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Vu de la place Victor-Hugo - Page 434

  • Nicolas Sarkozy / «L’insupportable culpabilisation des Européens et des Français.»

    Nicolas Sarkozy / «L’insupportable culpabilisation des Européens et des Français.»

    Cette phrase est tirée d’un article du Figaro de cette semaine. Elle dénote une prise de conscience, elle marque un éveil à une certaine réalité : la chute du moral des Européens, insatisfaits de leur histoire, de leur civilisation et de leur religion… Une sorte de haine de soi généralisée, dont Théodore Lessing a lancé l’idée en 1939 dans un ouvrage qui a fait date et qui fut traduit et réédité maintes fois chez Pocket.

    La haine de soi est avant tout l’expression exacerbée d’un violent et profond malaise. Un mal-vivre, une honte face à son histoire et à son identité. Ce sentiment gagne non seulement la France (mais si elle est plus atteinte que d’autres) mais l’ensemble des pays de l’Union Européenne.

    C’est aussi un malaise identitaire, j’ai presque envie de rependre le titre du fameux livre de S. Freud, Das Unbehagen in der Kultur, que tous les lycées de France et de Navarre ont lu et tenté de comprendre en classe terminale. Mais aujourd’hui, le mal est autrement plus grave et les hommes politiques, même les mieux armés et les plus expérimentés peinent à apporter des réponse car il y a un décalage entre la course effrénée après le confort et l’aisance matériels, d’une part, et l’éclairage spirituel ou religieux, d’autre part. Le résultat ne s’est pas fait attendre : dès que la crise économique a renforcé son emprise sur des continents entiers et que le chômage est devenu endémique, les hommes et les femmes sont soudain découvert la vacuité de leur existence et la nudité de leur âme. Pendant des décennies on ne s’est pas une seule seconde occupé de cette âme, celle de chaque individu, celle du monde, (Weltseele), celle de l’Europe. Confrontées à ce malheur, les populations européennes se sont mises à détricoter leur passé, elles l’ont récusé, rejeté sans discernement, créant sous leurs pieds un abîme dans lequel elles sombrent depuis des décennies.

    L’ancien chef de l’Etat n’a pas tort de parler de l’insupportable processus de culpabilisation des hommes de notre continent. On oublie souvent tout le bien qui est sorti de l’Europe, même si l’esclavage et la Shoah constituent un inamovible et impérissable signe d’infamie, la flétrissure sur le front de Caïn.

    Aucun autre continent n’a autant fait de découvertes ni produit autant d’œuvres de l’esprit. Et aujourd’hui, face à un afflux inconsidéré de réfugiés (les vrais et les faux), l’Europe renvoie d’elle-même une image comme d’un miroir brisé. Certes, la générosité, la solidarité avec nos frères humains sont des devoirs sacrés, mais à l’impossible nul n’est tenu. Certains observateurs intelligents ont récemment fait remarquer qu’en recevant tous ces réfugiés dès aujourd’hui, on se prive des places pour les sans abris de l’hiver prochain. Verra t on d’ici deux ou trois mois des hordes de réfugiés hanter les rues de Paris, étalant leur misère devant la presse du monde entier ?

    Pourquoi donc les riches monarchies pétrolières du Golfe n’acceptent elles pas chez elles des réfugiés alors que l’Europe le fait ?

    Voilà au moins une raison d’être fier de son passé et de son avenir, et de les assumer pleinement.

  • Les migrants aux portes de l’Europe

    Les migrants aux portes de l’Europe

    On ne s’en rend pas vraiment compte mais l’Europe fait, depuis quelques mois face à une véritable crise de civilisation : on se demande ce que sont devenues les valeurs judéo-chrétiennes fondatrices de son identité, de son essence et de sa vocation, trois termes qui perdent chaque jour que D- fait un peu plus de leur contenu

    Je ne cède jamais au pessimisme ni au découragement, mais les scènes de guerre transmises depuis la frontière serbo-hongroises demeureront à jamais gravées dans nos mémoires : des centaines, voire des milliers d’hommes, de femmes (parfois enceintes), et d’enfants, agrippées aux barrières en acier de la frontière, ne reculant que devant les tirs de grenades lacrymogènes et les jets de canon à eau. Loin de moi l’idée de condamner les Hongrois ou leur conception très singulière de la solidarité européenne ou simplement humaine, mais tout juste sept décennies après le cataclysme de la seconde guerre, on voit ressurgir le spectre des personnes déplacées avec ses interminables cortèges d’êtres humaines ballottés d’un endroit à l’autre…

    Je sais bien que nos moyens ne nous permettent plus d’accueillir tout le monde, je ne répéterai pas, à mon tour, la phrase de cet ancien Premier Ministre socialiste de la France qui a fait florès, mais on est en droit de demander, voire d’exiger, un minimum d’homogénéité dans les réactions des pays de l’Union.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que la chancelière allemande, fille de pasteur, n’a pas vraiment mesuré la portée de son geste : cet appel à l’exode a précipité vers nos frontières extérieures, même des gens qui ne songeaient guère au départ… Le résultat ne s’est pas fait attendre : une submersion et le rétablissement du contrôle aux frontières…

    Il n’empêche : en dépit des arrière-pensées qui sont étrangères au désintéressement et à une générosité gratuite, le geste est moins critiquable que ces images de migrants ensanglantés, respirant difficilement en raison du gaz ou des canons à eau…

    Ces images étaient insoutenables. Mais ce n’est pas tout ! Ce matin, vers cinq heures, alors que j’étais tout heureux de m’écouter sur France Inter, ma satisfaction s’est évanouie en apprenant sur BFM Tv que l’on refuse d’admettre à la cantine de certains établissements scolaires des enfants dont les parents ne travaillent pas, sont des chômeurs pour parler clairement. Mais c’est abject, tous les enfants sur le territoire doivent pouvoir manger à leur faim, quelles que soient leur religion et leur couleur de peau.

