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Vu de la place Victor-Hugo - Page 576

  • Les prisons, école du radicalisme islamiste?

     

    Les prisons, école du radicalisme islamiste ?

    L’administration pénitentiaire le savait depuis bien longtemps et l’avait signalé en bonne et due forme aux autorités qui avaient temporisé et comme d’habitude, fini par ne rien faire. Aujourd’hui, le drame sanglant de Bruxelles nous met tous devant nos responsabilités : il faut agir contre ce fléau, on ne peut plus attendre.

    Les témoignages d’anciens détenus sont éloquents, on a pu les suivre ce matin  sur I-Télé : les appels à la prière, les emprunts de livres séditieux dans les bibliothèques carcérales, sans même parler des cybercafés où l’on peut consulter des sites exhibant des décapitations ou donnant les recettes pour fabriquer une bombe et commettre des attentats.

    On se souvient que le sinistre Mohammed Mera avait soulevé l’indignation d’une mère musulmane de Toulouse au motif qu’il avait contraint son enfant à visionner avec lui des scènes atroces sur internet. Le jeune garçon s’en était plaint à sa mère qui avait adressé maintes mises en garde à Mera…

    Que faire ? Faut il interdire les prières collectives ? Faut il mettre à l’isolement les meneurs ? Faut il donner plus d’instructions aux aumôniers musulmans des prisons ?

    Un député de l’UMP, ancien directeur adjoint du ministère  de l’intérieur du temps de Nicolas Sarkozy a déposé un projet de loi pour lutter contre ce fléau qui représente un danger réel. Il prévoit le blocage d’accès à de tels sites. Sera-ce suffisant ? Il est permis d’en douter. C’est toute une politique qu’il faut revoir et s’attacher à ce seul point nodal dont tout le mal découle : pourquoi ces jeunes musulmans qui basculent dans la délinquance croient ils trouver en ce terrorisme islamique la panacée, la réponse à tous leurs problèmes ? Pourquoi se détournent ils si entièrement de la socio-culture française qui leur a tout donné sur le sol de France ?

    J’en ai personnellement une petite idée mais il semble que les postulats des pouvoirs publics s’enracinent dans des approches qui ne sont pas en adéquation avec le mal dont souffre le pays. Certes, une large portion de la population française est encore animée par des clichés et des préjugés. Et trois fois hélas, cette attitude ne facilite pas les choses. Il y a ce quasi confinement dans des banlieues reculées, éloignées de tout où le seul moyen de gagner  sa vie est l’économie souterraine qui parvient à attirer même des enfants de moins de 15 ans !

    Cette absence d’intégration favorise l’apparition d’une quantité de phantasmes puisque les seules institutions de la République avec lesquelles ces gens sont en contact sont soit les bureaux de pôle emploi soit l’administration pénitentiaire et la justice. Quand vous vous trouvez dans une telle situation, vous devenez une proie facile pour le premier prédicateur venu qui n’a aucun mal à vous convaincre que vous êtes victime d’une injustice criante, que le salut ne viendra que de Dieu, etc…, du djihad et ainsi de suite.

    L’Etat français tente de combattre ces dérives par des instruments juridiques car nous sommes un Etat de droit. C’est juste et c’est bien, mais il faut aussi aller sur le terrain religieux, théologique et philosophique. Il faut s’en référer à l’islam des Lumières au Moyen Age, avec al-Farabi, Avicenne et Averroès. Il faut faire connaître l’œuvre d’ibn Tufayl qui fut, je le rappelle, le premier, au milieu du XIIe siècle, à avoir fait la critique philosophe des religions révélées. C’est remarquable.

    Mais nous ne devons pas occulter le fait que ces grands philosophes, sincèrement attachés à leurs traditions religieuses, tenaient aussi à la Raison. Mais ils n’eurent plus d’héritiers ni de continuateurs de leur ligne de pensée. Selon le grand islamologue Bernard Lewis, le Moyen Age a fait irruption dans cette culture après les Lumières… En d’autres termes, il y eut un renversement de tendance qui explique en partie la situation actuelle.

