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  • Georges Steiner et l'identité juive, l'interview du journal Le Monde

    La dernière interview de Georges Steiner dans le journal Le Monde : l’occultation du judaïsme ?

    Ceux qui, comme moi, connaissent et apprécient beaucoup Georges Steiner (nous avions passé quelques jours avec lui à Cluny à l’occasion d’un colloque organisé par la Maison sur le monde de Mazille) et ont lu son interview accordée à Nicolas Weill du journal Le Monde ont été frappés par une absence, une sorte de référence oubliée : le judaïsme et la culture juive.

    Voici un homme, issu d une famille juive viennoise, qui s’est exilé à Paris pour fuir le nazisme, qui fut scolarisé au lycée Janson de Sailly, qui dut, une nouvelle fois fuir aux USA lorsque les hordes hitlériennes occupèrent la France, et qui, malgré tout cela, ne s’est jamais vraiment intéressé au judaïsme, alors que c’est à cause de sa naissance juive que sa vie, sa propre vie, a pris la tournure que l’on sait.

    Ayant longuement discuté avec Steiner et notamment de philosophie juive et de littérature talmudique, je demeure profondément troublé par cette absence, ce désintérêt, voire cette ignorance. Comment peut on être un intellectuel si fin, si polyglotte, si érudit et tout ignorer de sa propre essence, du judaïsme, de son appartenance juive, même non religieuse (de sa judéité, comme on dit aujourd’hui) alors que c’est ce même élément fondateur qui vous a arraché à la patrie de vos parents et vous a contraint à constamment rechercher des cieux plus cléments ? J’avoue ne pas comprendre. Au fond, si Steiner est devenu ce qu’il est devenu et si’l n’est pas resté à Vienne, c’est bien parce que ses origines juives en furent la cause…

    Cet homme connaît plutôt bien toute la culture européenne mais ne dit rien, ne sait rien de l’identité juive, ni de ses textes fondateurs, ni même des textes qui gisent à son fondement. Pourquoi cette désindentification, volontaire ou involontaire, consciente ou inconsciente ? Est ce la volonté d’occulter la racine de tous nos maux ? Est ce une réaction à la Henri Heine qui disait sous forme de boutade que le judaïsme n’est pas une religion, mais une maladie ? Das Judentum ist keine Religion, es ist eine Krankheit… Cette phrase fait partie des déclarations cyniques ou sarcastiques de l’auteur qui en était très friand… Vous en trouvez une liste quasi exhaustive dans le recueil de Hugo Bieber, Heinrich Heine, confessio judaica (1925)

    J’avoue être assez déconcerté par cette attitude : Steiner est polyglotte, il sait l’allemand, l’anglais, le français, le grec et le latin, et probablement bien d’autres langues européennes, mais pas un mot d’hébreu, ni rien de marquant en philosophie juive, alors qu’un homme comme Thomas Mann (qui n’avait rien de juif sinon … une épouse) évoque avec bonheur des mots d’hébreu dans son Joseph et ses frères… En fait, l’auteur de la Montagne magique et de Docteur Faustus a réécrit toute l’histoire biblique de Joseph : des quatorze chapitres de la Genèse, consacrés au fils préféré du patriarche Jacob, (du chapitre 37 à 50, la fin du livre) il a tiré  1150 pages qui se lisent avec délectation… ! Et même dans les Buddenbrook , le déclin d’une famille (1901, qui lui valu en 1929 le prix Nobel de littérature), Thomas Mann dresse un portrait flatteur du rabbin de Lubeck dont il vante l’érudition, dépassant de loin celle de ses collègues protestants (… dessen Gelehrsamkeit die seiner christlichen Kollegen weit übertraf…m

    Si je dresse ce constat, ce n’est pas pour amoindrir les mérites d’un homme qui a beaucoup apporté à la littérature contemporaine. C’est tout simplement pour souligner une attitude que je ne parviens toujours pas à comprendre, en dépit de ma fréquentation assidue des grands auteurs judéo-germaniques (et Steiner en est un) depuis des années..

    Cela me fait penser à Sigmund Freud, autre juif viennois fameux qui occulta complètement sa référence juive au point de prétendre qu’il n’entendait rien au yiddish ni au judéo-allemand alors que nous savons de science sûre que sa chère mère ne maitrisait pas le haut allemand : mais alors dans quelle langue parlait elle à son cher petit ?. Hayyim Yossef Yérushalmi a écrit un excellent ouvrage intitulé Le Moïse de Freud : Judaïsme terminable et interminable… dont j’ai longuement rendu compte ici-même.

