Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu de la place Victor-Hugo - Page 429

  • Au bout du monde, au Béréchit de Mizpé Ramon

    Au bout du monde, au Béréchit de Mizpé Ramon (Néguev)

    Tout le monde en parle et il figure dans la liste des hôtels les plus beaux et les plus insolites au monde : le Béréchit de Mizpé Ramon. Pourquoi Béréchit qui est le premier terme de la Bible hébraïque (in principio en latin) ? Parce que l’hôtel, si original et si inimitable est quasiment bâti sur un cratère préhistorique et depuis le balcon de chaque suite (avec piscine privée) vous pouvez contempler le désert. Je dis bien le désert sans aucune addition de la main de l’homme.

    On me dit que c’est un observatoire sans égal, c’est en tout cas le sens du terme hébraïque  pour désigner un point d’observation ou de vue. Mais pour Ramon on croit savoir mais je n’en suis pas certain, que ce serait une déformation de l’hébreu romaï pour romain car les légions romaines, du temps de leur domination en terre d’Israël, avaient construit une route jusqu’à cet endroit. D’où l’appellation ramon.

    Quand vous êtes arrivés dans cette huitième merveille du monde, vous avez du mal à trouver l’ouverture, l’entrée principale. En fin de compte, vous vous engagez dans une allée carrossable qui vous conduit vers un bâtiment principal aux pierres apparentes et tout autour vous distinguez une noria de voiturettes électriques conduites par des jeunes gens d’une affabilité extrême surtout pour un pays comme Israël où l’idée même de service ou de servir n’est pas encore totalement entrée dans les mœurs.

    On roule au pas et c’est heureux car à moins de dix mètres je n’en crois pas mes yeux : cinq ou six bouquetins broutent les maigres arbustes avant de se tourner vers l’eau des piscines individuelles des suites en rez de jardin.

    Pour rejoindre sa chambre (une vaste chambre à coucher, une grande salle de bains avec douche et baignoire) et un beau balcon dominant le désert, une voiturette électrique se tient à votre disposition ; il en sera de même quand vous serez prêt à rejoindre la belle salle à manger pour le dîner.

    Chaque suite dispose d’un escalier en bois et quand vous entrez dans la chambre les pierres du lieu sont apparentes, elles sont liées les unes aux autres par une espèce de mortier qu’aucune truelle n’a tenté d’uniformiser. L e dépaysement est total ; j’ai envie de dire : un très bel hôtel au milieu de nulle part. Un joyau aux vifs éclats et auquel le désert sert d’écrin..
    Mais ce n’est rien par rapport à ce que vous allez ressentir le lendemain matin après une nuit de sommeil réparateur, car il ne faut pas oublier qu’il faut presque trois heures de route depuis Tel Aviv pour arriver dans ce lieu charismatique. Et trois heures de toute en Israël, ce n’est pas comme l’autoroute pour aller en Normandie !

    Le matin venu, je me précipite pour tirer le lourd rideau qui bouche la vue et là c’est la révélation : un immense cratère au bord de l’hôtel, un désert à perte de vue, sans que la main de l’homme y ait changé quoi que ce soit. Seigneur Dieu, quelle vue ! Je lirai plus tard que ce cataclysme ayant entraîné ce cratère de plusieurs km de long et de large, remonte à quelques millions d’années et qu’il constitue une source infinie d’informations aux géologues et aux cosmognistes (si tant est que le mot existe).

    Je prends place sur le balcon avant même de me raser. Et je reste là, cloué à ma chaise, vissé sur place. Des idées me reviennent à l’esprit ; je pense à Renan et à ses pages immortelles lors de sa visite en Orient, au Liban et ailleurs dans la région. Je pense à sa phrase inoubliable selon laquelle le désert ne peut être que monothéiste.

