L’ONU et la libye : le sursaut de la conscience morale
Avant même de saluer la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, il convient de rendre hommage à la sagacité et à l’énergie d’Alain Juppé, le tout nouveau ministre français des affaires étrangères : la résolution est passée de justesse, mais elle est bien passée. Cela n’aurait pas été le cas sans la farouche détermination du chef de l’Etat , du chef de gouvernement et du chef de la diplomatie française, laquelle enregistre un succès marquant. Il y a lieu de s’en féliciter, sans chauvinisme aucun.
Ce qui m’inquiète et me déçoit, en ma qualité d’ami de l’Allemagne, c’est son abstention lors du vote : c’est la première fois, je pense, qu’un gouvernement allemand se sépare de l’allié américain, craignant peut-être qu’un colonel Khadafi aux abois ne lance quelques dévastatrices attaques terroristes sur le sol allemand, comme par le passé, à Berlin notamment.
Le plus important est que le printemps arabe ne s’arrêtera pas aux portes de Benghazi et qu’il poursuivra sa belle floraison dans la paix et le calme, jusques et y compris à Tripoli. On aura ainsi tourné la page de plus de quarante années de dictature.
La France a prouvé une nouvelle fois, par sa détermination et ses convictions, qu’elle continuait à défendre victorieusement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Alors que d’aucuns la moquaient et parlaient d’une diplomatie bling bling, suite à sa reconnaissance du conseil national libyen, elle fut la cheville ouvrière de cette résolution qui redore aussi le blason de l’ONU, réputée pour ses interminables palabres au moment même où des endroits du globe étaient jonchés de cadavres d’innocents. Elle n’a pas réagi aussi vite qu’on l’aurait souhaité, mais, pour une fois, elle n’a pas réagi trop tard…
Des amis israéliens me disaient ce mois de février à Elat que si, un jour, par malheur, la fortune des armes leur était défavorable, l’ONU prendrait sûrement son temps avant de décider la moindre opération de sauvetage. Et de conclure qu’il ne fallait compter que sur soi-même pour assurer sa sécurité. C’est un peu l’enseignement à tirer de l’aventure libyenne…
Certes, nous nous dirigeons vers des rivages incertains, c’est un saut dans l’inconnu : que vont donner toutes ces révolutions arabes dans des pays où la démocratie n’a que quelques mois ? Que va-t-il vraiment se passer ? L’histoire nous enseigne qu’aucune révolution n’est restée fidèle à ses idéaux initiaux et que des détours, parfois tragiques et inquiétants, ne sont pas à exclure. Voyez la révolution de 1789…
Mais il n’est pas exclu que pour une fois, l’Orient arabe se mette à l’école de l’occident chrétien. Ce monde arabo-musulman devrait saisisr cette opportunité pour se réformer en profondeur, voire même se régénérer. Il lui faut revoir dans ce nouveau contexte ses relations avec autre que lui-même, en l’occurrence l’occident chrétien et Israël.
Prenons l’exemple de l’Europe. L’Europe pourrait être une chance pour l’islam, sur notre continent pourrait se développer une religion musulmane en paix avec elle-même et avec son environnement non arabe. En Europe pourrait naître un islam libéral comme il existe, depuis le XVIIIe siècle, une théologie protestante libérale, un catholicisme social ou un judaïsme libéral et réformé.
C’est aussi simple que cela. Et ce monde arabe, resté éloigné des idéaux démocratiques depuis des lustres, pourra alors prendre toute sa place dans la lutte contre l’obscurantisme, l’ignorance et la fanatisme.