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Vu de la place Victor-Hugo - Page 590

  • La béatification de Jean XXIII et de Jean-Paul II, une impossible sainteté dans un monde impur?

    La béatification de Jean XXIII et de Jean-Paul II demain par le pape François : Une impossible sainteté dans un monde devenu impur ?

    Quand on examine, si on en a le temps et les moyens, l’enchaînement des événements qui scandent les jours de notre vie, on ressent parfois quelque étonnement. Le hasard ou la divine Providence (si l’on y croit) confie à d’humaines mains le soin d’introduire des rencontres, des concomitances dont on cherche vainement l’organisateur. Les croyants y voient la main ou le doigt de Dieu (pour parler comme la Bible) tandis que les esprits forts, les philosophes généralement, y discernons ces recoupements qui défient notre esprit sans jamais le conduire à s’en remettre à une intelligence cosmique, préposée au gouvernement de notre bas monde, et dont le mode de fonctionnement nous sera scellé à tout jamais..

    Pour les croyants, la parole divine est l’alpha et l’Omega de ce monde. La Bible, elle-même, présentée comme le réceptacle d’une Révélation, est une lecture théologique de l’Histoire, une Histoire que ne connaît ni ne reconnaît qu’un seul agent, Dieu. On est très loin de la philosophie grecque, et notamment d’Aristote aux yeux duquel l’essence première est un simple Premier moteur, situé à l’extérieur d’un monde qu’il met en mouvement et qui est dépourvu de tout acte volitif. La meilleure preuve de cet enchaînement à la mécanique céleste est le fait qu’Aristote démontre l’existence de ce Premier moteur, non point dans sa Métaphysique, mais dans le livre VIII de sa Physique…… Le message est clair : pas de transcendance, pas d’éthique supra-humaine : tout se passe au sein de notre monde et nulle part ailleurs. Il n y a pas d’au-delà.

    Cet Aristote dont les grands théologiens chrétiens du Moyen Age, d’Albert le Grand à Maître Eckhard, mais aussi juifs (comme Maimonide et ses commentateurs) ont fait le fonds de leur pensée, se situe aux antipodes de la religion, juive ou chrétienne. Et pourtant, les théologiens des trois monothéismes ont tenté de le «convertir» à leurs besoins, de l’instrumentaliser.

    Cet avant-propos est indispensable à mes développements à venir : comment l’Eglise catholique peut-elle songer à béatifier, à déclarer bienheureux, oui à sanctifier des hommes (certes grands serviteurs de Dieu et hommes de foi et de devoir = sans le moindre doute) dans un monde, le nôtre, où la moindre once de sainteté est impossible, tant l’impureté envahit tous ses recoins. Le dernier événement en date qui nous rend conscient de cette perdition, c’est évidemment l’innommable agression dont fut victime une jeune mère de famille dans le métro de Lille, au vu et au su d’autres passagers, sans qu’aucun ne songe à réagir, ne serait ce qu’en tirant la sonnette d’alarme.

    Un monde où un être humain assiste, sans réagir, à l’agression d’un autre être humain ne peut pas connaître, pas même de très loin, la sainteté. Je sais bien que certains lecteurs ici ne goûtent que très modérément mes renvois à la Bible hébraïque ou aux Evangiles, pourtant, dans le cas présent, c’est bien ce qu’impose. On se souvient de la réponse de Caïn, l’assassin de son frère Abel, à la question de Dieu : Suis je le gardien de mon frère (ha-shomer ahi anokhi) ? Mais que voulait-il dire ? Simplement ceci : Seigneur, pourquoi voulez vous que je prenne soin de mon frère ? C’est à vous de le faire, c’est votre travail, pas le mien…  Lorsque Freud s’est penché sur l’injonction biblique contenue dans le livre du Lévitique, tu aimeras ton prochain comme toi-même, il l’a déclarée impossible, irréalisable. Il a dit, en substance, ceci : comment voulez vous que j’aime mon prochain ? Je rêve plutôt de l’occire, de le bannir, de m’en débarrasser par tous les moyens. Exactement ce que fit Caïn avec son frère Abel…

    La nature humaine n’aurait donc rien d’humain. Eh bien, c’est ce paradoxe que le geste du pape François va transcender  ce dimanche : montrer que deux hommes de grand qualité et à la foi parfaite, méritent d’être inscrits dans ce halo de sainteté et de béatitude. C’est l’acte de foi le plus pur, le plus désintéressé, le plus exaltant que je connaisse. Peut-être même, aux yeux de ma religion qui n’est pas le christianisme, une annonce pré-messianique, à caractère supra confessionnelle.

     Qu’un million d’hommes et de femmes se précipitent place Saint-Pierre à Rome pour cet acte d’un autre âge, d’un autre monde, i.e. la béatification, que des millions d’autres suivent cet événement rare à la télévision, voilà une nouvelle que plus personne n’attendait dans le monde impur au sein duquel nous vivons.

