Das neue Denken de Franz ROSENZWEIG
Le nouveau Penser :
Quelques compléments à «l’Etoile de la rédemption»
Remarque préliminaire de l’éditeur : Cette contribution de Franz Rosenzweig est partie intégrante de ce qu’il y a d’essentiellement nouveau et de vraiment décisif, d’un point de vue spirituel, et l’un des devoirs de ce périodique est de le faire connaître. Cela mettra donc un terme aux réserves parvenues à mes oreilles et émises, par ci, par là, et selon lesquelles « ce livre est trop difficile». « L’étoile de la rédemption» dont traite cet article fait partie de ces rares ouvrages appelés à donner une impulsion à la spéculation philosophique. Tout le monde est loin d’aimer ou de supporter une telle poussée. Mais les lecteurs de ce périodique, et nous savons qu’ils ne sont pas peu nombreux et qu’ils refusent de se désintéresser de ces questions qui hantent l’humanité depuis toujours, en tireront un grand profit, notamment en accordant à ce sujet l’attention qu’il mérite : par voie de conséquence, ils jetteront un autre regard sur «L’étoile de la rédemption». Les difficultés rencontrées dans l’élucidation de cette œuvre s’expliquent par la volonté de l’auteur de s’abstenir de toute polémique qui aurait révélé l’aspect novateur de cette œuvre et, par dessus tout, ce qui la distingue de ce qui existait précédemment. Et pourtant, conformément au jugement de Goethe, «toute œuvre philosophique est parcourue par un fil polémique, si ténu soit-il.» L’article qu’on va lire cherche à donner à ce fil une plus grande visibilité.
L’étoile de la rédemption fut publiée en son temps sans préface. J’en ai été dissuadé par les séquelles de ce caquètement après la ponte de l’œuf et l’attitude humiliante, voire incorrecte de certains à l’égard d’un lecteur qui n’avait encore rien fait, ni même pu entamer la lecture du livre. Nul, pas même le paisible Kant, n’a pu échapper à ce danger, sans parler de ses bruyants successeurs, Schopenhauer y compris. Les pages suivantes ne cherchent pas à rattraper une erreur que j’ai été bien inspiré de commettre jadis ; elles ne seront jamais imprimées ni au début ni à la fin de cet ouvrage. Elle se veulent simplement une réponse à l’écho suscité par la parution de ce livre il y a maintenant quatre ans. Je ne répondrai pas à ceux qui l’on rejeté car ce n’est pas mon affaire. En revanche, je répondrai à l’écho positif que mon ouvrage a trouvé. Car là où l’on vous a fermé la porte au nez, vous n’avez rien perdu. Mais là où l’on vous a accueilli en ami et avec les honneurs, vous pouvez, voire même vous devez, suivant les règles de la bienséance, vous révéler sous votre vrai jour, au moment adéquat, après avoir bénéficié durant un temps de cette approche conventionnelle qui finit par prendre une forme plus hospitalière : survient alors l’instant critique où ce qui était conventionnel devient plus personnel, ou ne le devient pas. Il faut être pleinement conscient du fait que cet inéluctable moment de vérité met en jeu toutes ces agréables relations sociales, savourées jusqu’ici, sans poser la moindre question.
Si je fais abstraction du petit cercle d’auteurs qui auraient pu le rédiger aussi bien voire mieux que moi, l’accueil dont ce livre a bénéficié, s’explique vraiment par cette «confusion» sociale intégrale. Il a été acheté, et chose plus inquiétante, il fut lu en tant que «livre juif». Non lu, ou pire encore comme nous l’avons relevé, quand il fut lu, il passa pour le livre de cette frange de la jeunesse juive en gésine de l’ancienne loi, de différentes façons. Personnellement, cela ne me pose pas de problème. Les pharisiens du Talmud et les saints de l’Eglise en avaient pleinement conscience : l’entendement de l’homme a le même rayon d’action que son agir, et cela vaut aussi pour se faire comprendre : ceci est tout à l’honneur de l’humanité. Mais un tel préjugé a suscité chez les lecteurs des difficultés dont on aurait pu faire l’économie et chez les acheteurs une déception superflue. Les pages suivantes aimeraient alléger les difficultés rencontrées par les lecteurs et aussi amoindrir la déception des acheteurs qui s’imaginaient avoir fait l’acquisition d’un beau livre juif mais qui, à l’instar d’un de nos tout premiers critiques, durent constater « qu’il n’était pas destiné à l’usage quotidien des membres de toutes les familles juives.» Je ne saurai mieux définir «L’étoile de la rédemption» que ce critique qui a dit de manière lapidaire : ce livre n’a vraiment pas été conçu pour l’usage quotidien de tous les membres de chaque famille juive. Ce n’est absolument pas un «livre juif», en tout cas pas selon l’idée que s’en font ces acheteurs juifs qui m’en ont terriblement voulu. Certes, cet ouvrage traite du judaïsme mais guère plus que du christianisme ou de l’islam. Il n’a même pas la prétention d’être une sorte de philosophie de la religion. Et comment aurait il pu l’être alors que le terme religion n’y connaît pas d’occurrence. Il se veut un simple système de philosophie.