Les cinquante ans de télévision de Josy Eisenberg.
Hier soir, de 19 heures à minuit passé, environ mille personnes ont acclamé debout Josy Eisenberg au théâtre Marigny, non loin des Champs Elysées, à Paris. Ce fut une véritbale consécration, largement méritée et unanime. Comme le fit remarquer l’élégant présentateur, la Source de vie n’est pas une vieille émission, c’est plutôt une émission ancienne, celle qui défie le temps et résisté à tous les obstacles, tant externes qu’internes. Sa capacité à se renouveler est assez unique.
L’expression source de vie (mekor hayyim) connaît une occurrence biblique (Psaume 32 ;10) : Avec Toi source de vie, par ta lumière nous verrons la lumière. Cette émission cinquantenaire porte bien son nom : elle a éclairé et éclaire toujours des millions de gens, au fil des années. On peut dire, sans flagornerie, que Josy est le luminaire du judaïsme francophone. Maïmonide cite ce verset des Psaumes dans l’introduction à son Guide des égarés.
Le grand philosophe néoplatonicien Salomon Ibn Gabirol, (mort vers 1050) l’Avicebron des Latins, a donné ce titre à son traité de métaphysique : Mekor hahyim, Fons Vitae. J’ajoute que Salomon a aussi rédigé le Kéter Mallkhout, lu la veille de kippour. C’est le grand orientaliste judéo-français Salomon Munk qui a démontré que l’Avicebron des Latins et le Ibn Gabirol des Juifs était une seule et même personne.
Le plus beau discours, le plus attendu, le plus fin et le plus respectueux fut, comme il convenait, celui du président de France Télévision, Monsieur Rémi Pflimlin qui a rappelé avec émotion sa vie d’étudiant à Strasbourg, son séjour inoubliable au kibboutz Bééri et aussi son respect pour la culture juive ainsi que sa profonde admiration pour Josy Eisenberg.
Avant de tresser des couronnes sincères et méritées à celui que tous ses fans appellent affectueusement et respectueusement par son prénom Josy (diminutif d’affection de Joseph, beau prénom biblique, s’il en est) il faut dire un mot du belle intervention du rabbin Adin Steinsalz,
Nous ignorions tous qu’il maniait l’ironie et l’humour avant tant de brio… Il a remis à sa façon les pendules à l’heure, notant que toute la francophonie connaît -et pour cause, il leur parle intelligemment chaque semaine à la télévision- le nom de Josy… Il est vrai que le nom STEINSALZ peut se rapprocher du latin cum grano salis…
Alors, comment caractériser, en peu de mots, l’activité éclairante passée, présente et future de Josy ? C’est un adepte, un éclaireur du judaïsme des Lumières.
Je me souviens : en 1986, lorsque je fis paraître la traduction française des Dix-neuf épîtres sur le judaïsme de Samson-Raphaël Hirsch (1808-1888), je voulais une préface de rabbin. Et bien évidemment, je me suis tourné vers Josy qui a accepté de la rédiger. Je lui avais alors dit que je me tournais vers lui car il est le rabbin le plus intelligent de son temps. En langage zoharique, le lion de la confrérie (ari ha-haboura)..
Entre rabbi Siméon ben Sjétah, celui qui, dit-on, fit exécuter les 70 sorcières d’Ascalon, d’une part, et rabbi Aqiba, d’autre part, le plus grand savant du judaïsme talmudique, Josy est une sorte de réincarnation du second. On oublie parfois que, sous la contrainte d’événements dramatiques, la religion d’Israël a vécu une véritable révolution copernicienne en passant du judaïsme du temple (culte sacrificiel) au judaïsme de la Tora (avoda she ba-lév)et de la prière (aréshét sefaténou). Patiemment, avec persévérance, servi par une grande érudition qu’il sait mettre à la portée de tous, Josy est vraiment le Monsieur judaïsme dont Adin Steinsalz a parlé hier… En fait, qu’on l’admette ou non, il est la véritable autorité spirituelle du lieu (mara de atra).
Aux yeux de ses millions de téléspectateurs, il a montré et montre encore que ce n’est pas la fonction qui crée la compétence et qu’il est l’homme qu’il faut là où il faut..
Pour finir, une phrase d’un collègue anglais qui est aussi un grand admirateur de Josy : rabbi Josy Eisenberg has jewish scholarship on his fingerprints (Josy est un érudit juif jusqu’au bout des ongles).
Et il a remis à l’honneur, l’adage talmudique dont Samson Raphaël Hirsch a fait son slogan : yafé talmud Tora im dérékh érets.
J’avais jadis évoqué avec Josy une phrase inoubliable de Martin Buber qui s’énonce ainsi : nous ne sommes pas une nation comme les autres, nous sommes l’exemplaire unique de notre espèce, nous sommes Israël.
Et cela fait un demi siècle que Josy s’en montre digne.
Maurice-Ruben HAYOUN
In La Tribune de Genève du 20 novembre 2012