    A titre personnel, j’ajouterai ceci : hier soir, à l’invitation de S.E. Madame Wasum-Rainer, Ambassadeur d’Allemagne à Paris, il fut question, en présence des deux ministres allemands des affaires étrangères, (Frank Walter Steinmayer et Laurent Fabius), de l’échec de la diplomatie et des pertes colossales en vies humaines. Rien que du côté français, au moins un million quatre cent mille morts, sans compter les centaines de milliers de mutilés et de blessés des deux bords.

    Pour désigner dans leur langue ce désespoir en l’homme, nos amis allemand disent : wir scheitern am Menschen… Et pourtant, malgré cette crise de confiance en l’Homme, malgré les actes de barbarie qui jalonnent l’histoire de notre monde, l’Eglise catholique a continué d’être la seule à accorder le statut de saint à quelques uns de ses serviteurs. Cela rappelle la notion d’horizon infini de la foi dont parle Sören Kierkegaard dans son livre Craintes et tremblements.

    Il était normal qu’un philosophe qui n’est pas l’un de ses fils mais qui reconnaît l’importance d’un commun héritage avec l’Eglise, lui en rende hommage…

  • Le jeu très dangereux de M. Poutine en Ukraine

    Le jeu très dangereux de M. Poutine en Ukraine

    Il m’est déjà arrivé ici même de souligner que M. Poutine voyait en Barack Obama un homme incapable, indécis, peu courageux et pour tout dire, manquant d’audace. M. Poutine est conscient de la faiblesse de son pays, de sa perte de puissance et d’influence dans le monde. Il sait aussi que l’économie russe est fragile, que le rouble peut perdre beaucoup de sa valeur et que ses amis oligarques ne sont pas dignes de confiance : à la première secousse menaçant leurs intérêts, ils s’expatrieraient avec leurs capitaux, le laissant aux prises avec une population mécontente et agressive au plan politique.

    Mais, en dépit de toutes ces faiblesses, M. Poutine a choisi d’avancer ses pions, de se jouer des Occidentaux en signant un accord mort-né à Genève avec les Occidentaux sur l’Ukraine. Aux frontières orientales de ce pays il a massé des troupes prêtes à agir, si, comme il le dit, ses intérêts vitaux sont menacés. Voilà un prétexte qui ouvre la voie à tous les abus et expose les anciennes républiques à toutes les interventions russes. Et c’est M. Poutine, seul, qui en décidera.

    Si le nouveau Tsar de toutes les Russies se montre aussi arrogant et aussi insatiable, c’est précisément parce qu’il sait qu’Obama est au bout du rouleau, qu’il part dans moins de deux ans, qu’il est faible comme tous les présidents démocrates en politique étrangère et que la Russie a besoin de redorer son blason.

    M. Poutine se dit floué par les Occidentaux car lors des jeux de Sotchi, son représentant avait signé un accord prévoyant le maintien de Yanoukovitch et dès le lendemain, ce dernier a dû fuir son palais de Kiev… Et M. Poutine n’a pas oublié le coup du Kosovo. Il s’est donc vengé en Syrie en mettant son veto et aujourd’hui il menace l’Ukraine de démembrement..

    Le sang a déjà coulé en Ukraine et M. Obama s’est enfin décidé à envoyer une poignée de soldats en Pologne, dans les républiques baltes et ailleurs, lorsque la demande en est faite. Mais ce n’est pas cela qui fera reculer l’ancien agent du KGB. Il faut faire un pont aérien avec Kiev, un peu comme J.F. Kennedy avait  fait pour Berlin.. Même le discours de John Kerry menaçant la Russie fait penser à un tigre en papier…

    Les choses se seraient passées autrement avec un président républicain. D’ailleurs, cette perte d’autorité se manifeste aussi au Proche Orient où les Palestiniens, les Saoudiens et les Egyptiens ne croient plus en M. Obama..

    Mais comment faire pour qu’un nain se hisse au niveau d’un géant ? Comment comparer Obama à un Kennedy ?

  • La fin de l'anarchie palestinienne?

    La fin de l’anarchie palestinienne ?

    Je ne comprends pas très bien l’émoi qui s’est emparé du gouvernement israélien et même de la Maison Blanche après les annonces fracassantes de l’unité des factions palestiniennes. Personnellement, je pense que tout ce qui va en direction de la paix et de l’abandon de la guerre, est un progrès, mais je ne renonce pas à examiner la situation objectivement : cela fait je ne sais combien de tentatives avortées de rapprochement entre les frères ennemis, le Hamas de Gaza rt le Fatah de Ramallah. Après toutes ces années de persécutions réciproques, toutes ces tentatives de médiation effectuées tant par l’Egypte de Hosni Moubarak que par l’Arabie Saoudite, la montagne a toujours accouché d’une souris. Même si l’unité palestinienne devrait, en bonne logique (mais le Proche Orient ne reconnaît pas Descartes et ignore superbement le principe fondamental de la pensée occidentale : le principe de l’identité et de la contradiction. 1 est égal à 1 et 1 n’est pas égal à 2), être un élément positif,  les intérêts et surtout les arrière-pensées sont trop éloignés les uns des autres.

