Romain Rolland (1866-1944) et Stefan Zweig (1881-1942) : deux humanistes face à la barbarie de la première guerre mondiale
Depuis quelques mois on assiste à une sorte de renaissance de ces deux auteurs, jadis liés par une amitié si indéfectible que même les horreurs et les folies de la première guerre mondiale n’ont pas réussi à détacher l’un de l’autre. Et pourtant, les tentations et aussi les occasions de se haïr et de s’entredéchirer n’ont pas manqué. Certes, certains échanges épistolaires entre Rolland et Zweig ne furent pas à l’abri de vives tensions mais les deux hommes ont toujours réussi à le surmonter.
Les maisons d’édition parisiennes semblent s’être donné le mot : Albin Michel vient de publier le premier volume de la correspondance entre Rolland et Zweig ; Gallimard a publié en fascicules distincts de merveilleuses nouvelles de Zweig et une maison, moins grande mais tout aussi talentueuse, Bartillat, vient de faire paraître l’imposant journal de Vézelay (1938-1944) de Rolland, au soir de sa vie. On dispose donc d’un panorama complet de deux intellectuels qui assistent quasi impuissants à la ruine de l’Europe, sombrant dans un abîme de haine et de violence absolument inouïes…
En cette année de centenaire de la guerre de 1914, on se demande comment une telle erreur de jugement et d’appréciation des différents gouvernements, a été possible. Comment deux nations désormais si proches et si fraternelles ont pu s’entredéchirer à ce point… Les journaux intimes ainsi que les correspondances d’hommes célèbres offrent l’opportunité –rare- de découvrir ce qu’ils pensaient vraiment du monde qui les entourait et des événements qu’ils vivaient. Cette remarque s’applique d’autant plus à ces deux hommes qui se faisaient confiance, chérissaient la paix et l’amitié entre leurs deux peuples et ne confondaient jamais patriotisme et nationalisme. Dès la fin de l’année 1914, Rolland rappelle qu’il ne faut pas confondre victoire et valeur. Il publia son célèbre appel Au de la mêlée dans le Journal de Genève le 15 septembre 1914.