    Et puisqu’on parle de yiddish il faut dire que c’est la seule référence de Steiner dans cette interview à la judéité. Il évoque certains cercles yddishophones de New York où l’on aime tant l’autodérision. Est ce que Dieu existe, demandent ces braves gens ? Pas encore, répondent –ils… J’avoue que cela ne me fait pas rire.

    Parfois je rêve, je rêve que ces hommes que j’admire, qui ont tant apporté à la culture universelle, cultivent aussi leur propre terreau, celui qui les a mis au monde et les a nourris. Le sol nourricier, der Nährboden, comme on dit en allemand…… Leur apport serait alors gigantesque, ils transformeraient le judaïsme, en approfondiraient les concepts en renforçant leur valeur universelle et universaliste. Ils sauraient tous l’hébreu et l’araméen, ce qui leur faciliterait l’accès navigation dans la Bible et le Talmud. Et pour finir, ils contribueraient à l’émergence d’une nouvelle identité juive, en paix avec elle-même, admise par le reste de l’humanité, jouant le rôle d’un phare de l’humanité, mission que les prophètes du VIIIe siècle avent Jésus lui avaient assignée…

    Mais je rêve…

  • L'apprentissage de l'anglais, un recul de la francophonie?

    L’apprentissage de l’anglais, une atteinte à la francophonie ?

    C’est bien connu et on ne reviendra pas là-dessus, ce serait enfoncer une porte ouverte : les Français se prennent pour la huitième merveille du monde. Leur langue leur semble être celle que parlaient Adam et Eve au paradis ! Et l’on se souvient des récriminations justifiées des touristes à Paris, ces dernières années, butant sur des interlocuteurs qui ne comprenaient pas un traître mot d’anglais. Heureusement, les choses se sont améliorées ; même les policiers, notamment les plus jeunes, comprennent un peu l’anglais, jamais l’allemand, mais nos voisins d’outre-Rhin sont largement bilingues…

    La langue anglaise ! Voilà le prétendu corpus delicti. Or, il faut apprendre l’anglais sans que cela ne fâche contre le français. Voyez ici même à Genève, tout le monde parle français mais tout le monde parle aussi l’anglais et parfois même l’allemand comme à Berne et à Zurich… Mais en France, il y a un certain nombre de gens qui développent un point de vue antinomique : chaque progrès de l’anglais serait, selon eux, une défaite pour le français et un recul de la francophonie.

    Il faut se rendre à l’évidence : l’anglais s’est acquis des positions presque inexpugnables. Il faut regagner des parts de pays et de locuteurs sans dénigrer la langue de Milton. Cela ne sert à rien.

    En revanche, ce qu’ l’on pourrait faire, sans contrarier personne : c’est enseigner le français, soigner l’écriture des journaux, corriger les journalistes, couronner les bons écrivains. Ne jamais confondre le succès avec le talent.

    J’ai remarque que les Africains parlent le plus souvent un français plus correcte que les Français de France. Même à Kigali, j’ai un jour suivi une interview sur France 24 où un jeune manager exposait dans un français châtié les objectifs de son usine. En Normandie, les paysans locaux ne parlent pas aussi bien…

    On observe aussi un phénomène que j’ai relevé même sur les télévisions satellitaires arabes : l’introduction de néologismes en langue arabe, à partir de l’anglais, comme : salle de presse, droits de l’homme, chute du régime, etc…

    Ce qui montre que toutes les langues sont sœurs. En France, contrairement à l’Allemagne et à la Suisse ou aux USA, on ne lit guère la Bible. Revoyez les passages du livre de la Genèse où Adam nomme les choses ; relisez l’épisode mythique de la tour de Babel et de la confusion des langues, présentée comme une véritable plaie de l’humanité…

     Et comme le disait un poète ancien : toutes les langues sont étrangères, la traduction n’étant qu’ un processus de naturalisation en direction de l’humain.

  • Couples présidentiels: d'une époque à l'autre…

    Couples présidentiels : d’une époque à l’autre…

    Cette idée de comparer les différents couples présidentiels depuis le général de Gaulle jusqu’à François Hollande ne vient pas directement de moi, mais j’avoue qu’elle m’a séduit. J’ai donc décidé de la développer ici même dans notre Tribune de Genève, ce soir.

    On peut même avancer que dis qui tu épouses je te dirai qui tu es… Mais les choses ont tellement changé qu’aujourd’hui il n’est guère question d’épouser. Vivre ensemble irait mieux. Autres temps, autres mœurs..

