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Vu de la place Victor-Hugo - Page 435

  • La Russie a mis les USA hors jeu en Syrie

     

     

    La diplomatie russe a mis Obama hors jeu en Syrie

    Après l’offensive militaire sur le terrain, c’est au tour de l’offensive diplomatique de prendre le relais. On a eu peine à y croire lorsque le ministre Lavrov a indiqué que son pays était prêt à coopérer avec l’opposition dite modérée syrienne, en d’autres termes avec l’Armée syrienne libre. Quel grand écart, mais aussi quel esprit génial, quelle initiative heureuse, dans la mesure toutefois, où il ne s’agit pas d’un ballon d’essai mais d’une volonté profonde de rebattre les  cartes en Syrie. L’initiative russe a eu plusieurs volets. Il y eut d’abord ce voyage surprise d’Assad en Russie. Mais ce voyage ne constituait que le prélude à un train de mesures et de propositions à venir. Le maître du Kremlin voulait imposer ses vues à un dictateur esseulé, à bout de souffle et en somme contraint d’en passer par où son maître et protecteur voulait. Les Russes veulent voir si Bachar a le même sentiment qu’eux : on élimine Daesh mais une fois le travail de salubrité sécuritaire accompli, on organise des élections à la fois législatives et présidentielles. Les Russes ont montré une nouvelle fois qu’ils ne se laissent pas paralyser par des alliés encombrants. Ils ne se laissent pas dicter leur loi, ils ne s’enlisent pas sur place et en moins d’un mois ils ont entièrement changé la situation sur le terrain, même si les Occidentaux et les monarchies pétrolières ont soudain déversé des milliers de missiles Tow dans les rangs de leurs alliés, permettant à ces derniers de ralentir sérieusement l’avancée des troupes loyalistes. Si les choses avancent comme prévu, l’ASL, Bachar et les Russes vont se retrouver du même côté, avec les Iraniens et le Hezbollah libanais, deux forces qui ont subi de lourdes pertes en Syrie. Dans quelques mois, il y aura sûrement une vaste offensive combinée de ces nouveaux alliés pour reconquérir Rakka en Syrie et Mossoul en Irak, deux grandes villes occupées par Daesh. Et tout cela grâce aux Russes dont l’aviation a fait des prodiges. Mais ces succès font face à l’inaptitude et à l’ineptie du président Obama qui s’est laissé mettre hors jeu par une diplomatie russe particulièrement souple et pleine de ressources.. Nous allons vivre un paradoxe dans les prochains mois ; les réfugiés ne seront plus aussi nombreux à affluer en Europe puisque la Syrie deviendra un pu plus sûre. Et cela grâce aux Russes. Du jamais vu : Poutine qui vole au secours de l’Union Européenne, cette même UE qui lui a infligé des sanctions, a refusé de lui vendre les mistrals, etc…

    Vivement l’élection présidentielle aux USA et le départ tant attendu de Barack Obama.

  • Est ce bien l’ancien Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini qui a soufflé à Hitler l’idée de la solution finale ?

     

     

    Est ce bien l’ancien Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini qui a soufflé à Hitler l’idée de la solution finale ?

    J’avais déjà entendu dire cette légende ou bien cet apocryphe célèbre lors d’un précédent séjour en Israël, bien avant que n’éclatent les troubles qui agitent depuis presque un mois les villes et les villages de l’Etat juif. Je n’y avais pas accordé une grande importance, jugeant que l’affaire était trop complexe et que l’apparence de la vérité n’est pas la vérité. Surtout quand il s’agit de vérité historique. Or pour qu’il s’agisse d’une vérité historique, c’est-à-dire quelque chose qui ne soit ni une légende ni une rumeur, il faut des preuves. Et les preuves dans ce cas précis, on n’en a pas, même si cette absence de preuves ne saurait innocenter un mufti qui ne portait pas les Juifs dans son cœur, avait rencontré Adolf Hitler,  faisait le salut nazi et avait lancé un appel aux musulmans de l’ancienne Yougoslavie pour qu’ils s’enrôlent dans les rangs des SS… Même si ce Mufti de Jérusalem n’a peut-être pas soufflé à Hitler l’idée de la solution finale, décidée, je le rappelle, à la conférence de Wannsee, dans la banlieue de Berlin, il ne concevait pas pour les fils d’Israël des sentiments très amicaux. Ses discours enflammés le prouvent largement.

