Israël-Gaza : questions au lendemain d’un conflit armé
En dépit du caractère ardu des négociations qui s’annoncent, il est très improbable que les hostilités reprennent en raison de l’affaiblissement certain des capacités militaires du mouvement islamiste. Le fait même que le Hamas ait dû se soumettre à la médiation égyptienne, alors qu’il connaît les sentiments réels que lui témoigne le pays du Nil, parle de lui-même. Déjà, le Hamas n’évoque plus de port ni d’aéroport, ni même l’ouverture des points de passage, pour la bonne raison, que l’Egypte elle-même et plus seulement l’Etat d’Israël, tient à sa sécurité et ne veut pas permettre au mouvement islamiste de menacer sa propre quiétude en important des armes ou en permettant des attaques contre ses propres soldats dans le Sinaï.
Le première leçons que l’on tire de ce conflit porte sur la nature même du mouvement qui gouverne à Gaza. Les habitants de cette bande côtière se sont rendus compte que le Hamas et ses dirigeants sont plus des islamistes que des Palestiniens, ils instrumentalisent la cause palestinienne pour servir leur cause majeure, celle de l’islamisme radical, à savoir le mouvement mondial des Frères musulmans. La chose n’apparaît pas encore très clairement en Occident mais elle est évidente dans le monde arabe modéré, les sunnites notamment, où l’axe se dessine d’une alliance entre ces Etats modérés et Israël : c’est l’une des retombées les plus inattendues de ce conflit..
Cette prise de conscience des habitants de Gaza qui comprennent enfin que le combat du Hamas n’est pas le leur et que celui-ci les traite comme de la chair à canon, va modifier la donne.
L’armée israélienne a exhibé à la télévision des manuels de la guérilla urbaine où l’on explique clairement aux terroristes qu’il faut se servir de la population comme d’un bouclier humain, heurter la conscience de la communauté internationale en montrant des enfants morts ou blessés et en soulignant que l’éthique de Tsahal lui interdit de dégager une grande puissance de feu en raison des dommages collatéraux.
Un autre point généralement oublié par les médias : la demande insistante du Premier Ministre Benjamin Netanyahou en faveur de la reconstruction de Gaza, l’offre à cette population civile de certaines garanties de paix et de sécurité, la possibilité d’y développer des industries et de donner du travail et un avenir meilleur à tous. Cette reconstruction en général et ce développement économique en particulier doivent éclairer un horizon totalement bouché par la guerre qui ressurgit tous les deux ans. En clair, Israël demande fermement la démilitarisation de cette bande côtière, au besoin, il est même prêt à l’imposer, et le désarmement de la branche armée du Hamas. Après tout, ce groupe terroriste peut suivre la même évolution que le Fatah ou l’OLP : ils ont commencé par être des terroristes avant de devenir au fil des décennies, un simple mouvement politique dont l’appareil sécuritaire collabore vraiment avec les services israéliens.
En tout état de cause, il faut redonner un espoir et des perspectives d’avenir à ces quelques 2 millions d’hommes et de femmes vivant dans cette région.
Enfin, il y a toute une série de questions ou de remises en question en Israël même.
a) contrairement aux affirmations des autorités civiles et militaires, Tsahal ignorait tout de ces tunnels qui débouchaient au sein même des localités juives dans le pourtour de Gaza. Pourtant, l’affaire Schalit aurait dû donner l’alarme, sonner l’alerte, il n’en fut rien. Je rappelle que la première grosse perte de Tsahal (8 hommes dans un véhicule ancien et non blindé) est survenue à ce moment et aurait pu être évitée. Et les cinq réservistes, stationnés à 1400 mètres de Gaza qui furent exécutés par des assaillants surgis d’un tunnel. Comment l’Etat major de la zone sud n’a t il pas inspecté toutes les positions pour vérifier leur état de préparation et mettre les soldats en état d’alerte maximum ? On constate avec tristesse le résultats de cette impéritie. Comment a t on pu agir avec tant de laisser-aller ? Il faudrait tout de même que cet Etat major rende des comptes ou au moins s’explique. Ce ne sont pas des accusations mais des questions.
b) La position politique d’Israël n’est pas claire et ne l’a jamais été dès le début du conflit. Cette imprécision a éclaté au grand jour lors de l’opposition entre le Premier Ministre et son ministre des affaires étrangères. L’échelon politique a mis du temps à se décider et à aucun moment il n’a pris de décision tranchée. Les tunnels ne sont devenus la première préoccupation de Tsahal qu’après ces incidents sanglants évoqués plus haut. C’est seulement à cet instant que leur destruction est devenue un impératif absolu. Enfin, le gouvernement ne savait pas s’il devait anéantir le Hamas ou simplement l’affaiblir, de peur que des extrémistes encore plus fanatisés que lui ne lui succèdent… Cette indécision, cette irrésolution, ont pesé lourd. Certes, en tacticien consommé, Benjamin Netanyahou a su adopter une position à géométrie variable. A-t-il convaincu ? Ce n’est pas sûr. Les lendemains de guerre sont toujours les plus périlleux quant à la survie tous les gouvernants.
Je connais des gens qui me sont très proches et qui résident à 6km à vol d’oiseau de Gaza. Ces gens qui n’envisagent pas de rentrer chez eux et ne sont guère convaincus par des assurances données par des hauts gradés qui, il y a encore trois semaines, ignoraient tout ou presque de la réalité des tunnels…
Enfin, à aucun moment, Israël n’a cherché à chasser le Hamas de Gaza. C’est son affaire, mais que veut il au juste ? Là est la question.
Mais pour l’instant, il faudra bien négocier pour réduire l’influence du Hamas sur place et remettre en selle Mahmoud Abbas. Et dans ce cas, on doit s’attendre à ce que se pose la question d’un Etat palestinien… Avec tout ce que cela implique.