    C’est ce défi qu’il convient de relever et malheureusement on n’en prend pas le chemin avec des mesurettes. Pour y parvenir, il faut un consensus national car c’est une affaire qui touche tout le pays.

    Si on ne le fait pas, on se prépare des lendemains difficiles.

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 4 juin 2014

  • Vers un gouvernement mixte Hamas-Fatah?

    Vers un gouvernement d’union nationale Hamas-Fatah ?

    Allons nous vraiment vers un tel gouvernement réunissant dans une même entité les frères ennemis ? Une telle formation est annoncée pour aujourd’hui, mais comme cela arrive habituellement avec de telles organisations proche orientales, il y des obstacles de dernière minute. Quelles sont les chances de viabilité d’un tel gouvernement ? Il suffit de se reporter aux réserves des gouvernements israélien et américain pour répondre à une telle question. Les hommes de Ramallah vivent presque en bonne intelligence avec l’Etat d’Israël qu’ils ont reconnu depuis belle lurette alors que les terroristes du Hamas ne ratent pas une seule occasion de clamer leur volonté d’en finir avec l’entité sioniste, ainsi qu’ils nomment leur puissant voisin..

    Comment donc former un gouvernement à l’aide de membres qui ne sont d’accord sur rien, les uns ont signé des accords que les autres dénoncent avec virulence ? Je sais bien que le Proche Orient est une région du monde où le cartésianisme n’est pas la chose du monde le mieux partagée, mais on espérait qu’après tant d’années de luttes sanglantes on parviendrait enfin à un accord et que même une paix boiteuse serait préférable à la guerre.

    Mais il faut aussi faire la part des choses : les Arabes nous ont habitués à faire le contraire de ce qu’ils disent, afin de sauver la face et de ne pas ruiner leur prestige aux yeux des masses nourries d’antisémitisme et de haine d’Israël. Même le Hamas a besoin d’Israël qui fournit à Gaza de l’électricité, des médicaments, des centraux téléphoniques et tant d’autres choses.. Personnellement, je m’en félicite étant entendu qu’aucun état de guerre permanent ne saurait perdurer indéfiniment. Mais il faut une grande dose d’espoir pour continuer d’y croire.

    Ce qui semble plus préoccupant, c’est l’attitude ambiguë d’une administration US en fin de parcours et à bout de souffle : Barack Obama et sa politique étrangère butent contre leurs limites, l’actuel locataire de la Maison Blanche peine à trouver un second souffle. Il se désengage sur tous les fronts et même ses alliés traditionnels ( Arabie, états arabes modérés) ne lui font plus confiance, sans même parler d’Israël qui attend impatiemment le départ d’Obama et le retour d’un meilleur président US, de préférence issu des rangs républicains. La même crise de confiance prévaut  avec d’autres alliés comme le Japon, la Thaïlande et la Corée du sud… Visiblement, Barack Obama  aura du mal à finir son mandat. Les Républicains lui font la vie dure et s’inquiètent de la perte accrue d’influence des USA dans le monde. Ils ont assisté impuissants à l’attitude incompréhensible de leur président face à Vladimir Poutine qui a osé modifier le tracé des frontières en Europe alors qu’il était intangible depuis la fin de la seconde guerre mondiale… Des sénateurs US ont exprimé leur stupéfaction mais cela n’a rien changé. Il faut dire que depuis la reculade en Syrie, la crédibilité américaine a été sérieusement atteinte.

    Certes, il faut reconnaître que le chaudron syrien peut réserver des surprises et depuis l’attentat sanglant de Bruxelles certains comprennent mieux la réserve des USA : comment frapper Assad si des mouvements terroristes et islamistes devaient prendre sa place et transformer le pays en base de départ pour commettre des méfaits partout dans le monde ?

    Tout ceci est peu rassurant. Espérons que le reste du monde écoutera Israël et adoptera une attitude prudente face à ce gouvernement palestinien dont les douleurs de l’enfantement laissent mal augurer de son efficacité..

    Cela dure depuis tant d’années et tant d’autres choses pourraient être réalisées. Des œuvres de paix, de développement et de coopération.

