Oui, vous avez bien lu, je ne suis pas tombé sur la tête. Pour une fois, je me vois heureux de tresser des couronnes à la Ligue Arabe qui a enfin pris la décision de suspendre la Syrie et qui va sûrement exclure prochainement le régime syrien actuel. Certes, ce sont l’Arabie Saoudite et ses alliés émiratis qui étaient à la manœuvre (d’où le saccage de l’ambassade saoudienne à Damas), désireux évidemment d’affaiblir au sein de la région un régime allié de l’Iran des Mollahs et d’où partent un certain nombre d’éléments inquiétants. Mais la Ligue Arabe va plus loin…
Aiguillonnée par l’Arabie, alliée solide des USA, la Ligue a décidé de recevoir l’opposition syrienne et envisage déjà une transition vers un autre régime . C’est le début du processus qui a mené Kadhafi et son clan à leur perte. Du coup, la voie vers le Conseil de sécurité est grand ouverte. Cette dernière instance n’hésitera plus à prendre des sanctions et on voit mal la Chine et la Russie opter pour un régime que tout le monde désavoue, y compris le monde arabe.
Ainsi donc, la Ligue arabe renoue avec une tradition démocratique et humaniste qu’on ne lui connaissait pas. En son sein, seuls le Liban et le Yémen ont fait cause commune avec le régime de Bachar el Assad.
Hier soir j’ai regardé en direct l’ambassadeur syrien auprès de la Ligue arabe au Caire faire une conférence de presse pour stigmatiser la décision de cet aréopage. IL a tenté de se draper dans un panarabisme éculé pour dire que son Syrie s’est toujours trouvé aux avants postes de la lutte.
Le monde a changé, cela ne fonctionne plus. Ce monde a vécu durant des décennies dans des illusions plus ou moins fortes d’où personne n’a réussi à le sortir. Et là, miracle, il se réveille et estime que 3500 morts en Syrie, cela suffit et c’est trop. Or trop, c’est trop.
Donc, honneur à la Ligue Arabe. En espérant qu’elle étendra cette étonnante et nouvelle lucidité à d’autres dossiers aussi brûlants de la région.
- Page 8
-
-
La journée de la gentillesse
Oui, voilà un mot bien galvaudé, moqué même et pourtant si indispensable. Au début, quand nous étions enfants, dire de quelqu’un qu’il était gentil équivalait à un compliment sincère et bienvenu. Aujourd’hui, dire de quelqu’un qu’il est gentil revient à dire qu’il est naïf, bref que c’est un benêt, pour ne pas dire plus.
Comment en sommes nous arrivés là ? Tout simplement à cause des tensions sans cesse croissantes au sein de nos sociétés mues par l’individualisme et la volonté de réussir à tout prix, coûte que coûte, même si nous devons marcher sur les autres
Je pense à ceux qui ont dit que la gentillesse, c’est de la bienveillance or cette qualité est celle qui est censée avoir guidé le Créateur lors de la genèse de l’univers. Un monde sans bienveillance, sans héséd, sans gratia, ne saurait subsister.
Le philosophe français Emmanuel Lévinas expliquait que mon moi ce sont les autres. Quel altruisme, presque inimaginable aujourd’hui où tout un chacun cherche à préserver son pré carré, au détriment des autres. Mais il y a plus encore : Lévinas a parlé des traits du visage de l’Autre, de notre frère humain, dont le regard doit nous ralentir dans notre joyeuse prise de possession du monde.
Que de regards tristes et impuissants, que de mines déçues et empreintes de regrets et de frustrations chez notre prochain lorsque nos succès l’écrasent ou les siens nous mettent mal à l’aise.
La gentillesse est censée nous aider à surmonter cet individualisme forcené qui voit dans l’Autre un obstacle, un frein, une pierre d’achoppement… Mais hélas, comment faire pour y parvenir. Voyez simplement le monde politique où les candidats feraient tout pour se faire élire ou réélire.
Pourtant, il y a des victoires qui déshonorent ceux qui les remportent et des défaites qui grandissent moralement ceux qui les subissent. -
Israël et l’Iran
Israël et l’Iran
Je me trouvais en Israël avant et après la publication du rapport de l’Agence pour l’Energie Atomique de Vienne. La presse et le monde politique se sont certes enflammés mais sans surprise, car cela fait des années que les Israéliens savent très précisément ce que concocte la République islamique et surtout ils sont très au fait de leurs ambitions régionales.
Tout le monde sait et l’Iran en tout premier lieu que personne ne peut détruire un Etat et surtout pas l’Etat d’Israël, surpuissant et surarmé, peuplé une imposante partie de l’élite technologique mondiale, allié inconditionnel des USA dans la région. Par ailleurs, au plan technique, le moindre préparatif, la moindre tentative de mise à feu de quelque missile balistique que ce soit contre l’Etat hébreu, entraînerait la destruction totale et immédiate de l’agresseur. Et cela, les Mollahs le savent, même s’ils donnent parfois l’impression d’être pris au piège de leurs propres déclarations bellicistes. Il faut calmer le jeu.
Le monde libre ne laissera jamais apparaître un Iran nucléarisé et cela les autorités iraniennes le savent, mais elles font tout pour négocier en position de force, une vaste zone d’influence qui inclurait le Proche et le Moyen Orient (Irak, Liban, Syrie, Palestine, Emirats, Arabie Saoudite etc…). Forts de cette influence, les Iraniens rentreraient dans le rang en raison de l’impatience de leur population qui commence à trouver les Mollahs fort encombrants.
Mais le problème est que de telles conditions sont inacceptables aussi bien pour Israël que pour les Etats arabes dits modérés. Ce qui renverse entièrement les donnés du problème et risque fort de mener l’ensemble à une confrontation.
Quelle forme prendra cette confrontation ? Là, les avis divergent. Certains optent pour des sanctions économiques encore plus fortes qui accomplissent déjà leur effet. D’autres sont tentés par des actions militaires. Il ne s’agira sûrement pas de frappes aériennes ni d’invasions terrestres. Mais il y a une foule d’options différentes : l’US Army est encore largement présente en Irak, pays ayant une longue frontière commune avec l’Iran… A partir de là, de nombreuses hypothèses sont plausibles sur lesquelles les états majors sont assez cursifs ces derniers jours…