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  • La France contemporaine et l’islam : le franc parler de Manuel Valls

    La France contemporaine et l’islam : le franc parler de Manuel Valls

    C’était prévisible et cela a fini par arriver : un certain islam se trouve projeté dans le creuset d’une critique de plus en plus violente en raison de l’indécision de ses dirigeants et de ses adeptes qui n’ont pas encore pu ni voulu définir l’essence de leur foi dans un cadre européen non arabe et non religieux. Il s’agit de vision du monde, ce que les Allemands nomment la Weltanaschauung : une vision du monde, un projet, une volonté de vivre ensemble dans la paix et l’harmonie. L’Europe y est arrivée au terme de grandes tragédies (persécutions de l’autre, antisémitisme, shoah, islamophobie, etc…) et aujourd’hui elle se trouve confrontée à un autre grand défi, l’intégration d’une population d’origine arabo-musulmane, apparemment délaissée par le progrès, marginalisée par la force des choses et presque incapable de promouvoir efficacement un nombre minimum d’élites, issues de ses rangs.

    Le pays aurait dû s’en occuper il y a déjà longtemps. Point n’est besoin de critiquer le gouvernement actuel qui ne fait qu’hériter d’uns situation désastreuse qui a prospéré sous tous les gouvernements de gauche comme de droite, depuis plus de trois décennies. La course désordonnée vers l’industrialisation, et ensuite, vers le progrès technologique, a pratiquement occulté les autres besoins de l’homme en tant qu’entité unique, en tant que personne individuelle dont aucune ne ressemble en tout point à une autre. Au fondement de cette altérité absolue (aucun être humain ne ressemble en tout point à un autre congénère) gît le principe inaliénable de la liberté humaine. La dignité de l’homme, c’est sa liberté, ou plus modestement sa capacité à être libre.

    Or, la France n’a que très récemment consenti à élargir le cadre de son modèle socio-culturel, suite aux exigences de la mondialisation : celle-ci n’est pas seulement l’aboutissement à un très vaste marché, c’est aussi la nécessaire adaptation du modèle à des nouveaux-venus, issus d’autres horizons, produits par d’autres cultures, notamment religieuses. L’écrin intellectuel de l’Europe a toujours été le judéo-christianisme, sa constitution fondamentale a toujours été le Décalogue dont les idéaux ont été repris par les partis politiques existants sous une forme laïcisée. C’est ce que nous apprenait le philosophe Carl Schmitt en 1924 dans sa Politische Theologie (traduit au début des années quatre-vingts aux éditions Gallimard).

    Même la notion de messianisme a été sécularisée, laïcisée sous la forme de l’infinie perfectibilité de l’homme et son aspiration constante au bonheur. C’est ce qui s’appelle l’aspiration à un avenir meilleur, c’est-à-dire une projection dans l’avenir, un avenir où les hommes vivent mieux et en paix. Si je voulais jargonner, je reprendrai l’expression un peu absconde de Martin Heidegger, la destination destinale de l’homme (das schicksalhafte Schicksal des Menschen).

    Mais toute la question est de savoir comment opérer ce transfert spirituel et culturel.

    Un parallélisme s’offre à nous dans l’histoire culturelle de l’Europe. Au cours du XIXe siècle se posa avec une grande insistance l’intégration des populations juives présentes sur le continent. C’est ainsi que naquit la fameuse Question juive (Die Judenfrage), si chère à Bruno Bauer et à Karl Marx. La question posée était la suivante : est ce que les Juifs sont une communauté religieuse, une religion parmi d’autres ou ambitionnent ils d’être une communauté nationale, donc un peuple au sein d’un autre peuple ? Il saute aux que c’est la seconde interrogation qui pose problème si l’on s’avisait d’y répondre par la positive…

    J’avais parlé un jour de cela avec Monsieur Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Il m’expliqua alors que les représentants musulmans ne voulaient sacrifier les relations avec la oumma (nation musulmane mondiale) sur l’autel d’une intégration à la République…

    Or, tant le Premier Ministre, hier à l’Assemblée, qu’un député de l’opposition Bruno Le Maire, ont clairement annoncé la couleur : ils jugent inacceptable un islam politique. Or, que signifie cette expression dans le contexte actuel ? Elle signifie la reconnaissance d’une spécificité nationale au sein de notre communauté nationale. Ce qui est impossible.

