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Vu de la place Victor-Hugo - Page 581

  • Stefan ZWEIG et S.Y. AGNON: vingt-quatre heures de la vie d'une femme et Tehilla: étude d'un contraste..

    Tehilla d’Agnon et Vingt- quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig :

                                                   Contraste entre deux nouvelles 

                                                                                                             Pour Monsieur Claude SARFATI

       Peut-on vraiment parler d’un rapprochement entre ces deux nouvelles ?

    Effectivement, le rapprochement peut sembler curieux, voire hasardeux, pourtant à bien scruter les époques, à mieux analyser certains aspects biographiques des deux écrivains, certes très différents mais non dépourvus d’origines communes, on peut relever des sensibilités et des valeurs semblables, voire des similitudes. Commençons par les différences car elles sautent aux yeux et sont absolument indéniables.

    Stefan Zweig naquit en 1881 à Vienne dans une opulente famille juive largement assimilée à la socio-culture autrichienne. Le père, Moritz Zweig, avait fondé une véritable industrie textile qui devançait par ses installations modernes les techniques contemporaines. Ce fut un pionnier de cette industrie textile dont il proposa les produits à des prix défiant toute concurrence. C’est son fils aîné qui se destinait à reprendre l’affaire familiale tandis que son cadet, Stefan, préférait, depuis son plus jeune âge, la compagnie des muses,  la fréquentation de la poésie, des théâtres et des opéras. Chaque fois qu’il le pourra, il tentera d’entrer en contact avec les célébrités vivantes de Vienne et d’ailleurs. Notamment Rainer Maria Rilke, Gustav Mahler et Romain Rolland, sans omettre Martin Buber et Théodore Herzl. Il mènera une vie à la fois oisive et productive au plan littéraire, n’ayant pas besoin d’exercer un métier rémunéré tant il se trouvait richement doté par des parents très fortunés. Ces derniers, contrairement à ceux d’Agnon, qui étaient, eux, plongés dans la misère, logeaient dans les plus beaux quartiers de la ville impériale, Vienne ; et le père, Moritz, ne sortait jamais dans la rue sans son impeccable redingote sombre et son haut de forme, alors que la famille d’Agnon déambulait en guenilles, ou presque, dans les bourgades, les shtetel d’Europe de l’est..

    La famille d’Agnon, qui vivait en Galicie orientale, là où le futur prix Nobel de littérature (1966 avec Nelly Sachs) allait naître en 1888, n’avait donc pas du tout le même statut social que les parents de l’auteur Du monde d’hier. Mémoires d’un Européen. Alors que la voie de Zweig était, pour ainsi dire, toute tracée. Né, comme on l’a déjà dit, à Vienne en 1881, il soutiendra, pour la forme, une thèse sur Hippolyte Taine, après avoir fébrilement voyagé, et s’être rendu dans tous les pays d’Orient, d’Extrême-Orient et d’Occident. Pour le plus grand plaisir de ses parents, il était don un Herr Doktor, le symbole d’une reconnaissance tant espérée au sein de la république des lettres. Ses parents en étaient comblés de joie..

    Songez que Stefan a même visité Algérie pour étancher sa soif de connaissances et de découvertes. On a l’impression qu’il avait vécu son enfance et son adolescence derrière des barreaux, certes, dorés, mais des barreaux tout de même. D’où sa volonté de sortir, de tout quitter et de se frayer un chemin vers la liberté comme son compatriote, Arthur Schnitzler dont le livre bien connu (Der Weg ins Freie : Le chemin de la liberté) porte ce même titre.

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  • Glanes de l'actualité dominicale

    Glanes de fin de semaine, l’église catholique superstar..

    Difficile en ce jour de parler d’autre chose que de la canonisation de deux papes en un même instant Et la presse a titré justement, le jour des quatre papes.. Le catholicisme, auquel je n’appartiens pas mais que je respecte profondément car il est constitué du même héritage biblique, c’est-à-dire vétérotestamentaire, n’est pas mort. Loin de là. En Suisse, en France et ailleurs, on le croyait plongé dans une inquiétante léthargie et voilà qu’il anime les foules, raffermit les genoux de ceux qui tremblent et renforcent ceux qui doutent. Surtout, lorsque certains croyaient qu’une autre foi, qui fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps, avait définitivement pris le dessus dans des terres originellement chérifiennes ou judéo-chrétiennes.. Pour ma part, je ne puis que me féliciter de cette démonstration de force, de cette jeunesse galvanisée, de ces hommes et de ces femmes qui ont parcouru de longues distances pour vivre ce grand moment de haute spiritualité. Finalement, c’est la preuve par neuf que la foi peut déplacer des montagnes !

