Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • Ilan Halimi : dix ans déjà (El malé rahamim…)

    Ilan Halimi : dix ans déjà (El malé rahamim…)

    Comme le temps passe vite, les plus nostalgiques diront qu’on a l’impression que c’était comme hier : la France, ou plutôt ses autorités politiques, n’y croyaient guère et réfutaient le caractère antisémite de ce crime odieux. C’est que le gouvernement de l’époque était dans le collimateur des autorités américaines qui accusaient ouvertement notre pays d’être antisémite, pire encore, de ne pas protéger suffisamment ses citoyens de confession juive, et en gros de céder face à la pression démographique d’une population arabo-musulmane pour des raisons électoralistes. Bref, la situation était très délicate……

    Faut il rappeler les faits ? Un jeune homme, attiré dans un traquenard mortel par une jeune fille qui servait d’appât, est torturé dans un appartement de banlieue par un gang, dit le gang des barbares, qui tentent d’extorquer de l’argent à sa famille, laquelle n’était pas particulièrement fortunée. Tant de gens savaient, dans cet immeuble conspiratif , et personne n’a rien dit ni alerté les policiers. Et quand cela a fini par arriver, il était trop tard, le jeune Ilan fut découvert, agonisant le long d’une voie ferrée.

    Et tout ce drame se déroulait dans notre beau pays, la France, il y a tout juste dix ans. Le problème ainsi créé a dépassé les circonstances qui lui donnèrent naissance : les Juifs prirent alors conscience qu’en une décennie (par rapport à 1990) la population n’était guère émue par ce qui venait d’arriver, à savoir mort d’homme. Pire ; un homme sauvagement torturé et laissé pour moi parce que juif… Le tremblement de terre survenu au sein de la communauté juive (je n’aime pas ce terme et ne considère que la communauté nationale tout en refusant d’y intégrer les ennemis français de la France) n’a pas fini de provoquer d’incroyables remous ! Les Juifs de ce pays se sont sentis bien seuls, ils se retrouvaient seuls à enterrer leur mort.

    Ce qui les a heurtés au plus profond d’eux-mêmes tient à un fait absolument incompréhensible, surtout après ce qui venait de se produire : on contestait que cet acte barbare fût d’inspiration antisémite. Mais les mêmes faits se sont reproduits en janvier 2015 lorsque les autorités policières ont refusé d’établir une connexion entre les premiers attentats avant le massacre de Charlie Hebdo et de l’hyper cacher… Toujours cette frilosité bien française à nommer un chat un chat.

    Mais voyons de plus près cette onde de choc qui a traversé tous les secteurs de la population juive, notamment cette vague de départs vers Israël et la sensation que notre beau pays était désormais invinciblement gangrénée par le communautarisme antisémite des banlieues, par une frange sans cesse croissante d’ennemis, important le conflit du Proche Orient dans l’Hexagone. Ceux qui ont regardé un reportage fait dans des classes de collèges de Seine Saint-Denis comprendront ce que je veux dire : les réponses faites par des collégiens sur les Juifs étaient sidérants ! Quelle faillite de la République !!

    Ce soir, enfin, l’actuel ministre de l’intérieur participe à une cérémonie d’hommage. Ce n’est pas suffisant, mais c’est déjà quelque chose. Est ce que cela va suffire pour guérir tous nos compatriotes juifs du traumatisme subi et des multiples attaques dont ils furent victimes depuis cette dernière décennie ? C’est peu probable. Certes, il y eut le cri du cœur de l’actuel Premier Ministre, clamant haut et fort que la France était inconcevable à ses yeux sans l’apport de ses fils et de ses filles, issus de la religion d’Israël, mais dès le lendemain, le chef de l’Etat s’en est allé boire un verre de thé de l’amitié là où vous savez… Cette opération d’équilibriste a été très sévèrement jugée et fortifiait l’impression que l’exécutif se livrait encore et en toutes occasions à des dosages qu’il croit savants…

    Tous ceux qui me font l’honneur de lire sur cette plateforme mes éditoriaux chaque matin savent combien j’aime mon pays, combien j’évite le dolorisme et rejette toute victimologie. Pourtant, je ne trouve rien à répondre à ceux et à celles qui, dans mon propre cercle familial, me disent qu’il n y a plus d’avenir dans ce pays… Que même la sécurité n’ y est plus assurée… Un célèbre avocat parisien me confiait récemment que ses propres petits enfants ne voulaient plus vivre bunkérisés ni prier dans des lieux de culte protégés par des hommes en armes…