    Pourquoi la presse israélienne revient elle avec une incroyable insistance sur cette filiation qui ne laisse pas d’être scandaleuse, voire horrible ? La réponse est évidente : le premier ministre Benjamin Netanyahou a fait état d’une telle filiation expliquant l’existence de la Shoah par un conseil prodigué par l’ancien Mufti à Hitler. On a fait à Benjamin un procès qui n’a pas lieu d’être ; contrairement à son père, l’éminent professeur Benzion Netanyahou qui fut un grand historien de la philosophie juive (son livre sur Isaac Abrabanel est et demeure excellent), le Premier Ministre d’Israël n’a pas reçu une formation rigoureuse en, science historique. Il a instrumentalisé un fait, l’antisémitisme viscéral du vieux Mufti pour condamner ce qui se passe aujourd’hui où, reconnaissons le, des Palestiniens de Cisjordanie, mais, fait plus grave, des Arabes israéliens, poignardent à tout va le premier Juif qui a le malheur de croiser leur route. Benjamin Netanyahou a donc voulu faire d’une pierre deux coups : d’une part, rappeler que certains Arabes ne sont pas seulement antisionistes mais avant tout des antisémites habités d’une haine recuite à l’égard de tout ce qui évoque, de près ou de loin, le judaïsme, et d’autre part, justifier, par là même, qu’Israël a le droit de se défendre contre des assaillants qui, selon lui, poursuivent le même programme que leur zélé inspirateur, mort, sans être inquiété à Beyrouth, au début des années soixante-dix…

    Certes, sans donner de conseil au premier ministre, il faut admettre qu’il a un peu forcé le trait, donnant ainsi à la presse, même celle qui le soutient généralement, des verges pour le battre.

    L’ancien Mufti n’était pas un saint homme et quand on fréquente Hitler, qu’on s’installe dans le Berlin de la seconde guerre mondiale, qu’on lance des appels en faveur du nazisme, on n’est pas vraiment un homme moralement recommandable. Mais je ne vois toujours pas comment un homme comme Hitler qui détestait les Arabes un tout petit peu moins que les Juifs serait venu prendre conseil chez ce Mufti dont les vues stratégiques et les analyses politico-militaires n’ont pas laissé de trace impérissable ni révolutionné la pensée.

    Donc, Benjamin n’aurait pas dû forcer le trait, mais il l’a fait, car cela fait partie de son plan pour réprimer ce qui ressemble aujourd’hui à un véritable soulèvement. Toutefois, cet épiphénomène ne doit pas nous faire oublier le fond du sujet : il faut absolument éviter que les troubles actuels ne dégénèrent en conflit religieux. La liberté de culte règne à Jérusalem depuis que l’Etat juif a repris le contrôle de la ville sainte dont les Juifs avaient été chassés depuis deux millénaires. Tous les fils d’Abraham doivent pouvoir prier en paix, chacun à sa manière, sans restriction aucune, mais aussi dans le calme et le respect des autres.