     

  • En lisant les cahiers d'Albert Camus…

                                      En lisant les caernets d’Albert Camus :

    Si vous parcourez comme je l’ai fait avec un plaisir infini ces différents cahiers d’Albert Camus, réédités par Gallimard, ne manquez pas de lire, en même temps ou aussitôt après, un émouvant texte de souvenirs, rédigé par l’un de ses amis d’Alger, Abel Paul Pitous.. Certes, ce texte qui ne couvre pas plus de quatre vingt dix pages, a sûrement été réécrit par les éditeurs mais cela ne lui a pas fait perdre un zeste de son incontestable sincérité. Il s’agit d’un homme, ayant le même âge que Camus, qui habitait la même rue que lui, qui fut scolarisé dans la même école élémentaire que lui et surtout qui jouait au football avec lui et se livra parfois à des contorsions pour le faire admettre comme gardien de but dans l’équipe d’une école dont il n’était pas l’élève. La vie ou l’intelligence des deux amis de classe et de voisinage finit par les séparer, leurs études les éloignèrent l’un de l’autre lorsque Camus, élève supérieurement doué, alla au lycée et réussit son bac haut la main tandis que le jeune Pitous partit en apprentissage… Mais ils continuèrent de se voir jusqu’au début des années trente.

    Le témoignage de ce condisciple de Camus est assez poignant sans être mièvre et nous fait découvrir le milieu exact où vivait le futur Prix Nobel de littérature. Ce document se présente comme une lettre qu’on envoie à un ami passé à l’éternité mais que l’on n’a pas oublié. Pitous y mêle la nostalgie à l’admiration : on sent un peu de gêne mais jamais de jalousie ni d’envie. On a l’impression qu’il se dit : j’ai durant de longues années partagé la vie d’une sommité, d’une célébrité future de la littérature et pourtant ce jeune garçon si frêle, maladif et dont la famille était aussi miséreuse que la mienne, est devenu une étoile au firmament de la culture mondiale. Avec lui, j’ai joué au football, avec lui j’ai partagé le maigre sandwich que nos mères nous remettaient pour déjeuner… C’était un bon camarade, solidaire, conscient de ses talents sans jamais être arrogant, un ami, un bon camarade.

    Et tout cela en s’adressant à Camus lui-même puisque cette lettre lui est destinée comme un courrier d’outre-tombe. La photo qui orne la couverture du livre nous montre un jeune Camus, à peine âgé de douze ou treize ans, habillé comme les enfants de mineurs dans des corons. A cette différence près qu’à Alger il y avait toujours du soleil, contrairement au nord de la France où le ciel bas et le crachin, quand ce n’est le froid mordant de l’hiver, achèvent de rendre triste une vie déjà bien difficile.

    Les anecdotes vraies sont nombreuses dans ce petit livre. Il en est une qui m’a particulièrement ému : le jeune Pitous doit aller en fin d’après midi après le match de foot à une réunion amicale. A cet effet on lui a acheté un costume tout neuf avec , précise t il, un pantalon long, comme les grands, comme adultes, alors que d’habitude tout ce petit monde circulait en culottes courtes. Je ne sais comment, le beau costume de Pitous est volé dans les vestiaires ou ce qui en tient lieu et il rentre avec ses chaussures crottées à la maison, espérant pouvoir trouver au moins un short ou quelque chose d’équivalent. Et voilà que sa maman avait remis ses deus seuls shorts à la teinturerie (en Algérie, les gens disaient : au dégraissage !). Malheur ! Que faire ? Camus et un autre camarade arrivent et trouvent un Pitous désemparé, en plein désarroi. Mais les deux garçons étaient, eux, bien habillés, endimanchés. Camus propose de suite une solution : nous partons mais nous revenons au plus vite afin de ne pas te laisser seul et pour passer la soirée avec toi. Et voici qu’en un temps record, les deux copains réapparaissent en short, d’un aussi mauvais état que celui de Pitous. Tant de solidarité, tant de dignité même dans un milieu si miséreux.