    J’ai moi-même pu le vérifier de mes propres yeux : partis donner une conférence dans une ville de province et arrivés assez tardivement dans ces lieux à cause d’un caprice de la SNCF, le taxi me dépose devant une porte blindée près de laquelle se trouvaient trois jeunes soldats armés de fusils d’assaut et revêtus de gilets pare-balles… Curieuse mise en bouche pour donner une conférence sur un grand philosophe judéo-allemand du début du XXe siècle.…

    Les Juifs se disent entre eux que pour des raisons inavouables, les autorités ne réagissent pas comme elles le devraient ! Par souci d’équité, je ne détaillerai pas les arguments énoncés. Mais je dirai quelques mots du sentiment qui s’est emparé de secteurs entiers de cette même communauté juive : la solitude, l’esseulement, l’indifférence dont ces Français juifs se croient victimes.

    L’accusation la plus grave, celle qui fait le plus mal, est apparue après les terribles attentats de janvier : la plupart des Français juifs ont pensé, voire même dit que si les journalistes de Charlie n’avaient pas été tués, les victimes juives seraient presque passées inaperçues… Cette réaction m’a très vivement touché car la comparaison s’imposait avec le majestueux défilé de 1990 auquel même le président de l’époque, Fr Mitterrand s’était associé. Seize ans plus tard, on ne vivait plus dans le même monde.

    Pour conclure ce papier il faut dire un mot du sentiment de solitude que les Juifs ont ressenti et continuent de ressentir tout au long de leur histoire. On leur reproche depuis Tacite, voire depuis Manéthon, le bibliothécaire d’Alexandrie du IIIe siècle avant notre ère, de vivre entre eux, de pratiquer l’endogamie, bref de cultiver leur solitude, telle que la décrivait le livre du Deutéronome…

    Mais au XVIIIe siècle, un rabbin du nord de l’Allemagne a émis le vœu que les Juifs, tout en demeurent ce qu’ils sont, soient INTEGR2S, MÊLES aux autres créatures de Dieu… Il utilise deux verbes hébraïques qu’il faut traduire prudemment : NIVLA’ im ha-biryot, ME’ORAV ‘im ha-biryot…

    La route est encore longue, très longue…

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 13 février 2016

  • La déchéanbce de nationalité, les binationaux et les naturalisations

    La déchéanbce de nationalité, les binationaux et les naturalisations

    Depuis quelques semaines, on ne parle en France que de cette déchéance si disputée de nationalité. Pourtant un minimum de clarification s’impose. Selon nous, il faut revenir à la première mouture de la loi, celle que François Hollande avait exposée dans son discours solennel devant le congrès à Versailles. Il ne faut viser que les binationaux et non tous les Français. Cela soulève un problème, celui de l’égalité des Français entre eux. Mais chacun sait que dans l’esprit de son concepteur, cette loi vise une certaine catégorie de gens qui, tout en étant nés ici ou en ayant bénéficié d’une naturalisation inconsidérée, ont porté leurs armes contre la France, censée être leur pays. Donc, il fallait laisser en place la première mouture. Mais les réticences furent si vives que, comme d’habitude, le pouvoir en place a battu en retraite, reculant chaque fois qu’il y aune réaction négative. Et aussi parce qu’il n’osait pas appeler un chat un chat : chacun sait que ce ne sont pas des Européens, des Finlandais ou des Norvégiens qui ont fait cent-trente morts le 13 novembre, mais une certaine catégorie de gens qui ne se sentent absolument français au point d’abattre sauvagement des Français authentiques et innocents.

    Cette thèse peut surprendre et ses défenseurs savent qu’elle peut heurter les belles âmes. Mais voilà, le pouvoir actuel se rend compte que depuis près d’un demi siècle, les gouvernants ont laissé entrer dans ce pays un certain nombre de gens qui n’avaient pas vocation à y faire souche. Et pourtant, ce fut le cas. Et ces gens avaient une autre nationalité qu’ils ont conservée, ce qui est leur droit, mais à laquelle s’est ajoutée la nationalité française, ce qui fit dire à l’ancien président du FN que ce sont des Français de papier. Il y a aussi la législation très attractive mais bêtement généreuse du droit du sol (jus soli) qui vous rend français automatiquement, même si vous ne sentez guère français. Un récent sondage effectué de l’autre côté du périphérique, notamment en Seine-Saint-Denis, a montré qu’une écrasante majorité de fils et de filles d’émigrés, d’Afrique du Nord et d’Afrique noire, ont répondu qu’ils ne se sentaient pas français alors qu’ils disposent d’une carte d’identité française. C’est là un grave problème et qu’il faudra bien résoudre un jour, dans un sens ou dans un autre.

