Le retour au calme entre la Turquie et Israël
Les Turcs ne sont donc pas si idiots que cela et les rodomontades de M. Erdogan cachent souvent une analyse plus réaliste et plus pertinente des situations. Depuis la tentative insensée des Turcs de briser le blocus de Gaza qui s’est soldée par la mort de plusieurs citoyens de ce pays, les choses étaient au plus mal entre les deux anciens alliés.. Erdogan, qui ambitionnait de se faire le porte parole du monde musulman, en s’appropriant la cause palestiniennes doit, aujourd’hui, faire les comptes. Cela ne lui a rien rapporté, Israël n’a pas cédé, les Arabes refusent de s’inféoder aux Turcs qui leur ont laissé au XIXe siècle de très mauvais souvenirs et de surcroît, les Turcs se sont attirés un nouvel ennemi à leurs portes, un ennemi qui n’oublie rien et constitue désormais pour eux une menace, la Russie de Vladimir Poutine.
Depuis cinq ans, date de ce grave incident en Méditerranée orientale, Turcs et Israéliens œuvraient en silence, voire dans le plus grand secret. Et petit à petit, au regard des réalités internationales, les Etats étant des monstres froids, la Turquie de M. Erdogan qui n’a réussi à imposer ses vues dans aucun dossier (ni sur l’adhésion à l’Europe, ni sur le conflit syrien, ni vis à vis des Arabes) a dû se rendre à l’évidence : il faut se rapprocher d’Israël, même si extérieurement on adopte une rhétorique agressive. Derrière les belles proclamations, il y a le gaz, l’armée turque, les pressions américaines, les accusations de jouer double, triple, voire quadruple jeu avec Daesh, l’hostilité russe désireuse de venger l’avion abattu, tout ceci a contraint le pays du Bosphore à réduire ses ambitions et à comprendre qu’il ne servait à rien de se priver d’un si bon allié comme Israël pour servir des intérêts hypothétiques de je ne sais quelle cause, palestinienne ou autre…
Sur quoi ont porté ces négociations secrètes ? Sur l’indemnisation des familles des victimes, sur la levée des poursuites concernant les officiers et soldats ayant mené l’assaut sur le navire turc, sur l’acheminement de gaz israélien vers la Turquie, sur le rétablissement des ambassadeurs, et probablement quelques clauses secrètes portant sur des fournitures d’armes, de drones, et l’entraînement des pilotes turcs… En somme, une retombée positive de la crise syrienne où les Turcs sont soumis à rude épreuve, sans oublier les troubles intérieurs liés à la crise armée avec les Kurdes. Rappelons que dans ce contexte, les organes israéliens ont rendu à leurs collègues turcs des services signalés dans un passé qui n’est pas si lointain…
Certes, Israël est un pays plein de ressources, il a déjà rétabli avec la Grèce d’excellentes relations dans tous les domaines, mais la Turquie, malgré Erdogan, c’est autre chose. Il faut tout faire pour rétablir de bonnes relations entre cette puissance régionales (plus de 80 millions d’habitants) qui, dit-on, serait prête à expulser le chef du Hamas qui y a installé ses bureaux. Israël l’exige et a obtenu gain de cause, en dépit de quelques démentis officiels qui ne changent rien à la réalité.
Vous savez, quand on est en négociations avec de telles personnes, il faut renoncer momentanément à nos convictions ou résolutions cartésiennes. Pour ces Orientaux, il n’existe pas vraiment de principes de l’identité et de la contradiction. J’ai écouté, il y a quelques semaines, une intervention en arabe, sur la chaîne qatarie, de l’actuel Premier Ministre turc (qui maîtrise bien la langue arabe, il est même professeur) : mais quelle agilité intellectuelle, quelle maestria, quelle dextérité pour enrober le journaliste arabe et le mettre dans sa poche, en évoquant la cause palestinienne alors que l’intervieweur ne l’avait pas fait…
On ne choisit pas son environnement. Mais une nouvelle fois, Israël a montré sa prudence et sa pugnacité : Quand on se remémore les anciennes déclarations d’Erdogan, on croit rêver. Mais non, il vit simplement sur une autre planète que nous.