d’enclave occidentale dans un océan africain ou asiatique. La nourriture elle-même en témoigne d e manière très éloquente. Les pitot, le houmous, etc…

     

    En dépit d’un fête qui prohibe la consommation de tout levain, de tout alimente fermenté, les échoppes de fast food sont prises d’assaut. La plupart des restaurants proposent des matsot, du pain azyme. J’ai même vu une imitation de pain normal, une sorte de pain à base de pommes de terre !! Ce pays doit s’adapter à des tas de conditions adverses pour vivre, voire pour survivre.

     

    En déambulant dans ce chouk, j’essaie de comprendre comment les choses se passent ici, qui est tout de même, le pays des Juifs, la terre ancestrale, le lieu censé à avoir été promis par Dieu au peuple d’Israël… Même les crieurs du prix de leurs fruits et légumes ont intégré cette problématique. Mais avec patience et persévérance, le pays tient la balance égale, ou presque, entre le régime démocratique d’une part et l’idéal sioniste, d’autre part.

     

    Quelques tenanciers d’échoppes sont visiblement arabes ; ils semblent intégrés au paysage, parlent l’hébreu, servent leurs clients, notamment quand ces derniers recherchent des épices de qualité. On trouve dans leurs échoppes des senteurs, des saveurs presque oubliés en Occident. Les Arabes israéliens sont, dans leur majorité, fiables et fidèles à l’Etat juif dont ils reçoivent passeports et cartes d’identité. Mais il arrive qu’il y ait des attentats imputables à certains d’entre eux. Pas à tous. On rappelle qu’un arabe israélien siège à la cour suprême en tant que juge. Un autre exerce les fonctions si délicates d’important commissaire de police.

     

    Mais dans le chouk, pas d’uniformes de policiers ni de soldats, cependant on sent bien des regards scrutateurs et inquiets car la sécurité est toujours l’enjeu majeur dans les lieux publics. On le voit à chaque fête juive, qu’elle soit religieuse ou simplement politique.

     

    Mais tout ce qui est de Tel Aviv relève du prodige. A l’origine, il y avait la ville arabe de Yafo (Jaffa) qui a été littéralement avalée par la ville juive, laquelle constitue une conurbation de près du tiers de la population totale d’Israël. Son premier maire se nommait Dizzengoff, la rue principale de la ville porte donc son nom.

     

    La disposition de ce marché Allenby, les marchandises qui y sont proposées ne se trouvent que dans d’autres métropoles régionales comme Le Caire, Damas, Beyrouth etc… Et pourtant l’essentiel des consommateurs sont des Européens ou d’origine européenne, par leurs parents et grands parents.

     

    En quittant le marché et son bourdonnement, une véritable ruche, nous cherchons un restaurant où dîner. Mais les deux ou trois restaurants que nous découvrons étaient littéralement bondés ou pris d’assaut. Force était de revenir vers le parking pour tenter notre chance chez Barbounia, gargote typique, devenue célèbre pour ses petits plats de tout petits rougets… En marchant, nous découvrons des établissements servant des galettes azymes et d’autres avec des petits pains sur les tables.

     

    Israël est et restera une terre de contrastes. Les Juifs eux mêmes ne seront jamais normaux, comme les autres. L’existence juive ne le permet pas, elle heurte la notion classique d’existence. Dans ce marché, j’ai entendu parler en au moins dix langues. L’hébreu est la langue du pays, de l’administration, pas celle des Israéliens entre eux. Exemple typique, les francophones, trahis par leur accent.

     

    Au fond, ce marché, ce chouk est une Tour de Babel qui a réussi, défiant toutes les lois du monde. Indéchiffrable destin juif parmi les nations.

     

    Dans son magnifique ouvrage paru en 1957 et réédité aux éditions oblong Claude Sarfati (2018), les Bâtisseurs du temps, l’auteur, Abraham Heschel écrivait ceci : Pour être un homme, le Juif doit être plus qu’un homme. Pour être un peuple, le peuple juif doit être plus qu’un peuple…

     

    A Tel Aviv, dans les venelles du souk Allenby

     

    Il fait très chaud et la capitale économique de l’Etat d’Israël reste fidèle à sa réputation : une circulation automobile des plus importantes, une énergie à en revendre, des passants encore plus indisciplinés que les automobilistes, ce qui n’est vraiment pas peu dire. Mais il faut bien reconnaître que l’autoroute Natanya Tel Aviv n’a jamais été aussi libre et aussi fluide : en moins d’un quart d’heure, un record, on était rendu. Même le parking payant était disponible, ce qui est rarissime dans ce pays. Danielle gare le véhicule de location assez loin et nous marchons à pied, le long du front de mer, vers le célèbre marché de Tel Aviv, le chouk (même racine que le terme arabe qui opte pour la sifflante alors que l’hébreu a tenu à la chuintante…

     

    Nous coupons à travers l’imposant boulevard Rothschild et arrivons dans ce marché mythique. Ce général anglais, Allenby, a donné son nom tant à des ponts qu’à de rues, des boulevards et des avenues. Le flux incessant de visiteurs, les entrants et les sortants, empêche d’avancer. Soudain, mes oreilles bourdonnent car les patrons des échoppes hurlent, c’est la criée : on vend des mandarines, des légumes, des produits cachers pour Pessah, même des pizzas dont la pâte a été remplacée par des matsot, du pain azyme ! J’ai toujours pensé qu’il fallait rendre hommage à la sagesse et à l’ingéniosité du peuple juif, et plus à la seconde vertu qu’à la première… Ici, rien n’est normal, pas même l’existence de cet Etat juif puisque la quasi totalité de ses voisins arabes en contestent le bien fondé de l’existence. Est ce normal ? Non point.