    Lorsque l’alternance arrivera il faudra prendre à bras le corps ces questions des binationaux, des apatrides et des naturalisés. On ne peut plus traiter à la légère le cas de gens qui tuent leurs compatriotes ou alors il ne faudrait plus les considérer comme des Français. Mais dans ce cas, il y aura un grave problème pour l’Etat d e droit ; or, la France est heureusement un Etat de droit. Toute la subtilité de la démarche consiste à protéger les nationaux sans enfreindre les règles juridiques. Mais comment combattre le terrorisme ?

    D’où cette question de la déchéance de nationalité qui a relégué à l’arrière-plan toutes les autres, la crise, le chômage, le pouvoir d’achat, l’insécurité, l’immigration, etc…

    L’Assemblée Nationale a voté dans le sens voulu par le gouvernement, mais le Sénat va tout faire pour ramener le texte de loi dans son sens premier, visant les binationaux. Sans vouloir les discriminer, c’est de là que vient le problème. Mais le pire serait que le congrès soit un échec.

  • Angela Merkel, les migrants et l’Europe

    Angela Merkel, les migrants et l’Europe

    Pratiquement aucun autre pays de l’Union Européenne ne veut vraiment emboîter le pas à la folle politique de la chancelière allemande concernant l’accueil des réfugiés ou de ceux qui se font passer pour tels. Aujourd’hui, tous les pays européens, même ceux qui se voulaient ouverts aux Arabes et aux réfugiés en général (Danemark, Suède, etc…) se recroquevillent sur eux-mêmes, constatant enfin que le fossé culturel est énorme et ne saurait être comblé. Certes, il y a des gens qui sont de véritables réfugiés politiques dont la vie est menacée sur place, comme ces pauvres habitants de quelques quartiers d’Alep qui subissent les bombardements russes quotidiens, qui n’ont plus rien à manger, n’ont pas de médicaments, etc… Mais l’idée qu’un pays pouvait se vider de millions d’habitants et chercher refuge dans un autre pays, notamment dans cet eldorado imaginaire qu’est l’Europe, n’a pas effleuré l’esprit de la chancelière qui a très mal agi et fut encore plus mal conseillée.

    Pour ma part, je pense que l’élément moteur dans toute cette affaire, le facteur déterminant ( das übergreifende Element, das sie zu diesem unbesonnenen Schritt bewogen hat), demeure de nature démographique : l’industrie, l’économie allemande va avoir besoin de millions de travailleurs, il va bientôt lui manquer des millions de bras ; or, la natalité marque le pas outre-Rhin. Mais ne fallait il pas promulguer une législation nataliste au lieu de cet afflux d’étrangers ? Quand j’étais encore professeur à l’Université de Heidelberg, je me souviens que le même problème s’était posé et le pouvoir à l’ époque avait fait venir des Hindous en Allemagne. Die Zeit avait alors publié une manchette (Schlagzeile) : Kinder statt Inder, jeu de mots intraduisibles en français. Qui signifie : faites des enfants au lieu de faire venir des Hindous…

    En quelques semaines des millions d’hommes et de femmes se sont installés sur le sol européen alors que les gouvernements distribuaient des visas au compte-goutte. J’ai assurément une pensée émue pour celles et ceux qui ont perdu la vie en tentant de traverser la mer Méditerranée. C’est un drame inoubliable.

    Mais si l’on réfléchit froidement, on peut dire que l’Allemagne se prépare des lendemains très difficiles ; même la chancelière le sait, elle qui mettait en garde contre le multiculturalisme. Il suffit de voir l’exemple français et les sérieux problèmes, même de sécurité intérieure, qui se posent… Un seule exemple : la quasi totalité des terroristes de janvier et de novembre 2015 étaient de nationalité française, ayant bénéficié du droit du sol (jus soli).

    Une dernière remarque : les USA bombardent la Syrie et un peu l’Irak depuis près de cinq ans, à quelques différences près. Les Russes en quelques mois ont renversé les équilibres, partout Daesh et les rebelles anti Assad sont sur la défensive, partout les troupes de Bachar avancent. Et il y a fort à parier que d’ici quelques mois Bachar aurait repris le contrôle de la situation.

    Quelles leçons faut il en tirer ? Je crois que c’est clair. Si les Occidentaux veulent stopper les métastases de ce mal presque incurable ils doivent appliquer en Libye la même méthode que les Russes en Syrie. Sinon Daesh sera à 300km de Lampedusa…