    Il y a un contraste que les concepteurs de cet hôtel de luxe ont voulu maintenir et développer : un contraste entre le raffinement ouvragé de l’hôtel et la nudité, j’ai envie de dire la crudité de cette nature morte et pourtant bien là et bien vivante qui nourrit ma réflexion comme elle a nourri celle de Renan et de tant d’autres, avant et après lui.

    Les chapitres de la Genèse (Béréchit) nous parlent des pérégrinations du patriarche Abraham et de son petit fils Jacob : des étendues désertiques, la nécessité de trouver des pâturages pour les troupeaux, des points d’eau pour que les bêtes ne meurent pas de soif, les querelles entre les bergers des différentes tribu… Er c’est ainsi que Moïse en personne trouve le chemin du cœur de Sephora, la fille de Jethro, le prêtre de Madian. Fort et courageux, il se met entre les jeunes bergères et leurs tourmenteurs, et celles-ci, ravies de cette aide providentielle, l’invitent dans la maison de leur père. On connaît la suite.

    Quand vous scrutez de votre balcon ces blocs de pierre, fracassés par le froid nocturne et surchauffés par la température diurne, vous ne manquerez pas de vous interroger sur la fugacité de la vie humaine.

    Un Psaume, récité par les Lévites au temple de Jérusalem, évoque la brièveté de la vie humaine, sa précarité et sa fragilité : les jours de nos années se montent à soixante=dix années, et pour les plus vigoureux parmi nous à quatre-vingts… Et ces pierres à nos pieds étaient déjà et le seront encore lorsqu’aucun souvenir de notre passage sur cette terre ne subsistera.

    Le bulletin d’information de la télévision israélienne m’arrache à mes pensées maussades : à Jérusalem, mais aussi dans le nord du pays, on se demande si l’on vit une nouvelle intifada avec toutes ces agressions au couteau qui blessent, mutilent et tuent. Et les réactions de Tsahal qui s’adaptent à la gravité de la situation.

    Troublé par ce que j’ai entendu dire par la télé, je reviens à mon poste d’observation et je me dis ceci : si ces pierres pouvaient parler, que diraient elles, elles qui en ont vu d’autres ? Probablement que la folie de certains hommes n’a pas évolué, en tout cas pas dans le bon sens.

    Au moment où nous quittons la chambre pour aller dîner, un vent froid et piquant nous assaille et je me souviens alors de ce vers de Charles Baudelaire qui évoquait la dureté des hommes : Le cœur des villes change plus vite que le cœur des hommes

     

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du  12 octobre

  • V. Poutine remet Bacahr en selle

    V. Poutine remet Bachar en selle…

    Petit à petit la Russie dévoile son jeu en Syrie. Il ne s’agit plus uniquement d’écraser l’EI mais avant tout de rétablir le contrôle de Bachar sur son territoire, en commençant par ce qui est considéré comme le pays utile par son clan alaouite. D’où les bombardements aériens des Russes préparant la voie à des assauts terrestres effectués par l’armée loyaliste, avec le soutien ou au moins les conseils de ces mêmes experts militaires russes.

    Il y a seulement quelques jours, John Kerry avouait benoitement ne pas savoir ce que faisaient les Russes en Syrie : depuis hier soir, il le sait !

    Mais l’attitude russe divise la coalition arabe au sujet de la Syrie. En s’en prenant à ce que les Occidentaux, dans leur naïveté abyssale, nomment l’opposition modérée, les Russes se mettent à dos l’Arabie Saoudite et la Turquie, ce qui n’est pas rien. Les Wahabites ont déjà lancé des appels à la guerre sainte, quant aux Turcs, membres de l’OTAN, ils menacent de réagir militairement contre tout aéronef russe violant leur espace aérien.

    Si j’osais utiliser un vocabulaire médical, je dirais que les métastases du conflit syrien débordent largement sur les pays limitrophes et que le mal risque de s’étendre démesurément.

