Les leçons d’un remaniemùent
On savait, depuis quelques années déjà, que la France était entrée dans la mondialisation. Depuis hier dimanche, cette mondialisation est au cœur même des préoccupations du pays. C’est la première fois, je crois, depuis la fin de la guerre d’Algérie, que des événements extérieurs (et quels événements extérieurs !) rendent obligatoire un remaniement ministériel en profondeur. On ne parle pas du nombre de ministres qui entrent au gouvernement ou le quittent, on parle de l’importance des personnalités qui changent d’affectation ou qui en sont désormais privées.
Le premier enseignement à tirer de cette affaire un peu improvisée, tout de même, (et l’on sait que des remaniements trop proches les uns des autres génèrent une fâcheuse impression d’instabilité ministérielle) est le renforcement de M. François Fillon dont le nom est désormais régulièrement cité dans ce qu’on peut appeler le tandem de l’exécutif. Ceci est un point important et le précédent remaniement n’eût pas été ce qu’il fut, si le Premier Ministre avait été rassuré sur son sort personnel dès le début et qu’on avait fait l’économie de tant de semaines d’incertitude… Donc, sur ce point précis, au moins, prévaut une impression de solidité et de stabilité, le Premier Ministre ayant maintes fois prouvé sa carrure d’homme d’Etat.
Mais la leçon majeure que l’on peut tirer est que la politique méditerranéenne de la France doit évoluer, certains diraient même qu’elle devrait exister enfin. Ceci n’est pas une critique voilée de la politique menée au cours des dernières semaines, mais plutôt le constat d’une inadaptation à une situation en constante évolution. Le corps diplomatique doit diversifier ses sources de recrutement…
De même que personne (dixit Sa Majesté la reine d’Angleterre) n’a vu venir la crise financière, personne n’a pré-vu les profonds bouleversements qui frappent les pays arabes comme un typhon qui déjoue toutes les prévisions. Même les Israéliens, qui gardent pourtant les yeux rivés sur le moindre mouvement chez leurs voisins, n’ont pas anticipé la crise. Du temps de Valérie Giscard d’Estaing, suite aux différents chocs pétroliers, l’ancien président avait parlé de gérer l’imprévisible…
Au fond, même si des raisons de politique intérieure rendaient le présent remaniement incontournable, c’est la politique extérieure régionale (mare nostrum) qui a prévalu et dicté les choix fondamentaux.
En écartant M. Brice Hortefeux de la Place Beauvau, le président a donné raison à Ernest Renan qui recommande de ne jamais sacrifier la critique à l’amitié. En élargissant la saisine traditionnelle du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a pris conscience que l’immigration risquait de devenir le problème prioritaire de la nation, en raison justement des révolutions arabes. Il a donc nommé à ce poste si sensible M. Claude Guéant qui est le personnage le plus secret, le plus précis et le plus méticuleux que je connaisse.
Enfin, l’arrivée de M. Alain Juppé au Quai d’Orsay aurait dû avoir lieu dès novembre. Un tel homme est en mesure de réinventer, ou, à tout le moins de réactualiser une politique arabe de la France. Sûr de lui, inflexible, parfois même cassant (cf. le temps où il était à Matignon), M. Juppé peut nous frayer un chemin à travers les dédales d’un monde de plus en plus complexe et de plus en plus dangereux.
Désormais, l’opinion attend du président de la République un parcours sans faute. Et ce gouvernement doit rester en place jusqu’aux élections présidentielles.