    Et ils sont nombreux ceux qui ont été surpris par l’étrange proposition d’Alain Juppé cherchant une sorte de modus vivendi avec cette religion sur notre sol. Mais le pacte républicain est déjà là pour cela, on n’a besoin de rien d’autre. Et d’ailleurs, les Sages du Conseil d’Etat s’y opposeraient… Il est curieux qu’un grand énarque, ancien Premier Ministre de surcroît, celui que Jacques Chirac qualifiait de plus intelligent que nous tous (sic) ait pu formuler pareille idée.

    En revanche, comme d’habitude, le Premier Ministre Manuel Valls a dit clairement la position de la France : l’espace public ne saurait être pollué par des conceptions qui n’y ont pas leur place. La République ne s’accommodera jamais d’un effacement (qui n’ose pas dire son nom) de la femme.

    En fait, quelles sont les racines culturelles de l’Europe ? Pour reprendre une définition lapidaire d’Emmanuel Levinas, l’Europe c’est la Bible plus les Grecs. Qu’est ce qui ressort de cet alliage ? Les trois principes qui dictent notre conduite depuis l’apparition de Spinoza : le respect de la vie humaine, l’égalité absolue des hommes et des femmes et le rejet tout aussi absolu de l’exclusivisme religieux, c’est-à-dire que toutes les religions sont traitées de la même manière et aucune ne saurait se prévaloir d’une supériorité quelconque par rapport aux autres……

    Certains seraient surpris d’apprendre que c’est un penseur musulman Averroès (ob. 1198) qui a qualifié la religion en général de première éducatrice de l’humanité, c’est-à-dire un niveau appelé à être dépassé. Un jour !

    L’Europe pourrait être une chance pour l’islam. Le tout est de savoir si ses adeptes veulent saisir la perche qui leur est tendue.

    Mais en tout état de cause, le Premier Ministre a trouvé les mots qu’il fallait.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 6 avril 2016

  • Ce qui restera d’Obama au niveau de la politique étrangère

    Ce qui restera d’Obama au niveau de la politique étrangère

    C’est bien la visite à Cuba et la fin de la guerre froide. Ce ne sera ni la couverture maladie universelle, ni le traité avec l’Iran, ni même une meilleure représentation des Noirs dans l’administration américaine, ce sera essentiellement le retour progressif de Cuba dans le giron des nations démocratiques. Cela prendra du temps mais Barack Obama a compris qu’il fallait rétablir un minimum de relations convenables avec une île qui se trouve tout près du territoire des USA

    Le président US et ses conseillers ont fait une analyse très simple et qui est fondée : Les frères Castro sont au bout du rouleau Fidel est gravement malade et son frère Raoul est très âgé. Leurs successeurs tenteront évidemment d’avoir la même poigne mais ils n’auront pas le charisme des frères Castro. En plus, on ne peut pas aller constamment à l’encontre du développement historique : la jeunesse cubaine entrera de plus en plus en contact avec les touristes US, sans même parler des investisseurs qui inonderont l’île de dollars. Impossible de continuer à contrôler l’internet, Face book, les tweet et tout le numérique. C’est physiquement impossible

    Pendant que je compose, on entend le grand concert des Rolling Stones, ovationné par près d’un demi million de Cubains en délire ! Or, pendant plus de trois décennies, il était interdit d’écouter une telle musique taxée de musique subversive et décadente. Aujourd’hui, c’est la grande place de La Havane qui accueille les chanteurs et leurs fans.

    Je pense aussi au discours de Gorbatchev à Berlin est, fustigeant ceux qui s’opposaient au vent de l’Histoire. Et en effet, peu de temps après, les gouvernants communistes étaient balayés par ce même vent de l’Histoire.