    Mais où allons nous ? On a l’impression de s’enfoncer chaque jour un peu plus dans la déraison, de tourner le dos aux valeurs qui soutiennent nos sociétés occidentales … Peut-être devrions relire des passages de la Bible hébraïque ou des Evangiles pour voir comment on en est arrivé là. Nous sommes menacés par une forme de néo-paganisme qui se nourrit de considérations mercantiles. On a vraiment besoin d’une urgente re-judéo-christianisation de l’Europe.

    La conscience morale de l’Europe est abîmée, il faut la restaurer au plus vite. Et, croyez moi, cela prendra bien plus de temps que l’inversion de la courbe du chômage.

    MRH in Tribune de Genève du jeudi 17 septembre 2015

  • Les insaisissables subtilités de la diplomatie française

    Les insaisissables subtilités de la diplomatie française

    C’est acté, c’est décidé, l’armée de l’air française va attaquer l’Etat Islamique en Syrie, contrairement à la stratégie préalablement adoptée par le chef de l’Etat. Il faut remarquer un certain nombre de paradoxes savoureux dont se nourrit cette diplomatie. Ce n’est pas du persiflage, mais une nouvelle fois, plutôt la preuve que les outils ou les moyens de cette puissance moyenne qu’est devenue la France ne sont guère adaptés aux ambitions internationales qu’elle affiche.

    On se souvient de la décision du président Fr. Hollande de s’en prendre au régime syrien et de bombarder le quartier général des forces loyalistes syriennes. Et le Président Obama, à la dernière minute, avait contraint la France à stopper net ses plans d’attaque .

    C’est la preuve que les puissances occidentales ne peuvent rien faire dans aucune partie du monde sans l’aval des USA. Ils sont les plus forts et exercent le leadership mondial. B. Obama l’a rappelé sans ménagement à l’aide d’une métaphore dont ses compatriotes sont assez friands : ce n’est pas parce que nous avons le plus gros marteau que tous les problèmes qui se posent à nous sont des clous… En d’autres termes, c’est à nous de décider quand et où nous devons et voulons frapper !

    Si l’on compare les frappes françaises à celles des Américains (que l’on se rassure, aucune ne mettra l’E.I. à genoux), la disproportion est indéniable… Mais ce qui est assez amusant, c’est d’entendre le Premier Ministre insister sur l’indépendance de la décision française. Après tout, un peu de cette ancienne phraséologie gaulliste ( l’indépendance nationale, une certaine idée de la France) ne peut pas faire de mal dans un vieux pays où le sentiment anti-américain n’a pas entièrement disparu.

    Là, par contre où l’on se pince le nez pour s’assurer qu’on ne rêve pas, c’est quand on entend Manuel Valls dire que l’on n’est pas l’ami du régime syrien, que Bachar est le boucher de son peuple, etc… etc…

    Certes, ce monstre barbare n’est pas notre ami ; mais si  la France effectue des frappes sur les territoire syrien, un minimum de coordination avec les troupes syriennes est indispensable, incontournable. Je ne dis pas qu’on va soutenir Bachar mais inéluctablement, objectivement parlant, on lui donne un coup de main car son armée, réduite à la portion congrue, est à bout de souffle et que, pour prévenir l’effondrement du régime, V. Poutine a envoyé de substantiels renforts.

    La situation est très complexe. C’est vraiment choisir entre la peste et le choléra. Mais cela évoque une situation qui s’était présentée au cours de la seconde guerre mondiale : David Gourion, le leader historique du sionisme en Palestine mandataire, fut confronté à un dilemme semblable : d’une part, les Nazis qui effectuaient un génocide des Juifs d’Europe alors que les Britanniques, puissance mandataire, interdisaient l’entrée des Juifs dans leur patrie ancestrale…

    Que faire ? Voici ce qu’à dit Ben Gourion : tant que la guerre sévit en Europe, nous sommes aux côtés des Britanniques contre les Nazis qui exterminent nos frères. Quand la bête immonde sera vaincue, nous nous occuperons des Britanniques qui empêchent nos frères rescapés du génocide d’entrer en Terre promise…

    C’est exactement ce qu’il faut faire dans le cas de la Syrie : Daesh menace le monde dans son ensemble, et donc aussi la France. Il faut s’allier, même au diable, pour le vaincre. Une fois le danger écarté, il faudra stabiliser la Syrie, laquelle ne ressemblera plus à celle de Bachar ; on voir mal le boucher de Damas reprendre la main pour continuer à tyranniser son peuple.

    Mais de grâce que le gouvernement français cesse de nier les évidences. On ne peut pas intervenir dans le ciel syrien, sans au moins l’aval des Russes ou des généraux de Bachar…

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du  16 septembre 2015