Les restos du coeur, le visage de la misère contemporaine…
Lorsque Coluche, que son nom soit béni, a créé ce qui est devenu,
trente ans plus tard, une véritable institution à l’échelle nationale,
à savoir les restos du cœur, il ne se doutait pas que son œuvre
caritative lui survivrait. Et pourtant, le petite poignée de
nécessiteux des débuts, s’est transformée en interminables cortèges,
de gens touchés de plein fouet, soit par la crise soit par la
pauvreté, le chômage, la maladie ou plus globalement les accidents de
la vie.
Quand on regarde des reportages sur ce grave sujet on se rend compte
qu’il s’agit de gens comme tout le monde, Monsieur et Madame tout le
monde, parfois, il est vrai, de maghrébins ou d’Africains ou
d’immigrés qui sont frappés par le chômage ou par d’autres
vicissitudes de l’existence. Mais la misère ni couleur ni nationalité
spécifiques. Elle s’abat sur n’importe qui, indépendamment de ses
origines, de sa couleur de peau ou de lieu de naissance, voire de
milieu social.
Il faut rendre hommage à tous ces bénévoles qui se mettent au service
de leurs congénères, frappés par les aléas de la vie. On a affaire
principalement à des femmes seules, à des familles dites
monoparentales où il faut faire face avec des petits moyens. Des
personnes retraitées dont le logement accapare plus de la moitié des
revenus, déjà modestes en soi.
Ce problème des retraites est incroyable. Rappelons nous que François
Hollande lui-même évoquait le fait suivant quand il présidait aux
destinées de ce pays : plus de la moitié des retraités reçoit moins de
1200 € brut, mensuellement. Comment voulez vous vivre normalement avec
une telle somme à Paris ou en banlieue ou même en province ? Et que
dire de son successeur qui pense qu’avec cette somme, 1200 € par mois,
brut, on doit vous taxer plus que les autres au niveau de CSG ?!
Pour tous les retraités, c’est l’angoisse d’être déclassés, chassés
des centres urbains, rejetés vers la périphérie, généralement mal
desservie par les transports en commune, à un âge où la plupart n’ont
plus les moyens de s’offrir un véhicule, tant son entretien et son
paiement deviennent très difficiles ?
La plupart des retraités sont affiliés au régime de la répartition,
c’est-à-dire un système où les plus aisés cofinancent ceux qui moins
bien lotis. C’est-à-dire des nantis… Même si les intéressés contestent
à juste titre ce terme. Nous nous préparons des lendemains très
difficiles car eu égard au vieillissement de la population et à
l’allongement de la vie, des millions de nos concitoyens vont devoir
se réfugier dans des maisons de retraite dont les frais sont très
onéreux : parfois plus de 2000€ mensuellement… Or, avec 1200€
mensuellement, il faudra nécessairement des compléments. Qui va les
apporter ? La famille, les amis ? Qui ? Surtout si les revenus
n’augmentent pas afin de faire face…
Certains ont eu la prévoyance de prévoir des compléments comme, par
exemple, des appartements achetés durant les années d’activité
professionnelle. Mais pour cela, il faut avoir eu des revenus propres
aux classes moyennes supérieures, comme médecins, avocats, professeur,
hauts fonctionnaires, etc… C’est une frange de plus en plus réduite de
la population.
Comment faire pour tous les autres ? Surtout à une époque où les
grands parents sont tenus de soutenir leurs petits enfants car leurs
parents n’y suffisent plus. Franchement, je ne vois pas comment on
peut sortir de cette quadrature du cercle : de plus en plus de
personnes âgées avec des poly-pathologies onéreuses et répandues,
d’une part, et des ressources en nette diminution, d’autre part. Des
affections de longue durée touchent de plus en plus de gens. Les
laboratoires pharmaceutiques ne sont pas des institutions
philanthropiques ; par ailleurs, pour découvrir de nouveaux
médicaments il faut investir massivement dans la recherche. Et pour ce
faire, il faut réaliser de gros bénéfices… C’est le serpent qui se
mord la queue…
A propos de la pauvreté, un verset biblique me revient en mémoire : ki
lo yhdal ha évoyon mi-qérév ha aréts, car l’indigent ne disparaitra
pas du cœur de la terre… Donc, le problème ne date pas d’hier. Il
nous poursuivra encore longtemps. Et il est intéressant que ce fut une
sorte de marginal qui a mis sur pied cette œuvre de bienfaisance que
sont les restos du cœur.
