JUDA HA-LÉVI ET ABUHAMID AL-GHAZALI Deux théologiens adversaires de la philosophie
CONFÉRENCE A LA MAIRIE DU XVIE ARRONDISSEMENT
Le jeudi 8 avril 2010 à 20h 15
Dans le cycle de conférences sur le dialogue des cultures, les religions et la philosophie, nous avons jusqu’ici, parlé de philosophes-théologiens ou de philosophes-herméneutes dont le postulat était le suivant : il existe un accord profond entre le donné révélé et le donné rationnel, entre la raison et la révélation.
Mais nous devons ce soir rendre compte de deux exceptions assez similaires, à cette règle. Il s’agit donc de deux théologiens au sens strict du terme, qui eurent tous deux, chacun à sa manière, une formation philosophique considérable mais qui n’en devinrent pas moins de solides adversaires de la philosophie pour autant. L’un était musulman et se nommait Abuhamid Al-Ghazzali, natif de Tus (1058) en Khorasan, dans l’Iran actuel, tandis que l’autre était un juif Juda ha-Lévi, né en 1075 à Tudèle. Tous deux écrivaient en langue arabe et il n’est pas exclu que le penseur judéo-arabe ait eu vent de l’œuvre anti-philosophique de son alter ego musulman plus âgé… tous deux prirent pour cible le legs philosophique gréco-musulman de leur temps. C’est-à-dire l’aristotélisme de grands penseurs de la falsafa : Al-Kindi, Al-Farabi, Ibn Sina, pour s’en tenir aux prédécesseurs d’Averroès qui croisera le fer avec Al-Ghazzali, mais à titre posthume en réfutant son célèbre écrit Tahafut al-Falasifa par son moins célèbre Tahafut al-Tahafut…
Et tous deux, le juif comme le musulman croyaient plus en la révélation qu’en la raison.
Il y a évidemment aussi quelques différences : al-Ghazali est devenu un soufi, un mystique, vers la fin de sa vie. Ha-Lévi n’a pas manifesté d’attirance particulière pour quelque courant ésotérique que ce soit. Et de plus, les grands textes de la kabbale n’étaient pas encore en circulation, même le Bahir ne commencera à être cité que trois décennies après sa mort.
Ces deux théologiens laissèrent derrière eux une marque profonde : al-Ghazzali, en milieu musulman, reste, encore aujourd’hui, un adversaire lettré de la philosophie, notamment celle d’al-Farabi et d’Avicenne, et même du kalam, la théologie scolastique de l’islam. Ha-Lévi incarne dans l’histoire religieuse et intellectuelle du judaïsme l’homme qui refusa d’être un représentant juif de l’esprit grec qu’il honnissait…
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