Israël, la guerre contre le Hamas et les valeurs morales..
Avant de passer à la rédaction de ces quelques lignes sur une actualité brûlante qui nous fournit chaque jour que Dieu fait des nouvelles tristes et attristantes, j’ai relu l’oraison funèbre que Franz Rosenzweig a écrit en 1918, après la disparation de l’un de ses grands maîtres, Hermann Cohen, le fondateur de l’école néo-kantienne de Marbourg. Cette évocation lumineuse d’un grand philosophe, dont le père était kantor (chantre synagogal) d’une communauté juive orthodoxe, m’a rappelé qu’aux yeux de cet homme bon et généreux, tout le judaïsme tenait en un mot, l’éthique, thème magistralement repris pendant des décennies par un autre grand philosophe, français celui-là, Emmanuel Levinas. Et ceci nous ramène au sujet de cette actualité brûlante.
L’armée d’Israël, quoiqu’on en dise, n’est pas une armée comme une autre. D’aucuns, prévenus contre Tsahal, le nieront et évoqueront des bavures, des bombardements intempestifs, bref des victimes civiles ou militaires, causées par cette même armée. Il n’est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Je viens de voir sur I24News un père palestinien dont le fils est soigné et très bien traité dans l’hôpital d’Ashkelon ; le père du blessé est conduit chaque soir dans un hôtel de la ville et rejoint son fils le lendemain matin. Cet épisode n’est pas une simple affiche de propagande mais répond en réalité à l’essence profonde du judaïsme et à la vocation juive. Il existe une solidarité entre tous les exemplaires de l’espèce humaine et cette base gît au fondement de chacun d’entre nous.
Je ne reviendrai pas sur ce que les spécialistes –dont je ne suis pas- disent de ce conflit, à savoir qu’il est asymétrique, une armée contre une guérilla, mais aussi une guérilla qui se cache parmi la population, tire missiles et obus antichars depuis des résidences, des hôpitaux, des mosquées et des écoles. Toute armée, au service de son peuple, doit repérer les sources de feu, les identifier et les neutraliser. Mais que faire, lorsque l’ennemi n’a aucun sens des valeurs morales alors que vous, votre tradition religieuse ne vous laisse pas faire un seul pas en avant ou en arrière, sans les respecter à la lettre ? Comment faire pour éviter des pertes civiles lorsque l’ennemi s’en sert comme boucliers humains ?
Je ne connais pas une autre armée au monde qui prévient, à ses risques et périls, les habitants d’un quartier pour les prier d’évacuer les lieux, avant une attaque imminente ? Et pourtant, les médias internationaux s’abstiennent généralement, comme ce matin, de dire que si Tsahal a touché une école de l’ONU, c’est parce que les gens du Hamas y entreposaient des obus de mortiers et des rampes de lancement… L’information, disait Lénine, est un combat et les grandes victoires se gagnent sur les champs de batailles mais aussi sur les écrans des télévisions..
Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas frémir en voyant toutes ces victimes. Et je dois dire que les organes israéliens permettent à leurs compatriotes arabes de venir exposer librement leur point de vue qui, par delà la dialectique, rejoint le plus souvent les analyses du Hamas et des Palestiniens en général. Je ne sache pas que la Syrie ou l’Irak, ou même l’Egypte, aient jamais agi de la sorte : donner la parole à un compatriote juif afin qu’il exprime librement son point de vue.
Souvenez vous du cas Shalit que ses parents n’ont pas pu contacter ni surtout voir durant ses longues années de captivité alors que les détenus palestiniens étaient dûment recensés en Israël, recevaient paquets et visites de leurs proches et étaient à l’air libre alors que le jeune Israélien ne voyait plus la lumière du soleil depuis si longtemps… Encore une asymétrie dans les valeurs.
Clausewitz a écrit dans son traité De la guerre que les conflits ne naissent pas de la volonté des hommes mais bien de la rupture d’équilibre. Ici, il s’agit visiblement d’un déséquilibre moral. On a vu le Hamas, pourtant acculé et puisant dans ses dernières réserves, violer perfidement ses propres trêves, bombarder aveuglément des populations civiles : on a même appris que le dôme de fer avait détruit un missile qui menaçait de tomber sur Ramallah…
Est ce qu’une autre armée agirait de la sorte ? En cette année de centenaire de la Grande guerre, on apprend chaque jour les cruautés qui y furent commises par les deux camps. En voici quelques exemples horribles, glanés dans la correspondance entre Romain Rolland et Stefan Zweig : la rumeur fut répandue que l’armée française refusait de soigner les blessés allemands sur son territoire. J’ignore si cela est avéré mais la rumeur fut persistante. De leur côté, les Français firent courir le bruit que l’armée du Kaiser avait tranché la main droite de près de 4000 jeunes Français de 17 à 22 ans, afin qu’ils ne puissent pas se servir d’une arme ! Des horreurs !!
Jamais Israël n’a mal agi, mais la guerre , c’est la guerre. Surtout quand on vous la déclare unilatéralement et que l’on ne respect aucune règle.
La littérature prophétique contient plusieurs déclarations positives concernant l’Egypte et l’Assyrie, deux grandes puissances hégémoniques de l’époque, qui n’ont jamais cessé de tourmenter la petite Judée. Pourtant, les prophètes en parlent comme des créatures placées sous la protection du Dieu d’Israël. Il y a des injonctions à ne pas se réjouir de la chute de l’ennemi… C’est dire combien l’éthique est dans l’ADN d’Israël.
Dans la littérature talmudique, les Sages d’Israël ont mis sur pied les sept lois des Noachides, c’est-à-dire les règles régissant la vie des non-juifs, à savoir 99,99% de la population mondiale. Cela montre le souci de l’autre, la réponse à l’angoissante question de Caïn : suis je le gardien de mon frère ? A cette question majeure, véritable question éthique, Israël a toujours répondu : oui, nous sommes les gardiens de nos frères.
C’est aussi à Tel Aviv que l’on manifeste le plus en faveur de Gaza, sans même tenir compte du fait que c’est le Hamas qui expose cette population aux frappes aériennes.
Mais il existe une conséquence bien plus grave et dont on ressentira les effets après cette guerre : la crise de confiance qui se fait jour entre les juifs du monde entier et leur environnement. Ils se sentent incompris, injustement attaqués, caricaturés par les grands médias et les grands réseaux sociaux. C’est une fracture interne et je ne sais comment y porter remède.
Israël a donné la Bible à l’humanité et une grande partie de celle-ci le lui rend très mal en déformant son action et lui faisant des reproches immérités. Alors qu’Israël ne fait que se défendre tout en restant fidèle aux valeurs morales dont elle a fait l’apostolat au genre humain