En effet, c’est le cœur de l’homme qui doit s’émouvoir de ce cette
plaie du monde contemporain où des hommes et des femmes, et souvent
aussi des enfants, ne mangent pas à leur faim, sont mal logés ou
souffrent du froid. Et je ne parle même pas des SDF qui dorment dehors
à Paris dans le froid…
Il faut donc réagir.
Gloire à la mémoire de cet amuseur public que fut Coluche, ce fils
d’immigré italien, qui prit cette initiative bénie : voler au secours
des plus démunis, faire de leur cause une cause sacrée, une cause
personnelle de tous ceux et de toutes celles qui donnent de leur
temps, de leur argent et de leur solidarité.
Vu de la place Victor-Hugo - Page 294
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Les restos du coeur, le visage de la misère contemporaine…
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De l’esclavage aujourd’hui et jadis…
De l’esclavage aujourd’hui et jadis…
Les journalistes œuvrent parfois, mais pas toujours, en faveur d’une meilleure sensibilisation aux problèmes de notre temps. Ce n’est pas toujours le cas, ils concourent le plus souvent à gonfler des nouvelles qui n’en sont pas ou diffusent des informations qui ne méritent pas une telle ampleur. Mais depuis quelques jours, ces images de CNN montrant un abject marché aux esclaves en Libye nous ont ouvert les yeux.
C’est très bien, pour une fois un scoop qui n’est pas une tromperie sur la marchandise. Il convient à présent de ne pas instrumentaliser ces révélations et d’agir afin de mettre un terme à ce honteux trafic d’êtres humains : après plus de deux millénaires de judéo-christianisme , après l’humanisme, les Lumières de Cordoue à Berlin, la création de l’ONU succédant à la Société des Nations, on a toléré de telles choses qui signent une inacceptable dégradation de l’image de l’homme. Au seul motif de la couleur de sa peau. Souvenons nous de Voltaire qui condamnait, en vain, le commerce triangulaire, et attirait ironiquement l’attention des esprits éclairés en disant en substance ceci : mais avec une couleur de peau comme celle-là on ne peut qu’avoir une âme noire……… Et pourtant, cela n’a pas suffi.
Je me souviens d’une visite que je fis il y a une bonne quinzaine d’années à Dakar à l’invitation du gouvernement sénégalais. Je fis une conférence sur le talmud dans les locaux de la chambre de commerce, devant de grands chefs religieux enturbannés. L’idée fut exprimée de me faire visiter l’île de Gorée, point de départ africain le plus près des rivages du Nouveau Monde. Je m’y rendis en effet dès le lendemain et je visitai sous la conduite d’un guide la maison de l’esclave. Par delà les mises scènes, destinées au touriste de passage, je n’ai jamais oublié cette visite.
Mais ce qui me frappe aujourd’hui, c’est l’émotion feinte de nos gouvernements européens qui étaient au courant de ces marchés aux esclaves, de ces viols, de ces meurtres, bref de toutes ces horreurs, et qui ne réagissent qu’aujourd’hui car la nouvelle s’est répandue aux quatre coins du globe.
Pourtant, nous disposons en Europe de la Bible et de ses prescriptions vétérotestamentaires concernant l’inaliénable dignité humaine. Les mythes fondateurs de la religion d’Israël s’en réfèrent justement à la condamnation de l’esclavage : les Hébreux, retenus en Egypte après plus de deux siècles d’esclavage, sont libérés par l’intervention divine ! Ce n’est pas le fruit du hasard si l’histoire du judaïsme antique fait fond sur cette problématique. Le midrash, allié et compagnon inséparable de la Torah, fait même dire à Dieu la phrase suivante, brève mais Ô combien dense : ce sont mes esclaves (les enfants d’Israël) et non point des esclaves au service d’autres esclaves. Ceci constitue la plus belle déclaration ou proclamation concernant l’inaliénable dignité humaine.