    Et ce thème de la misère nous servira de transition pour la suite, c’est-à-dire les cahiers dont il faut dire un mot. Tout n’est pas d’un niveau exceptionnel mais on peut relever quelques perles. Il faut aussi souligner la misère noire de la mère de Camus, veuve de guerre, obligée de faire des ménages pour joindre les deux bouts. Mais encore une fois, que de dignité ! Pitous reproduit les échanges avec les oncles de Camus qui étaient des illettrés (l’un des deux était même un ivrogne) et leur discours était incompréhensible, mais que de droiture, que de solidarité, que de soin de leur sœur, la mère de Camus…

    Pitous expliquait dans sa lettre posthume qu’on avait tout pris à ces pauvres gens, tout sauf leur dignité qui était chevillée à leur corps.  Lorsque la mère de Camus relève que leur réduit est si sombre, il lui répond : en hiver, ce sera très triste… Pas de plainte, pas la moindre révolte, pas de remise en cause d’un ordre social si inique, surtout dans une société coloniales.

    Le 21 octobre 1937 (il a déjà 24 ans) Camus se plaint de devoir voyager pauvrement, de se contenter d’un repas par jour, de compter et recompter le peu d’argent qu’il a, etc… Que d’énergie dépensée quand on n’a pas les moyens.

    Voici ce que Camus disait de la politique et des politiques en1937… La crise du politique doit, à mon humble avis, remonter au moins à Platon, le père de la cité parfaite qui n’a jamais existé autrement que dans son cerveau. Les érudits lisent tout ; c’est ainsi qu’en me plongeant dans le premier Carnet d’Albert Camus, j’ai relevé un certain nombre de déclarations intéressantes sur Luther, Kierkegaard, le protestantisme, etc… mais la plus prophétique me semble être celle-ci qui achève de discréditer entièrement la politique et les politiques :

    Chaque fois que j’entends un discours politique, ou que je lis ceux qui nous dirigent, je suis effrayé depuis des années de n’entendre rien qui rende un son humain. Ce sont toujours les mêmes mots qui disent les mêmes mensonges. Et que les hommes s’en accommodent, que la colère du peuple n’ait pas encore brisé les fantoches, j’y vois la preuve que les hommes n’accordent aucune importance à leur gouvernement et qu’ils jouent vraiment, oui, qu’ils jouent avec toute une partie de leur vie et de leurs intérêts soi-)disant vitaux… (Albert Camus, Carnets I Mai 1935-Février 1942, pp 55-56 Gallimard, folio, 2013)

    Cela se passe de commentaire ; on se croirait en mai 2014 !!

    Et voici une autre citation tout aussi éloquente :

    La politique et le sort des hommes sont formés par des hommes sans idéal et sans grandeur Ceux qui ont une grandeur en eux ne font pas de politique. Ainsi de tout. Mais il s’agit maintenant de créer en soi un nouvel homme. Il s’agit que des hommes d’action soient aussi des hommes d’idéal et les poètes industriels. Il s’agit de vivre ses rêves  -- de les agir. Avant, on y renonçait ou s’y perdait. Il faut ne pas s’y perdre et n’y pas renoncer. (Ibid. p 87.

    Quand je pense qu’il écrivait cela en 1937……

    Lorsque la guerre éclate, Camus ne peut pas être mobilisé car il est malade et le conseil de révision le réforme définitivement. Il note un échange avec un lieutenant qui dit textuellement ceci : mais ce petit est très malade, nous ne pouvons pas le prendre. Camus commente ; ce petit a 27 ans et a une vie… Et je sais ce que je veux (p 156)

    Voici ce qu’il écrira le 7 septembre 1939 : Ce monde est écœurant et cette montée universelle de lâcheté, cette dérision du courage, cette contrefaçon de la grandeur, ce dépérissement de l’honneur

    Je ne peux pas ne pas évoquer la visite de Pitous dans le cimetière du petit village de Lourmarin. Il a beau chercher la tombe de son ami, il ne la trouve pas. Jusqu’au moment où il croise un couple qui lui indique une tombe des plus modestes, non surmontée d’une croix. Un Prix Nobel modestement enterré au point qu’on ne trouve pas même son lieu de sépulture. Quelle humilité.

    Camus a souhaité une sépulture correspondante à sa manière de vivre : avec humilité.

    Gloire à sa mémoire, lui dont tous les lycéens de France et de Navarre ont étudié et expliqué les textes.