    Certains amis, protestants ou juifs, m’ont faire remarquer, à la suite de mon précédent papier ici même, que la sainteté n’appartient qu’à Dieu et que les prophètes le disent bien en s’adressant à Lui en ces termes : le Saint d’Israël (Qedosh Ysraël). C’est très juste, mais il faut bien s’adresser à la foule des croyants, à ceux qui ne sont docteur ni en théologie ni en philosophie et qui ont besoin de symboles forts : une telle cérémonie pénètre le cœur autant qu’elle défie l’esprit. Et c’est bien l’objectif recherché. Je rappelle un verset des Psaumes qui résume toute ma pensée : Les cieux, les cieux sont à Dieu, mais la terre il l’a donnée aux fils de l’homme . Il me semble inutile de faire du Talmud là-dessus, l’intelligent comprendra (ha-mévine, yavine).. Le tout dit sans le moindre zeste d’arrogance intellectuelle

    De la canonisation de deus grands serviteurs de Dieu, aurais je le toupet de passer, sans transition, à l’acte éhonté de quelques policiers qui, par leur action, déshonorent tout un corps de fonctionnaires qui veillent sur la sécurité des Français ? Impossible, mais cela reste incroyable, inimaginable, que ceux qui sont censés protéger les gens, les faibles, en soient les prédateurs.. Mais cette infamie ne touche, heureusement, qu’une infime minorité.

    Une initiative très noble et qui mérite d’être soulignée, c’e sont les excuses du Premier Ministre sud-coréen qui demande pardon pour l’horrible catastrophe ayant entraîné la mort de plus de trois cents enfants et adultes en mer, et qui offre sa démission pour cela. Ah, si les politiques de nos pays civilisés agissaient de même. Ce serait l’époque messianique !

    Enfin, le Proche Orient nous réserve un de ses feuilletons sans fin dont il le secret. Le chef palestinien Mahmoud Abbas réaffirme sa reconnaissance d’Israël mais pas comme Etat juif…  Je n’arrive pas à comprendre : tous les états arabo-musulmans sont islamiques et croient en la Oumma. Mais le seul Etat juif de la planète qui fait face à près de 22 ou 23 états musulmans, lui, n’a pas ce droit.

    Comprenne qui pourra.

    Voilà qui va faire avancer le processus de paix..

  • La béatification de Jean XXIII et de Jean-Paul II, une impossible sainteté dans un monde impur?

    La béatification de Jean XXIII et de Jean-Paul II demain par le pape François : Une impossible sainteté dans un monde devenu impur ?

    Quand on examine, si on en a le temps et les moyens, l’enchaînement des événements qui scandent les jours de notre vie, on ressent parfois quelque étonnement. Le hasard ou la divine Providence (si l’on y croit) confie à d’humaines mains le soin d’introduire des rencontres, des concomitances dont on cherche vainement l’organisateur. Les croyants y voient la main ou le doigt de Dieu (pour parler comme la Bible) tandis que les esprits forts, les philosophes généralement, y discernons ces recoupements qui défient notre esprit sans jamais le conduire à s’en remettre à une intelligence cosmique, préposée au gouvernement de notre bas monde, et dont le mode de fonctionnement nous sera scellé à tout jamais..

    Pour les croyants, la parole divine est l’alpha et l’Omega de ce monde. La Bible, elle-même, présentée comme le réceptacle d’une Révélation, est une lecture théologique de l’Histoire, une Histoire que ne connaît ni ne reconnaît qu’un seul agent, Dieu. On est très loin de la philosophie grecque, et notamment d’Aristote aux yeux duquel l’essence première est un simple Premier moteur, situé à l’extérieur d’un monde qu’il met en mouvement et qui est dépourvu de tout acte volitif. La meilleure preuve de cet enchaînement à la mécanique céleste est le fait qu’Aristote démontre l’existence de ce Premier moteur, non point dans sa Métaphysique, mais dans le livre VIII de sa Physique…… Le message est clair : pas de transcendance, pas d’éthique supra-humaine : tout se passe au sein de notre monde et nulle part ailleurs. Il n y a pas d’au-delà.