Interprétant les tout premiers versets du livre de la Genèse, le Talmud s’interroge sur un point intéressant : pourquoi Dieu n’a t il créé qu’un seul ADAM et pas plusieurs, puisqu’il en avait le pouvoir, suite à sa toute-puissance ? La réponse arrive dans toute sa clarté : Dieu n’a créé qu’un seul ADAM primordial afin que nul ne puisse ne puisse dire à son voisin qu’il procède d’une lignée supérieure, d’Adam numéro 1 alors que les autres seraient de la ligné d’un Adam numéro 7 ou 18 !
Cette exégèse coupe l’herbe sous les pieds de toute théorie raciste ou ségrégationniste.
Mais quittons un instant le domaine des idées et des théories pour nous diriger vers la vie concrète, les relations pragmatiques, la vie de tous les jours. La blessure non cicatrisée de l’esclavage est encore vive, même de nos jours. Souvenons nous du livre qu’une ancienne garde des sceaux de la République française a publié il y a quelques années. Certains passages sont glaçants et nous invitent à l’examen de conscience, même si l’auteur en question est parfois excessive.
J’ai écouté hier soir l’actuel ministre de l’éducation nationale condamner une réunion syndicale réservée aux non blancs, c’est-à-dire dédiée à des Africains, au motif qu’ils sont les seuls à pouvoir comprendre de quoi il s’agit. Le ministre a dit en substance : en voulant combattre le racisme, on adopte soi-même une attitude qualifiée de raciste… Ce n’est pas faux.
Mais comme ce marché aux esclaves (n’oublions pas Daesh qui vendait les femmes Yazidis) s’est passé dans un pays musulman, je me souviens d’une longue étude publiée par Bernard Lewis sur la question. Il y était question de la shu’ubiya.
Ce qui se passe aujourd’hui montre que nous devrions respecter un peu plus les commandements et les préceptes d’un lointain passé. Les choses changent mais pas la nature humaine.
Je vous propose de méditer sur ce vers de Charles Baudelaire : Le cœur des villes change plus vite que le cœur des hommes… Mais les anciens prophètes d’Israël l’avaient précédé lorsqu’ils font dire à Dieu qu’il nous donnera un cœur de chair pour remplacer un cœur de pierre…
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En ce jour d’indépendance, le Liban veut son indépendance…
En ce jour d’indépendance, le Liban veut son indépendance…
On pourrait penser qu’il s’agit là d’un simple jeu de mots, pourtant
cela recouvre une triste réalité qui risque de conduire ce petit pays
à l’équilibre instable vers une nouvelle guerre civile dont on se
souvient que la précédente fut ravageuse et très meurtrière.
Inutile de relater les choses par le menu. Tenons nous en aux tout
derniers développements :
Le jeune Premier ministre Hariri est convoqué à Ryad par ses
protecteurs saoudiens, furieux de découvrir que le Hezbollah est actif
aux côtés des rebelles yéménites et qu’il leur a prêté main forte pour
tirer un redoutable missile contre l’aéroport de la capitale
saoudienne. Le jeune prince héritier veut impressionner son protégé et
le retient envers et contre tout sur place. Il le convint même de
donner sa démission depuis Ryad et lui fait prononcer un discours où
il reprend mot pour mot les accusations de ses protecteurs saoudiens :
l’Iran et son bras armé au Liban, le Hezbollah, menace la souveraineté
libanaise, il se conduit comme en terrain conquis et il force les
autorités libanaises légitimes à accepter ce que Léonid Brejnev avait
jadis appelé la souveraineté limitée, parlant des états du glacis
soviétique. En clair : leur divine protectrice l’ancienne URSS
s’arrogeait le droit d’intervenir chez eux chaque fois que les
conquêtes du socialisme (sic) seraient menacées…
Au Liban, depuis plusieurs années et notamment depuis l’élection à la
présidence du général maronite Aoun, c’est le Hezbollah qui mène la
danse. Il se permet de provoquer Israël, il fait la guerre au nom de
l’Iran tant en Syrie qu’en Irak, voire même au Yémen. Bref, il mène sa
propre politique étrangère et de défense comme bon lui semble. La
dernière fois, lors de sa confrontation avec Israël, déclenchée à
l’instigation de son maître iranien, le Hezbollah a précipité le Liban
dans une guerre avec Israël, occasionnant au Liban dont il
s’autoproclame le bras armé et la divinité tutélaire de lourdes
pertes. Or, que l’on sache, personne ne lui a rien demandé. C’est la
lâcheté du général-président qui a avalisé cette tendance au motif de
faire face à une éventuelle agression israélienne. Au fond, ce n’est
plus le gouvernement libanais qui décide pour lui et pour son pays,
c’est la milice chiite armée, parfaitement illégale.