    Tante Yvonne, Madame Yvonne de Gaulle, se faisait appeler ainsi tant elle était la belle-mère et la tante idéale. Femme sage et très catholique, elle ira même finir ses jours chez les religieuses, dévouée à son époux et à ses enfants, le contre amiral de Gaulle en a témoigné, elle ne vivait que son mari lequel ne vivait que pour la France. Voici une femme de président qui s’est intégralement sacrifiée pour les autres et pour son mari ;: qui oserait aujourd’hui, ne serait ce que formuler une telle demande ? Non seulement, il n’obtiendrait rien, mais en outre on se gausserait de lui et la femme en question, pour peu qu’elle en décide demandera le divorce alors que son président de mari vient tout juste d’être élu…

    Arès de Gaulle , il y eut Georges et Claude Pompidou, et là, les choses commencèrent de changer. Madame Pompidou sur laquelle les rumeurs les plus malveillantes ont cour alors qu’elle était parfaitement honorable, avait déjà plus de visibilité que tante Yvonne. Ses toilettes étaient plus dans le vent, elle adorait se promener dans les musées, intervenait discrètement auprès de son é poux en faveur de certains artistes et montrait qu’elle existait. Georges Pompidou comme Charles de Gaulle menait des vies conjugales plutôt calmes et raisonnables.

    Les choses vont quelque peu changer avec Valéry Giscard d’Estaing, élu très jeune à la présidence de la république dans un pays où il fallait avoir blanchi sous le harnais pour accéder à la magistrature suprême. Anémone Giscard d’Estaing était très effacé auprès de son mari lequel passe pour avoir eu quelques passions pour des jeunes femmes de passage. Voyages en Afrique, parties de chasse, sorties nocturnes discrètes de l’Elysée, bref, un vie parfois agitée sur le plan matrimonial. Mais du côté de ‘l’épouse, RAS, rien à signaler.

    Un vent absolument nouveau va souffler avec l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée. Marié et père de deux fils, Mitterrand ne cachait nullement ses aventures extra conjugales et tout le monde connaît l’existence de Mazarine et de sa mère. Il n’est pas question de porter ici le moindre jugement mais il faut bien reconnaître que l’ancien président avait tout fait pour dissimuler sa double vie comme un secret d’Etat. Je me souviens qu’un soir il y avait un dîner à l’ambassade de France à Dakar avec Monsieur Leeuwen ; j’étais assis entre son épouse Catherine Clément et un sénégalais en boubou lequel trouva le moyen de me dire de sa voix tonitruante : votre président, il est bigame… Passons ! De mauvais esprits prêtent à l’épouse de François Mitterrand une vie assez libre.

    Avec Jacques Chirac, les choses avancent sur un chemin bien français. Bernadette Chirac est certes bien élevée, sait se tenir, est née dans une certaine aristocratie, mais n’est pas vraiment cette bombe sexuelle que Chirac finira par trouver chez une ardente journaliste qu’il aurait, dit-on, même envisagé d’épouser avant de se raviser et de rester auprès de son épouse légitime laquelle reconnaît dans ses mémoires que son mari avait un solide appétit, et pas uniquement de bons plats.. En revanche, l’éducation reçue par Madame Chirac dans son milieu le la prédisposait pas à avoir une vie parallèle. Dans ce sens on la rapprocherait plutôt de Yvonne de Gaulle…

    Nicolas Sarkozy est probablement celui qui connut les pires difficultés avec son épouse. Divorcé une première d’une femme corse, il s’éprit de Cécilia qui était alors mariée à Jacques Martin. Les deux, Nicolas et Cécilia, finirent par se marier et eurent ensemble un fils, Louis. Je les avais vus avec ma fille Laura et sa mère lorsque nous passions nos vacances d’été à La Baule à l’Ermitage… La suite, vous la connaissez : le nouveau président, à peine élu, affronte une épreuve inhuamine : son épouse part avec un autre homme en Jordanie… M. Sarkozy se sépare de Cécilia et épouse une chanteuse-mannequin, de nationalité italienne, de surcroît… Les mauvaises langues présidaient que cela ne tiendrait pas et pourtant cela continue de marcher, même après le départ de l’Elysée. Mais quelle différence en quatre décennies.

    Enfin François Hollande avec sa compagne, elle-même divorcée et mère de deux ou trois enfants. L’actuel président de la République, père de quatre enfants qu’il eut de Ségolène Royal vit avec son amie, désormais première dame de France, sans être marié. Il ne l’ »tait pas plus avec Ségolène Royal…

    Les choses changent. On peut mesurer l’évolution de mœurs en analysant le comportement des présidents et de leurs épouses. Est ce une avancée, est ce une régression, aux moralistes de le dire. Le philosophe se contente d’indiquer et laisser chacun faire librement son choix…