     

    Et pourtant… Il est bien là. Mais dans ce marché, je ne supporte pas les cris des vendeurs qui vocifèrent. Même les gens ne se parlent pas, ils hurlent entre eux. Ailleurs, on se croirait près de l’affrontement, des voies de fait, ici, c’est la norme.

     

    Danielle cherche un marchand de voilures et de tentures qu’on a fini par trouver. Tel Aviv est connue pour ses moeurs légères et je ne suis pas étonné lorsque j’entre dans la boutique : le vendeur est effectivement d’un genre très particulier. Mais bon, que faire ? La ville est connue pour ses intarissables plaisirs, son non conformisme et sa tolérance légendaire ou proverbiale. Il y a aussi la ville de Jérusalem qui honore la tradition religieuse.

     

    La boutique de tissus me rappelle ma ville natale, Agadir où de tels magasins abondaient et avaient une grande clientèle. A cette époque là, les femmes achetaient des tissus et des couturières professionnelles confectionnaient des robes, des jupes et autres vêtements… C’est à travers de telles marchandises et de telles boutiques que s’affirme le caractère moyen oriental de cet Etat. Nous sommes en Orient même si Israël est une sorte d’enclave occidentale dans un océan africain ou asiatique. La nourriture elle-même en témoigne d e manière très éloquente. Les pitot, le houmous, etc…

     

    En dépit d’un fête qui prohibe la consommation de tout levain, de tout alimente fermenté, les échoppes de fast food sont prises d’assaut. La plupart des restaurants proposent des matsot, du pain azyme. J’ai même vu une imitation de pain normal, une sorte de pain à base de pommes de terre !! Ce pays doit s’adapter à des tas de conditions adverses pour vivre, voire pour survivre.

     

    En déambulant dans ce chouk, j’essaie de comprendre comment les choses se passent ici, qui est tout de même, le pays des Juifs, la terre ancestrale, le lieu censé à avoir été promis par Dieu au peuple d’Israël… Même les crieurs du prix de leurs fruits et légumes ont intégré cette problématique. Mais avec patience et persévérance, le pays tient la balance égale, ou presque, entre le régime démocratique d’une part et l’idéal sioniste, d’autre part.

     

    Quelques tenanciers d’échoppes sont visiblement arabes ; ils semblent intégrés au paysage, parlent l’hébreu, servent leurs clients, notamment quand ces derniers recherchent des épices de qualité. On trouve dans leurs échoppes des senteurs, des saveurs presque oubliés en Occident. Les Arabes israéliens sont, dans leur majorité, fiables et fidèles à l’Etat juif dont ils reçoivent passeports et cartes d’identité. Mais il arrive qu’il y ait des attentats imputables à certains d’entre eux. Pas à tous. On rappelle qu’un arabe israélien siège à la cour suprême en tant que juge. Un autre exerce les fonctions si délicates d’important commissaire de police.

     

    Mais dans le chouk, pas d’uniformes de policiers ni de soldats, cependant on sent bien des regards scrutateurs et inquiets car la sécurité est toujours l’enjeu majeur dans les lieux publics. On le voit à chaque fête juive, qu’elle soit religieuse ou simplement politique.

     

    Mais tout ce qui est de Tel Aviv relève du prodige. A l’origine, il y avait la ville arabe de Yafo (Jaffa) qui a été littéralement avalée par la ville juive, laquelle constitue une conurbation de près du tiers de la population totale d’Israël. Son premier maire se nommait Dizzengoff, la rue principale de la ville porte donc son nom.

     

    La disposition de ce marché Allenby, les marchandises qui y sont proposées ne se trouvent que dans d’autres métropoles régionales comme Le Caire, Damas, Beyrouth etc… Et pourtant l’essentiel des consommateurs sont des Européens ou d’origine européenne, par leurs parents et grands parents.

     

    En quittant le marché et son bourdonnement, une véritable ruche, nous cherchons un restaurant où dîner. Mais les deux ou trois restaurants que nous découvrons étaient littéralement bondés ou pris d’assaut. Force était de revenir vers le parking pour tenter notre chance chez Barbounia, gargote typique, devenue célèbre pour ses petits plats de tout petits rougets… En marchant, nous découvrons des établissements servant des galettes azymes et d’autres avec des petits pains sur les tables.

     

    Israël est et restera une terre de contrastes. Les Juifs eux mêmes ne seront jamais normaux, comme les autres. L’existence juive ne le permet pas, elle heurte la notion classique d’existence. Dans ce marché, j’ai entendu parler en au moins dix langues. L’hébreu est la langue du pays, de l’administration, pas celle des Israéliens entre eux. Exemple typique, les francophones, trahis par leur accent.

     

    Au fond, ce marché, ce chouk est une Tour de Babel qui a réussi, défiant toutes les lois du monde. Indéchiffrable destin juif parmi les nations.

     

    Dans son magnifique ouvrage paru en 1957 et réédité aux éditions oblong Claude Sarfati (2018), les Bâtisseurs du temps, l’auteur, Abraham Heschel écrivait ceci : Pour être un homme, le Juif doit être plus qu’un homme. Pour être un peuple, le peuple juif doit être plus qu’un peuple…