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  • La France et l’Allemagne : survol d’un contraste

    La France et l’Allemagne : survol d’un contraste

    S’il y a deux peuples, deux cultures qui n’ont pas beaucoup de choses en commun et qui durent, sous la contrariante d’événements extérieurs, se réconcilier et s’allier, ce sont bien la France et l’Allemagne, devenue, il faut bien le dire, notre puissant voisin et dont dépend, aujourd’hui, presque exclusivement, le sort de l’Euro, donc de notre prospérité économique et, partant, de notre stabilité sociale.. Ce qui me conduit à parler de ce sujet aujourd’hui, c’est la prise de conscience d’un découplage (le mot est très adéquat puisqu’on parlait jusqu’ici du couple franco-allemand) entre nos deux pays : d’anciens responsables du Quoi d’Orsay, fins connaisseurs des rouages de la coopération franco-allemande, ont récemment dénoncé, en termes fort peu diplomatiques, ce suivisme qui leur semble à la fois humiliant et un peu tardif.

    Ceux qui me lisent régulièrement dans ce journal connaissent l’admiration que je voue à la culture allemande et la haute estime en laquelle je la tiens. J’ajoute que mes origines ne me rendent pas suspect d’une «germanolâtrie» de mauvais aloi… Je scrute simplement, ce qui dans un passé récent ou lointain, a creusé l’écart entre nos deux pays. Germaniste de formation et aussi philosophe (ce qui revient au même puisque la philosophie est grecque aux deux tiers et allemande pour le reste), j’ai enseigné près de 25 ans à l’Université de Heidelberg après avoir passé quelques années à la FU de Berlin. J’ai donc pu voir comment fonctionnent nos voisins et m’imprégner de leur Weltanschauung (un mot hélas galvaudé durant l’Occupation, mais que je prends dans son acception première) qui leur fait détester ce qui leur apparaît comme une «arrogance française»..

    Pour expliquer cette mentalité germanique, deux éléments s’imposent à mon esprit de prime abord :

    a) la sensibilité religieuse de cette population, catholique et protestante, dont la langue a été forgée par nul autre que Martin Luther lors de sa traduction de la Bible. On a coutume de dire que les Allemands ont deux Bibles : la vraie, celle de Luther et le Wilhelm Meister de Goethe, véritable ouvrage de formation (Bildungsroman) lu et enseigné dans les écoles et les universités. Pour parachever ce premier élément, j’ajoute qu’en Allemagne la religion est une matière académique (Religionsunterricht ist ein akademisches Fach)

    b) le profond respect, mieux encore la crainte révérencielle (Ehrfurcht) de l’autorité, ce qui a, hélas ! trois fois hélas, conduit à des catastrophes dans l’histoire allemande récente. Cette attitude apparaît le mieux dans la phrase de Luther (encore lui) : l’autorité vient d’en haut [Dieu] (Obrigkeit kommt von oben) et à laquelle celle d’Otto von Bismarck fera un lointain écho : l’homme n’est pas sur terre pour être heureux mais accomplir son devoir (Der Mensch ist nicht auf Erden, um glücklich zu sein, sondern um seine Pflicht zu tun.)

    C’est dans ce terreau -qu’il faut bien surveiller- que s’enracine la légendaire, la proverbiale discipline allemande dont nous percevons aujourd’hui encore les effets, désormais bénéfiques, et dont notre bon président nous invite enfin à nous inspirer.

    Comme tout un chacun, Nicolas Sarkozy a des défauts, sur lesquels par respect je ne m’étendrai pas mais il a aussi d’éminentes qualités, notamment une énergie débordante et un refus absolu de la fatalité. L’essence du Français est telle que nul ne peut, sans risque d’échec électoral, le brusquer. Je ne puis réprimer un léger sourire lorsque j’apprends qu’on entend enfin combattre d’innombrables abus et fraudes dans plusieurs domaines. Mais les Allemands ont réglé ces problèmes depuis fort longtemps et leurs tribunaux donnent tort à des chômeurs qui refusent trois offres d’emploi successives : des ingénieurs diplômés se sont vus offrir des emplois de «techniciens de surface (balayeurs), c’était cela ou rien, plus de prestation sociale…

    Au vu de ce qui précède, on mesure le chemin parcouru par Nicolas Sarkozy quand il parle, avec une bonne volonté touchante, de convergences avec l’Allemagne. C’est vrai, c’est la voie à suivre, mais il faudrait que les Français veuillent bien suivre, eux aussi. Et le pari n’est pas gagné d’avance.

    Une dernière référence à l’histoire intellectuelle allemande qui explique les succès de nos voisins : après la conquête napoléonienne, il se trouva un philosophe allemand (profond mais qui n’est pas préféré en raison de son antisémitisme), Fichte, qui lança un vibrant appel au patriotisme de ses concitoyens. Il s’agit des Discours à la Nation allemande (Reden an die deutsche Nation).

    François Fillon a été le premier à parler ouvertement de la situation actuelle. Il avait dû rectifier le tir en faisant un plaisant jeu de mots, passant de la rigueur à la vigueur. En fait, pour changer les choses, il faut les exprimer clairement.

