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  • Les journalistes et la déraison: quand un simple accouchement relègue au second plan un terrible tremblement de guerre

    Les journalistes et la déraison: un tremblement de terre (Népal) relégué au second plan par un accourchement (Kate Middleton)

    Mais à quelle époque vivons nous ? Dans quel monde vivons nous ? Comment peut on supporter qu’une simple femme, fût-elle princesse britannique- prenne le pas sur un cataclysme naturel qui aura fait plusieurs milliers de morts et de sans abris, et encore le bilan n’est pas définitif ?

    Eh bien, figurez vous, que jusqu’à ce matin, c’était l’accouchement de cette femme (on lui souhaite toute le bon, comme on dit à Genève) qui prenait le pas sur l’autre nouvelle, triste et attristante. Comme quoi, la nature humaine, bien exploitée par des démangeaisons journalistiques, préfère le sensationnel et relègue au second plan, des nouvelles dramatiques méritant notre compassion et notre solidarité.

    Cela fait des années que cette famille royale britannique enchaine les scandales, vit aux crochets du peuple, défraye la chronique et monopolise les manchettes des journaux du monde entier. Un peu comme si nos voisins d’outre-Manche étaient fascinés par un phénomène d’un autre âge…

    Je le répète, on souhaite sincèrement à la parturiente un bon dénouement, un enfant en très bonne santé et aussi pour elle-même. Mais il est scandaleux de voir  cette nouvelle (qui n’en est pas une car des millions de femmes accouchent chaque jour de par le monde) prendre le pas sur un terrible tremblement de terre et ses innombrables victimes au l’autre bout de la terre.

    Ce qui est encore plus frappant, c’est de voir les Britanniques moyens, touchés par le chômage, l’inflation, le terrorisme (maux qui affectent toute l’Union européenne) se passionner pour la naissance d’un enfant que leurs propres enfants devront entretenir par leurs impôts et leurs sacrifices en tout genre ? Il faut que sa propre existence soit caractérisée par une immense vacuité pour se comporter de la sorte. Et aussi être privés de tout esprit critique.

    Et dans ce cas précis, c’est la presse qui en porte l’entière responsabilité morale. Quand je pense que nous savons tout sur cette femme et sa famille, alors que ces pauvres Népalais n’ont pas où dormir ni rien à manger et que les pays du monde entier commencent tout juste à se porter à leur secours…

    Pourquoi donc n’arrivons nous pas à placer l’éthique en tête de l’information ? Comment expliquer que ces journaux people (même les radios, même les télévisions) ne soient pas délaissés ni sanctionnés par les acheteurs et les lecteurs ?

    Je sais ce que vont répondre les journalistes : ils ne sont que le reflet de la société dans laquelle ils vivent. Ils ne font pas l’opinion, ils ne font que la refléter, ils ne sont pas les maîtres des nations en éthique mais de simples relais, ils ne sont pas là pour changer le monde, leur rôle consiste à informer, etc.… Nous savons tous qu’à des degrés divers, la presse est formatrice d’opinion, et parfois même fondatrice d’identité.

    En fait, tout en rendant hommage à certains journalistes qui se risquent parfois pour nous informer dans des zones de tension, de guerre et de luttes armées, le reste de la profession ne tient pas sa plume d’une main ferme.

    C’est seulement ce matin que la tendance s’est inversée : la femme qui doit accoucher est passée derrière les pauvres Népalais qui meurent par centaines… Et ce n’est que justice. Nos sociétés doivent veiller à restaurer ces équilibres qui font l’honneur du genre humain.

    Au cours de la décennie à venir, je pense que les réseaux sociaux vont entièrement supplanter les journaux habituels et les journalistes professionnels : les vraies questions seront alors traitées suivant leur importance réelle.

    Et on ne vivra plus de tels déséquilibres : une femme qui doit accoucher retenir l’attention des médias du monde bien plus qu’un terrible tremblement de terre qui a déjà ravie des milliers de vie et plongé dans le dénuement des millions d’autres.

