L’Etat et le droit en Israël
Hier soir, j’ai suivi un passionnant débat sur une chaîne israélienne au sujet de l’Etat et du droit dans ce pays. Il s’agissait de savoir sir la cours suprême de ce pays qui fait preuve d’un activisme inégala ailleurs dans le monde est fondée à entraver parfois, par ses décisions, les décisions d’un gouvernement légal et constitutionnel (même si cet Etat n’a pas formellement de constitution.
Le débat réunissait un professeur franco=israélien de droit, Claude Klein, que je connais et que j’avais invité il y a plus de vingt ans à faire une conférence dans le cadre des conférences Victoires et qui avait aussi traduit le livre de Théodore Herzl, Der Judenstaat.
Le point de droit qui était en discussion était le suivant : lorsque le gouvernement régulièrement élu d’Israël envisage de libérer des terroristes palestiniens dont les mains sont souillées de sang, est ce que la cour suprême est fondée à connaître du dossier, dans le cas où les victimes ou leurs proches viendraient à contester la position gouvernementale ?
Pour M. Claude Klein qui est un juriste connu et respecté dans son pays, le gouvernement doit pouvoir manœuvrer librement dans ses démarches car il a toutes les cartes en main et peut viser un bien supérieur en sacrifier des choses moins importantes pour la collectivité dont il a la charge.. L’éminent juriste considère donc que le gouvernement a le droit de prendre des mesures qui heurtent l’opinion s’il sait qu’en agissant ainsi, il préserver des intérêts nettement supérieurs de la nation dans son ensemble. Il fait aussi valoir qu’Israël n’est pas au monde et qu’il doit parfois se plier à des demandes que ses alliés les plus fidèles peuvent lui demander de satisfaire.
A ces arguments puisés à la Realpolitik, les deux avocats ont répondu assez faiblement. L’avocate a répliqué qu’en élargissant des meurtriers, le gouvernement prend le risque de faire de nouveau peser une menace sur la société israélienne et envoi un mauvais message aux terroristes.
Au cours du débat, l’un des protagonistes a donné l’exemple suivant : si un juge condamne à des peines légères un violeur, les parents de la victime peuvent s’en émouvoir et dire au magistrat ceci : auriez agi de la même façon si cela avait été votre propre fille ? C’est un argument humainement imparable mais qui n’est pas opposable, a répliqué Claude Klein.
Il a expliqué calmement que ce ne sont pas les victimes ni leurs familles qui jugent le criminel, ce sont des magistrats. Lesquels doivent faire abstraction de leurs sentiments en rendant la justice..
Vaste débat. Mais la cour suprême a-t-elle le droit de s’immiscer ainsi dans les affaires de politique étrangère de l’Etat et lui dicter sa conduite ? Ce serait visiblement restreindre considérablement sa marge de manœuvre. Et cela est inacceptable. Mais imaginez seulement (c’est moi qui l’ajoute) que l’on ajoute le cas de Jonathan Pollard dans la négociation. Comme les USA ont demandé à Israël de libérer des Arabes israéliens coupables d’actions criminelles, les juristes israéliens ont sauté sur l’occasion pour faire rentrer le cas de ce juif américain dans le package deal… Que diraot alors la cour suprême dans ce cas ? Même s’il est inconvenant que les USA fassent une telle démarche, toute la population de ce pays souhaite, sans réserve aucune, l’élargissement de ce juif US, même au prix d’une libération indue de terroristes qui ont menacé la sécurité de leur Etat. Puisque ce million et demi d’Arabes d’Israël tient à sa appartenance nationale israélienne.
C’est très dur. J’ai souvent cité ici même le principe latin Fiat justicia pereat mundus (Que la justice soit, le monde dût il en périr). Et même le droit talmudique dit : ykkov ha din et har (s’il le faut, le droit, la loi, transpercera la montagne.)
On le voit, il vaut mieux être un bon petit philosophe qu’un éminent juriste, car les décisions à prendre sont horribles et on n’en dort pas nuit.
Mais ce qui serait bien mieux, c’est de bannir de la terre entière la violence, l’injustice et la maladie. En somme, un monde, comme le disait Franz Rosenzweig où création et rédemption avanceraient main dans la main.
On peut toujours rêver.