    Mais comment s’explique l’attitude volontariste de V. Poutine ? Est ce une manière cynique de réagir à l’isolement auquel son pays fut condamné, suite à ses actions délibérées en Ukraine ? On discerne tout de même les traces d’un marchandage : comme par magie, les choses ont l’air de se calmer en Ukraine alors que concomitamment les choses s’accélèrent en Syrie. L’analyse de V. Poutine est claire désormais : concentrer tous ses efforts pour sauver un allié menacé Bachar et tenter de rompre l’isolement en se rapprochant des Occidentaux, sans vraiment servir les mêmes intérêts ni les mêmes objectifs.

    Quel avenir peut on prédire ? Si l’armée russe réussit à redresser la situation désespérée de Bacahr, ce dernier bénéficiera à la fin du conflit, d’une armée, certes fatiguées, mais aguerrie et dotée de matériel russe ultra perfectionné. Ce qui n’arrange pas les affaires d’Israël. Quelle sera alors la réaction de l’Etat hébreu ? J’en ai une petite idée et elle n’ira pas dans le sens de l’apaaisement…

    Vous voyez, ce Proche Orient où le Dieu biblique s’est révélé pour la première fois aux hommes, est vraiment maudit. Quand donc sera t il enfin touché par la Grâce ?

  • La Russie, la TTurquie et la Syrie

    La Russie, la Turquie et la Syrie

    Nul ne peut prétendre de quoi demain sera fait : c’est ce que disait un livre biblique, celui des Proverbes, si ma mémoire ne m’abuse (ki lo téda ma yéléd yom). Qui aurait pu prévoir ou prédire que Bachar serait sauvé in extremis par les Russes, s’engageant massivement à ses côtés ? Il y a parfois une main invisible qui tire les ficelles de l’histoire mondiale dans les coulisses, modifiant les équilibres, promettant  certains à une perte irrémédiable et en sauvant d’autres, de manière quasi miraculeuse… C’est encore ce qui est arrivé à Bachar. Bref, alors qu’il reconnaissait lui-même de sérieuses défaites militaires, pour redonner le moral à ses troupes, voilà que de grandes puissances se battent presque pour l’aider. Car, au fond, mis à part les Trucs qui cultivent l’ambiguïté depuis le début, toutes autres puissances s’en prennent à l’Etat islamique qui est justement l’ennemi de Bachar… Les sanctions contre Moscou, l’isolement qui a menacé la diplomatie russe, la montée en puissance de l’islamisme dans la fédération de Russie, toutes choses ont pesé dans la décision de V. Poutine : se faire un petit espace dans la Syrie moribonde de Bacahr, quitte à l’évincer en douceur du pouvoir en lui garantissant de couler des jours heureux dans un petit paradis où nul ne viendra l’inquiéter.

    Les intérêts de la Turquie et de la Russie ne convergent pas du tout. Alors que les Russes veulent fortifier Bachar et annihiler l’EI, les Turcs sont obnubilés par un seul problème : les Kurdes dont les visées autonomistes constituent une menace pour leur intégrité territoriale. Les Kurdes menacent la Turquie actuelle de démembrement. Ce qui n’est guère réjouissant pour eux. Mais voilà, cela est inéluctable, il y aura à terme un Etat kurde qui mordra sur la Syrie, l’Irak, l’Iran et surtout la Turquie.

    Ce qui est grave, c’est le danger que représente pour les Turcs la violation de leur espace aérien par les chasseurs bombardiers russes. N’oublions pas que la Turqie est membre de l’OTAN et qu’en cas de conflit, l’OTAN doit se tenir à ses côtés.

    La diplomatie turque pourra t elle relever le défi ? J’en doute car la politique de M. Erdpgan est trop touffue et trop instinctuelle. Elle court plusieurs lièvres à la fois. Surtout, Erdogan a commis un grave erreur stratégique en accusant son allié israélien de tous les maux.

    On parle déjà avec insistance d’un démembrement de la Syrie ; c’est un mauvais signe pour ses voisins. On comprend les inquiétudes mais l’exercice diplomatique requiert une tête froide et non pas des secousses tectoniques.