    MRH

  • Pour la réconciliation des peuples turc et arméinien

    Pour la réconciliation des peuples turc et arménien

    Les peuples sont rarement bien représentés, surtout lorsqu’il s’agit de situations difficiles, héritées de situations hautement conflictuelles. Les gouvernements, de droite comme de gauche, reflètent rarement les aspirations profondes de ceux qu’ils sont chargés de représenter.

    Je pense que ce cas de figure s’applique bien à la situation actuelle entre Turcs et Arméniens, cent ans après ce qu’il faut bien nommer un génocide, au sens d’assassinat d’un peuple, Völkermord.

    L’opinion publique actuelle en Turquie est évidemment manipulée par des forces conservatrices qui ont prospéré à l’ombre de la république des jeunes Turcs et qui considèrent qu’une nation n’est forte qu’après avoir réalisé son unification religieuse, un peu comme Isabelle la catholique qui céda aux fantasmes de l’ancienne Inquisition et bannit tous les Juifs des territoires de la couronne castillane. Ironie de l’Histoire, ces réfugiés bannis de la terre qui les avait vu naître, affluèrent en pays ottoman, pour la plus grande Bajazet qui sur en tirer profit. Le roi d’Espagne, aurait il dit en substance, m’a enrichi en s’appauvrissant.

    L’islam turc était alors éclairé, sûr de sa force et incarnant un certain libéralisme et une tolérance religieuse. Alors pourquoi cette rencontre ratée avec les Arméniens ? La réponse sembler couler de source : les Arméniens sont la branche la plus ancienne du christianisme dans la région, alors que les Juifs ne représentaient aucun danger pour la religion dominante : ils se cantonnaient à des activités économiques lucratives pour eux mêmes et pour le peuple hôte…

    On le voit aujourd’hui encore. Les autorités turques font les pires difficultés lorsqu’il s’agit simplement de rénover une église ou d’ouvrir une école chrétienne… Je ne dis même pas : d’édifier une nouvelle église ou tout autre forme de lieu de culte. Et ostracisme doit cesser.

    On a tous entendu parler de ces bons Turcs dont les racines sont arméniennes et qui, pour certains d’entre eux, veulent renouer avec leurs racines chrétiennes. Pour les intégristes, c’est impensable, inouï… Et pourtant, s’y opposer représente un viol de la conscience. Pour échapper à l’accusation de prosélytisme, ces Turcs aux racines arménienne doivent apporter la preuve qu’ils sont d’ascendance chrétienne.

    De telles exigences risquent de dissoudre l’entité nationale turque. On attend une grande Turquie qui ne sépare pas ses fils d’après leurs dénomination religieuse mais qui, au contraire, étend à tous la liberté religieuse et se cherche un autre ciment pour la cohésion nationale. Mais cela ne se fera pas avec le régime actuel qui assume une autre idéologie, et ne reconnaîtra jamais les massacres du peuple arménien.

    Il faut aussi dire hélas que le régime arménien actuel n’est pas vraiment un modèle de démocratie.

    Pour ce qui est de la Turquie, elle doit regarder son passé en face. L’écrasante majorité des états reconnaissent le génocide.

    Pour qu'il y ait une réconciliation, il faut que l'agresseur reconnaisse ses torts et ses crimes.

    Après vient le pardon.

  • En ce jour, Israël rend hommage à ceux qui sont morts pour la patrie. Yom Ha zikkaron

     

    Yom ha-Zikkaron en Israël : l’hommage rendu aux soldats tombés pour la patrie

    Israël est le pays du souvenir, le judaïsme est la religion de la mémoire. L’histoire de ce peuple n’est comparable à celle d’aucun autre peuple. Par moments, elle fait figure de martyrologie. On n’y peut rien, c’est l’histoire du peuple juif, depuis les origines. Je rappelle une fois encore cette phrase du grand spécialiste allemand de la Rome antique, Théodore Mommsen, qui disait ceci : Israël n’est pas apparu tout seul sur la scène de l’histoire mondiale. Il était accompagné d’un frère jumeau, l’antisémitisme ! Cela se passe de commentaire…

    Israël va dans moins d’une heure se recueillir pour rendre hommage aux victimes des différentes guerres qu’il dut mener et gagner contre d’implacables voisins, qui se sont juré de mettre fin à son existence. Dans moins d’une heure, les sirènes vont retentir dans tout le pays, tous les restaurants seront fermés, tous les magasins baisseront leurs rideaux de fer. L’activité cessera dans tout le pays, un pays qui n’oublie jamais ceux qui ont donné leur vie pour lui, pour qu’il vive, que le peuple d’Israël ne soit pas effacé de la surface du globe. Dans la Bible hébraïque déjà, on utilise cette expression hébraïque très littéraire : shé lo ikkahéd shem Israël mi-goy : pour que le nom d’Israël  ne soit pas rayé de la liste des nations..