    D’ici là, Benjamin pourra toujours préparer un doctorat en histoire. L’université hébraïque de Jérusalem est l’une des meilleures universités au monde. Il pourra ainsi se faire un prénom comme son défunt père (ZaL), mais cette fois en philosophie politique…

    Maurice-Ruben HAYOUN  in Tribune de Genève du 24 octobre 2015

  • Le rapport Khrouchtchev, traduction intégrale annotée par Jean-Jacques Marie, Seuil 2015

    Le rapport Khrouchtchev, traduction intégrale annotée par Jean-Jacques Marie, Seuil 2015

    Tout le monde a entendu parler du fameux rapport secret de Khrouchtchev sur les crimes et les déviations de Staline. Ce rapport fut présenté devant le XXe congrès du parti communiste de l’Union soviétique. Les péripéties qui entourèrent sa divulgation relèvent du roman policier ou d’espionnage. Aujourd’hui, nous disposons d’une traduction annotée procurée par un éminent spécialiste de la question. Dans sa longue introducteur, Jean-Jacques Marie situe bien la naissance de ce rapport, éclaire convenablement les enjeux et montre combien Staline, dans l’indifférence mais aussi la crainte générale, a pu faire ce qu’il voulait, décimant les rangs de la haute hiérarchie militaire et des cadres du parti qui étaient tous, pourtant, de bons communistes et des patriotes sincères. K. émailla son rapport de mentions du style : nos camarades injustement accusés ont été réhabilités depuis… Parlant souvent en présence de survivants aux purges, lorsque Staline fut surpris par la mort qui l’empêcha de faire exécuter d’autres innocents.

    Quand on lit ce rapport le crayon à la main, on est littéralement stupéfait. Deux griefs fondamentaux sont opposés à Staline : le culte de la personnalité et les abus de pouvoir dus à une incroyable personnalisation. Une seule réserve : l’auteur de rapport avait lui aussi des relations étroites avec le  défunt dictateur et s’était bien gardé de le critiquer. Il faut dire que s’il s’y était hasardé, il aurait subi le même sort que des milliers, voire des centaines  de milliers de cadres ou de simples citoyens innocents dont le seul crime fut de ne pas partager les opinions de l’ancien maître du Kremlin.

    Tout au long de cet interminable rapport, K. s’est fait l’implacable censeur de son ancien patron, montrant que même Lénine, conscient des défauts de Staline, avait commencé à manœuvrer afin de l’éloigner du poste de secrétaire général du parti. On voit aussi que la propre épouse de Lénine s’est plainte de l’incorrection de Staline à son égard. Lénine lui avait même envoyé une lettre à ce sujet.

    En plus des purges, des exécutions de masse, des déportations de peuples entiers et de la fabrication d’affaires (celle de Leningrad, celle des médecins saboteurs, etc…) qui se terminaient généralement par des condamnations à la peine capitale, K dénonce les erreurs stratégiques de Staline qui ont coûté à l’armée rouge des centaines de milliers de morts. L’auteur du rapport rappelle une anecdote historique personnelle : pour éviter que des corps entiers d’armée ne soient encerclés par les envahisseurs nazis, K et les généraux demandent à Staline de changer de tactique et de ne plus se livrer à ces attaques frontales coûteuses en vies humaines et de surcroît peu efficaces. Staline refuse de les suivre, causant ainsi la destruction d’une large part du potentiel militaire soviétique. Et lorsque Hitler commence à envahir le territoire de l’URS, Staline refuse de bouger, arguant qu’il s’agissait d’actes d’unités indisciplinées, désireuses d’en découdre avec l’ennemi bolchévique.

    On pourrait multiplier les exemples. Mais un détail, des plus savoureux, mérite d’être relevé ici. Lorsque le rapport de K. commença à être connu, les communistes purs et durs, notamment les staliniens français ne pouvaient pas croire que leur idole n’avait été qu’un tyran sanguinaire ayant assuré lui-même sa propre promotion et sa publicité. Ainsi du bureau politique du PCF qui parla de la publication par la presse bourgeoise d’un rapport attribué au camarade Khrouchtchev… (p 54 in fine).

    Ce qui se passe de commentaire.

    Maurice-Ruben HAYOUN in Tribune de Genève du 23 octobre 2015