    Oh, je ne me fais pas d’illusion car je vois pas un seul dirigeant politique actuel capable de faire comme Fichte, mais qui sait ? Parfois, on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise…

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève

    16 novembre 2011

  • Quel avenir pour la Syrie de l’après Bachar el Assad ?

    Quel avenir pour la Syrie de l’après Bachar el Assad ?

    Au fond, les tyrans ne sont pas toujours bien servis par leur progéniture. Le père du président syrien avait jadis tenu son peuple d’une main de fer, ne respectant rien, ni les hommes ni les lois, écrasant tout ce qui osait se mettre sur son chemin, infligeant aux puissances occidentales de terribles pertes au Liban, ce qui les conduisit à quitter ce pays avec armes et bagages, sans demander leur reste. Et le terrorisme international ! Ne reculant devant rien, Hafez el-Assad a réduit en cendre la ville de Gama avec son frère Rifaat el-Assad au motif qu’elle s’était soulevée contre son régime : environ 25000 morts sans que l’Occident ne lève le petit doigt.

    Mais aujourd’hui, la situation n’est plus la même : on a parlé ici aussi, hier, de la décision de la Ligue arabe qui, sous l’influence du Qatar, a exclu la Syrie, et le roi Abdallah II de Jordanie a carrément conseillé à Bachar de quitter le pouvoir. Même le ministre des affaires étrangères Muallem, diplomate chevronné, n’en menait pas large hier à la télévision, en promettant une prochaine sortie de crise. Le phénomène de décomposition est venu du nombre croissant de déserteurs. L’armée syrienne est profondément divisée et ne veut pas tirer sur le peuple en révolte. Pire, des dizaines de morts sont recensés depuis hier car ce sont des forces armées qui s’affrontent désormais.

    Ne minorons pas les dessous politiques : les pays arabes modérés en ont assez de ce régime qui introduit le danger iranien au Proche Orient et entrave tout règlement définitif avec Israël. Le monde arabo-musulman, confronté au printemps des peuples, ne peut pas se battre sur deux fronts ; l’un extérieur et l’autre niché en son propre sein , comme un vers dans le fruit. Le régime de Bachar ne sert plus à rien, ou pour parler comme les Américains, it has outlived its efficiency..

    Non seulement Bachar va tomber et la Syrie va traverser des lendemains difficiles (menace de partition, de démembrement, de dépècement, car c’est une mosaïque) mais elle va entrainer dans sa chute les mouvements terroristes de la région qu’elle soutient. Et surtout, les USA vont avoir les mains libres pour s’expliquer avec l’Oran des Mollahs.

    Les événements internationaux ont éclipsé une mystérieuse explosion, la seconde en moins d’un an, dans un dépôt de munitions des Pasdarans, le bras armé de la République islamique. Un important général y aurait perdu la vie ainsi qu’une vingtaine de ses subordonnés. Les rumeurs les plus folles aliment le mystère, sans oublier les nouvelles sur l’imminence d’une attaque US contre le régime des Mollahs. La chute de Bachar pourrait, dans les prochaines semaines offrir une fenêtre de tir aux Américains qui voient en cette république un grave danger.

    Ce monde ne connaîtra-t-il jamais la paix ?

  • Silvio Berlusconi va nous manquer

    Silvio Berlusconi va nous manquer

    On a beau dire que Berlusconi a ruiné l’Italie, fait d’elle la risée de l’Europe et du reste du monde, une chose demeure : ce sont les Italiens qui l’ont élu et gardé à la tête du pays pendant deux décennies. Ce qui signifie qu’il existe une correspondance entre les électeurs et leur élu, entre le génie national et le caractère d’un leader.

    Berlusconi est comme les Italiens, que personnellement j’aime beaucoup. Mais je ne leur confierai jamais rien de sérieux, sauf à des Italiens du nord à des ressortissants de la Suisse italienne. Pourquoi ? Parce que leur conception de la vie et du monde est certes belle mais largement irresponsable.

    Cela fait des années que Berlusconi nous fait tous rire, cet ancien vendeur d’aspirateurs qui a su capter l’attention de ses compatriotes, a connu une ascension fulgurante et a pu donner à son pays une stabilité gouvernementale inconnu jusqu’ici. A quel prix, certes, mais il y est arrivé.

    Je le dis et le répète ; tous les pays d’Europe font naturellement partie de l’Union Européenne, qu’ils y soient déjà ou qu’ils cherchent à y entrer ; mais tous ne peuvent pas faire partie de la zone Euro qui est devenue une Euro-Mark. Avec la rigueur germanique qui convient et qui est très bien, je m’empresse de la dire…

    Quant à l’Italie, on a changé le capitaine mais pas l’équipage puisque le parti de Berlusconi dispose de la majorité dans les deux chambres. Mario Monti est donc à sa merci. Et je gage que lors de prochaines élections après l’intermède technocratique de Mario Monti, l’Italie adorera de nouveau Berlusconi car il incarne, qu’on le veuille ou pas, une partie d’elle-même.