    Cet Aristote dont les grands théologiens chrétiens du Moyen Age, d’Albert le Grand à Maître Eckhard, mais aussi juifs (comme Maimonide et ses commentateurs) ont fait le fonds de leur pensée, se situe aux antipodes de la religion, juive ou chrétienne. Et pourtant, les théologiens des trois monothéismes ont tenté de le «convertir» à leurs besoins, de l’instrumentaliser.

    Cet avant-propos est indispensable à mes développements à venir : comment l’Eglise catholique peut-elle songer à béatifier, à déclarer bienheureux, oui à sanctifier des hommes (certes grands serviteurs de Dieu et hommes de foi et de devoir = sans le moindre doute) dans un monde, le nôtre, où la moindre once de sainteté est impossible, tant l’impureté envahit tous ses recoins. Le dernier événement en date qui nous rend conscient de cette perdition, c’est évidemment l’innommable agression dont fut victime une jeune mère de famille dans le métro de Lille, au vu et au su d’autres passagers, sans qu’aucun ne songe à réagir, ne serait ce qu’en tirant la sonnette d’alarme.

    Un monde où un être humain assiste, sans réagir, à l’agression d’un autre être humain ne peut pas connaître, pas même de très loin, la sainteté. Je sais bien que certains lecteurs ici ne goûtent que très modérément mes renvois à la Bible hébraïque ou aux Evangiles, pourtant, dans le cas présent, c’est bien ce qu’impose. On se souvient de la réponse de Caïn, l’assassin de son frère Abel, à la question de Dieu : Suis je le gardien de mon frère (ha-shomer ahi anokhi) ? Mais que voulait-il dire ? Simplement ceci : Seigneur, pourquoi voulez vous que je prenne soin de mon frère ? C’est à vous de le faire, c’est votre travail, pas le mien…  Lorsque Freud s’est penché sur l’injonction biblique contenue dans le livre du Lévitique, tu aimeras ton prochain comme toi-même, il l’a déclarée impossible, irréalisable. Il a dit, en substance, ceci : comment voulez vous que j’aime mon prochain ? Je rêve plutôt de l’occire, de le bannir, de m’en débarrasser par tous les moyens. Exactement ce que fit Caïn avec son frère Abel…

    La nature humaine n’aurait donc rien d’humain. Eh bien, c’est ce paradoxe que le geste du pape François va transcender  ce dimanche : montrer que deux hommes de grand qualité et à la foi parfaite, méritent d’être inscrits dans ce halo de sainteté et de béatitude. C’est l’acte de foi le plus pur, le plus désintéressé, le plus exaltant que je connaisse. Peut-être même, aux yeux de ma religion qui n’est pas le christianisme, une annonce pré-messianique, à caractère supra confessionnelle.

     Qu’un million d’hommes et de femmes se précipitent place Saint-Pierre à Rome pour cet acte d’un autre âge, d’un autre monde, i.e. la béatification, que des millions d’autres suivent cet événement rare à la télévision, voilà une nouvelle que plus personne n’attendait dans le monde impur au sein duquel nous vivons.

    A titre personnel, j’ajouterai ceci : hier soir, à l’invitation de S.E. Madame Wasum-Rainer, Ambassadeur d’Allemagne à Paris, il fut question, en présence des deux ministres allemands des affaires étrangères, (Frank Walter Steinmayer et Laurent Fabius), de l’échec de la diplomatie et des pertes colossales en vies humaines. Rien que du côté français, au moins un million quatre cent mille morts, sans compter les centaines de milliers de mutilés et de blessés des deux bords.

    Pour désigner dans leur langue ce désespoir en l’homme, nos amis allemand disent : wir scheitern am Menschen… Et pourtant, malgré cette crise de confiance en l’Homme, malgré les actes de barbarie qui jalonnent l’histoire de notre monde, l’Eglise catholique a continué d’être la seule à accorder le statut de saint à quelques uns de ses serviteurs. Cela rappelle la notion d’horizon infini de la foi dont parle Sören Kierkegaard dans son livre Craintes et tremblements.

    Il était normal qu’un philosophe qui n’est pas l’un de ses fils mais qui reconnaît l’importance d’un commun héritage avec l’Eglise, lui en rende hommage…