    Vous savez sûrement ce que Jean Genêt disait méchamment de l’Allemagne : j’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il en existe deux…  Il ne faut évidemment pas tenir ce même langage en ce qui concerne les belliqueux voisins d’Israël. Mais la réalité est là et elle est très têtue.

    Voyons objectivement ce qui a poussé les deux frères ennemis à se livrer à cette grande mise en scène si médiatisée. Commençons par le Hamas qui a soigné son effet en prenant de grands airs. J’ai, a t il dit à la télévision, une grande nouvelle pour le peuple palestinien… Mais qu’est ce qui se cache derrière cette annonce ? En fait, pas grand’chose, sinon le constat d’une situation politique, économique et même sécuritaire catastrophique pour le Hamas. Si des élections avaient lieu demain dans la bande de Gaza, le mouvement islamiste les perdrait. Enfin, la manne du Qatar s’est presque tarie et l’Egypte du maréchal Abu l Fatah al Sissi éprouve une méfiance totale pour le Hamas qu’elle soupçonne de déstabiliser le Sinaï et même les rues du Caire où les forces de sécurité subissent des attaques récurrentes. N’oublions pas que l’armée égyptienne a neutralisé la quasi totalité des tunnels reliant Gaza  au pays des pyramides. Il était évident que si une telle situation perdurait, elle serait insupportable pour la population. C’est donc un ballon d’essai, une bouffée d’oxygène que le Hamas recherche, presque désespérément.

    Du côté de Ramallah, Mahmoud Abbas qui n’est pas un nouveau venu en politique et qui n’a plus fréquenté les électeurs depuis près de huit ans ( !) se trouve dans une impasse : d’un côté, le Hamas conteste sa légitimité, de l’autre, il ne parvient pas à arracher à Israël des concessions qu’il s’entête à exiger tout en sachant que l’Etat ne pourra jamais les lui offrir.. Au fond, toute autorité palestinienne n’osera jamais signer un accord digne de ce nom avec l’Etat d’Israël, au motif que les masses arabes, nourries par des siècles d’antijudaïsme, ne le permettront jamais. Du temps du président Clinton, d’énormes concessions avaient été faites à Yasser Arafat qui a usé de tous les artifices pour se dérober. Mis au pied du mur par ses amis avides d’obtenir enfin la paix, il a expliqué que s’il signait aujourd’hui, le lendemain il serait victime des sicaires de son peuple.. Avec Abbas, les choses se présentent autrement mais avec un arrière fond sensiblement équivalent à ce qui se passait il y a une quinzaine d’années.

    Et rien ne semble indiquer que cela va changer. C’est bien dommage. Dans la plupart des milieux extrémistes, on compare (à tort) l’Etat d’Israël au royaume latin de Jérusalem qui, au bout d’un petit siècle d’existence, a fini par disparaître.

    Il n’en sera sûrement pas ainsi pour Israël qui ne cesse de se renforcer, de grandir, face à un camp ennemi divisé, empêtré parfois dans de sanglantes guerres civiles (Syrie, Libye, Tunisie, etc) ou gravement déstabilisé comme l’Egypte. Or, chaque fois que l’on se rend en Israël, on constate un dynamisme et une foi en la vie et en la paix qui me laissent bouche bée … Les immeubles sortent de terre comme des champignons, le pays, à lui seul, dépose bien plus de brevets que tous ses voisins réunis…

    En fait, tous ces pays devraient procéder à un réexamen de leur attitude dans ce conflit qui n’a plus de raison d’être. Les Palestiniens continueront ils de peser si lourdement sur le destin des autres Arabes, au point d’en stopper le développement et d’en déterminer les orientations internationales ? C’est là toute l’erreur, laquelle remonte aux fameux «quatre non» de Khartoum…. Or, le monde a changé depuis ce temps là. Un grand nombre de pays arabes entretiennent, en cachette, des relations de tout type avec l’Etat juif. Même l’Iran des Mollahs ne répugne pas, dans certaines circonstances, à faire des choses avec l’Etat juif…

    En conclusion, il faut souhaiter que les Palestiniens comprennent enfin où se situe leur intérêt bien compris. Mais, franchement, l’unité des factions rivales n’est pas pour demain. Et c’est dommage.

    Avec du ressentiment, on peut tout faire, sauf de la bonne politique internationale.