Qu’à cela ne tienne : le Hezbollah décide quand et si il doit
entraîner le Liban tout entier dans sa petite guerre personnelle
contre Israël, sur les ordres de ses maîtres iraniens.
Alors que vient faire l’Arabie dans cette affaire ? C’est elle qui est
visée, bien plus qu’Israël. Les Iraniens veulent occuper la place de
l’Arabie et font tout pour miner sa puissance.. Au Yémen et à Bahreïn,
les Mollahs soutiennent et arment les rebelles qui luttent contre les
alliés des Saoudiens. Ce qui explique le rapprochement avec Israël et
la timide rétractation télévisuelle du ministre saoudien des affaires
étrangères ne change rien au fond du problème. L’alliance, déclarée ou
réservée, avec Israël fait partie de ce qu’on nomme une tendance
lourde car elle est dictée par des réalités stratégiques. On sait que
la logique au Proche Orient est assez élastique : entre le oui, d’un
côté, et le non, de l’autre, il n( a pas assez de place pour la tête
d’une épingle…
On comprend mieux, dès lors, l’exaspération saoudienne qui a donné un
coup de pied dans la fourmilière libanaise la privant de son
gouvernement pour précipiter la chute du Hezbollah, qui concentre sur
lui toutes les attaques, en sa fonction de perturbateur du jeu
politique libanais. On est stupéfait de découvrir qu’un président
chrétien remet à une milice chiite armée, donc illégale, les clés du
camion, si l’on ose dire. Il imagine une attaque israélienne
hypothétique et remet sa défense entre les mains des chiites.
Or, lors de la pacification de la vie politique libanaise, toutes les
milices avaient remis leurs armes aux autorités, hormis le Hezbollah
qui a même menacé d’user de la force armée si l’on voulait le désarmer
de force…
A quoi sert l’armée libanaise ? Là à nouveau, nous retrouvons
l’Arabie. L’analyse de cette dernière est la suivante : l’armée
libanaise doit être rééquipée, car elle n’a pas la parité avec la
milice qui défie le pouvoir. Les Saoudiens ont donc accepté de payer
la facture de gros contrats d’armement français au bénéfice des
Libanais afin que les soldats du pays du Cèdre puissent se mesurer à
la milice chiite qui nargue tout le monde et peut déclencher le chaos
du jour au lendemain.
Mais quel pays pourrait bien vivre avec cette épée de Damoclès
au-dessus de sa tête ? Aucun. D’autant que les Saoudiens ont décidé
d’extirper la main mise iranienne sur le Liban. Et cela n’augure rien
de bon.
Ce qui frappe, par ailleurs, l’observateur attentif, c’est la montée
en puissance de Poutine au Proche Orient et l’évanescence de Trump. On
se défend mal de l’impression que les USA ne s’intéressent plus au
Proche Orient ni au monde arabe. C’est l’Asie et ses énormes marchés
qui retient toute leur attention.
Mais un autre foyer se déclare au Liban et le Hezbollah, condamné
avant hier par la Ligue arabe comme mouvement terroriste, est la cible
de toutes les critiques et de toutes les attaques. Une majorité de
Libanais refuse de se voir entraîner dans une guette qui n’est pas la
leur. Ils demandent l’exécution d’une résolution de l’ONU exigeant le
désarmement du Hezbollah que l’Iran alimente en armes et en munitions.
Décidément, l’Orient nous étonnera toujours.
Le général Aoun s’est entretenu avec son premier ministre
démissionnaire et l’a convaincu de suspendre sa démission. Une
manœuvre se cache là-derrière : si le Hezbollah est acculé par
d’autres que par le président Aoun, celui-ci pourra sauver son
gouvernement, sa tête et celle de son Premier Ministre. Mais ce n’est
pas sûr, car les astuces ne durent jamais très longtemps…
L’heure décisive approche à grands pas car Hariri exigera, pour rester
en poste, des changements importants. Et qui dit que ses ennemis ne
recourront pas à la même méthode qui a définitivement neutralisé son
père Rafic ?
Golda Méir avait raison : Le Moyen Orient est un endroit dangereux,
parmi les plus instables du monde.