    Il n’est pas excessif d’étendre le raisonnement à la situation cubaine. Les Cubains de Floride , rejetés par le régime castriste depuis des décennies vont reprendre pied chez eux et en tant que citoyens US ils pourront aider leurs familles respectives restées sur place. La Hava changera de visage. Les vieilles façades de la ville auront disparu dans peu de temps. Un pilote d’Air France, habitué du trajet Paris La Havane Paris confiait que certaines maisons de La Havane menaçaient ruine mais avaient un certain charme.

    Et n’oubliez pas les amateurs de bons cigares qui pourront, notamment aux USA, s’approvisionner sans problème alors que précédemment, c’était interdit. Certes, le même scénario avait été tenté par Richard Nixon avec la Chine au travers de pongistes de deux pays. Et même si la Chine est devenue un pays presque capitaliste, le pouvoir du parti unique n’en est pas moins là.
    Mais voilà, avec ses onze millions d’habitants seulement, Cuba n’est pas la Chine

  • Nuit debout place de la République : Attention !!

    Nuit debout place de la République : Attention !!

    Depuis deux nuits, le gouvernement est confronté à un grave problème dont je ne suis pas sûr qu’il ait pris la vraie mesure : une mobilisation de la jeunesse de France, à laquelle viennent s’agréger toutes sortes de gens insatisfaits de leur vie, de leur travail, bref de leur existence. Cette coagulation de tous les mécontents risque d’être dangereuse pour le gouvernement et notamment pour le couple de l’exécutif. Pourquoi ? d’abord parce que, visiblement, le président et son Premier Ministre ne sont pas vraiment sur la même longueur d’ondes. A l’évidence, la nature conciliatrice du plus grand tricoteur de synthèse du pays ne coïncide pas vraiment avec celle plus enflammée, plus ibérique de Manuel Valls. Souvenez vous de ses déclarations presque guerrières, on ira jusqu’au bout, on ne cédera pas, etc… Et depuis ce temps là c’est la bérézina pour le gouvernement. Il faut donc se rendre à l’évidence, il n’a pas choisi la bonne méthode. Ce fut le cas pour la déchéance de la nationalité, contestée par la propre majorité du gouvernement. On connaît la suite : la droite parlementaire a exploité les divergences entre les deux, enfonçant un coin entre l’Elysée et le parlement. Le président du sénat l’a dit : on a collé au projet initial du Président devant le congrès à Versailles. Sous entendu : revenez au texte initial et on le votera. C’était impossible. Le président a dû renoncer. Comment voulez vous qu’il retire la loi Elkhomry, aujourd’hui ? La seule chose qu’il puisse se permettre, vu l’étroitesse de sa marge de manœuvre, c’est de la vider encore un peu plus de son contenu réellement novateur. En fait, l’action a été très mal engagée. On se demande qui conseille vraiment l’Elysée et qui conseille Matignon …

    Il faut dire que depuis des mois, ce gouvernement gouverne contre une partie croissante de la majorité qui l’a élu. Ceux que l’on nomme les frondeurs conservent une énorme capacité de nuisance et ce sont eux qui sont à l’origine de l’abandon de tenir congrès à Versailles. Il y a aussi les syndicats qui sont vent debout contre toute réforme mettant en cause les droits fondamentaux des salariés. Et il y a, dernier mais non moindre, l’opposition au sein même du parti socialiste qui ne croit plus en Fr. Hollande, veut lui imposer une primaire dans l’espoir qu’il ne franchira pas la barre. Cette situation est inédite.

    Et comme un malheur n’arrive jamais seul, il y a ce mouvement qui a décidé de passer les nuits place de la République et anime des débats sur une autre culture, un autre système, bref une autre voie que celle suivie par ce gouvernement. On n’a jamais connu ce type de contestation en France.

    Espérons que dès le début de la semaine prochaine le gouvernement trouvera le moyen de stopper ce nouveau mouvement de contestation. Surtout à moins de douze mois de la présidentielle.