    Comme pour la veille du yom ha_Shoah, les sirènes vont retentir et le pays va communier dans la bravoure et le recueillement avec l’âme des morts au combat. Tous les combats d’Israël. Les radios vont adapter leurs programmes aux circonstances et les télévisions diffuseront des images d’archives et des interviews des soldats rendant hommage à leurs officiers et compagnons d’armes tombés au champ d’honneur. Il y a trois jours, j’ai entendu à la radio une annonce destinée à d’anciens soldats qui ont servi dans une brigade commandée par un gradé mort au champ d’honneur. On leur demandait de se manifester pour organiser en commun une cérémonie du souvenir.

    Le peuple juif a une vocation naturelle qui le mène au recueillement, à la méditation et au culte des disparus. Cette journée qui s’annonce puisque les Juifs débutent toujours leurs commémorations la veille au soir va inciter les  citoyens juifs de ce pays à s’interroger sur leur avenir et sur le sens de leur vie. J’ai été, au début, un peu surpris, du caractère légal de ces fermetures de magasins et de restaurants, chose qui n’est pas applicable pour les fêtes religieuses. Dans ces deux cas, la Shoah et le Zikkaron, c’est normal.

    En temps normal, le calendrier liturgique nomme le Nouvel An, Rosh ha-Shana, le jour du souvenir, Yom ha-Zikkaron. Comment avoir repris ce terme si important pour cette commémoration ? C’est qu’au Nouvel An, l’Eternel est censé se souvenir de nous et de nous inscrire dans le livre des vivants. Or, voila qu’on nomme ce jour selon les morts.. La contradiction n’est qu’apparente : ceux qui sont morts pour la défense de la patrie vivront éternellement dans le cœur de ceux qui les ont aimés.

    Après tout, c’est la définition que donnait Ernest Renan de la résurrection : continuer de vivre éternellement dans le cœur de ceux qui les ont aimés.

    Et l’Etat d’Israël aime ses soldats. Il a passé un contrat moral avec ses citoyens, les parents de ces soldats : dans toute la mesure du possible, leur rendre leurs enfants après leur service militaire, en vie.

    Malheureusement, il y a des guerres et des morts.

    Le caractère paradoxal de l’histoire moderne d’Israël apparaît dans la proximité de ce recueillement et de l’allégresse qui va s’emparer du peuple tout entier demain vers 17 heures, car la fête de l’indépendance, yom ha-Amtsma’out, battra son plein.  Déjà tout le monde pavoise. Toutes les voitures ont accroché à leurs portières de petits drapeaux frappés de l’étoile de David qui flottent au vent. Ce peuple ne laisse jamais le deuil, la tristesse, l’abattement le gagner ou s’installer durablement.

    Le jour de la Shoah et aussi appelé jour de la bravoure. Et aujourd’hui le yom ha-Zikkaron est immédiatement suivi de la fête de l’indépendance : mi-yagon le simha u mé évél le yom tov : du deuil à l’allégresse, du deuil, à un jour de fête…

    En hébreu, on a trouvé un bel exemple qui symbolise ce changement du tout, grâce à une simple métathèse : mé-éfér la-péér : on passe des cendres à la gloire.

    Il faut prier pour que ce peuple qui a tant souffert puisse enfin goûter la douceur d’une paisible existence. J’aime bien cette chanson que tout le monde chante ici et dont j’extrais deux phrases :

    Mi shé maamin lo méfahéd et ha émouna le’abbéd… Am Israël, lo yewatter : Celui qui a la foi chevillée au corps ne craint pas de la perdre… Le peuple d’Israël jamais ne renoncera.

    Longue vie à Israël