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Vu de la place Victor-Hugo - Page 614

  • Hannah Arendt et Gershom Scholem, Correspondance (Seuil, Paris, 2013)

    Gershom Scholem et Hannah Arendt : Correspondance

               «Les juifs meurent en Europe et on les enterre comme des chiens.»

                              (Hannah  Arendt à Paris, le 21 octobre 1940, p 22))

     

    Cet ouvrage, attendu depuis un certain temps déjà, renferme un certain nombre de lettres échangées entre deux hautes personnalités du judaïsme allemand, deux êtres qui ont commencé par bien s’entendre, par poursuivre les mêmes objectifs pour ensuite  diverger sur des questions particulièrement graves de l’histoire juive, ancienne ou contemporaine. Le volume se compose de deux parties, la première, la plus étendue renferme les lettres tandis que la seconde contient des textes d’Arendt, notamment sa recension tant attendue par Scholem de ses Major trends in jewish mysticism et des contributions des éditeurs de la version allemande, censées éclairer l’arrière-plan historique et culturel de l’ensemble.

    La première lettre émane de Arendt qui l’écrit depuis Paris où elle se trouve  en mai 1039 ; c’est une femme qui a quitté son pays natal, l’Allemagne, tombée sous la coupe de nazis qui y ont commis les pires exactions contre les juifs et menacent l’ensemble de l’Europe. On y perçoit des doutes sur la symbiose judéo-allemande, mais aussitôt après, le grand souci que les deux intellectuels juifs éprouvent à l’égard d’un troisième compatriote, Walter Benjamin, lui aussi réfugié à Paris où il subsiste tant bien que mal grâce à une maigre subvention de Max Horkheimer, directeur de l’Institut für Sozialforschung de New York. Réfugié en Palestine mandataire depuis 1923, Scholem était très lié à son ami Benjamin qu’il a maintes fois tenté, en vain, d’attirer en Terre sainte, tout comme il avait plaidé en sa faveur auprès de l’éditeur Zalman Schocken sans plus de succès. Quand Scholem apprendra le suicide de son ami à Port Bou, après que l’alcade eut refusé au convoi où se trouvait Benjamin l’entrée en Espagne, sa principale préoccupation sera de réunir les œuvres du disparu et de les publier, en partie ou en totalité. Arendt déploiera aussi, de son côté, de grands efforts, pour atteindre cet objectif. Le dernier grand thème qui occupera de larges espaces dans cette correspondance consiste dans la publication et la recension du grand ouvrage qui allait faire connaître Scholem dans le monde entier, les Major trends in jewish mysticism. Il s’agissait des leçons sur le mysticisme juif, données par Scholem en 1938 à New York. Le beau compte rendu que Arendt finira par rédiger et par publier , figure en annexe dans le présent volume. Nous y reviendrons.

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  • La levée progressive des sanctions contre l'Iran

    La levée progressive des sanctions économiques contre l’Iran..

    Vous connaissez sûrement cette phrase, authentique ou apocryphe, que l’on prête à Lénine : Vous verrez, les capitalistes finiront pas nous vendre la corde avec laquelle nous pourrons les pendre..

    C’est la référence qui s’est imposée à mon esprit en apprenant ce matin tôt que le patronat français, le MEDEF,  envoyait en Iran une imposante délégation de chefs d’entreprises afin de prospecter le marché iranien qui manque de toute et qui a des besoins gigantesques.

    En effet, et malgré les dénégations tonitruantes de l’inénarrable Ahmaninedjad, l’économie iranienne n’est plus que l’ombre d’elle-même et la situation sociale était si alarmante que le Guide suprême de la révolution a permis l’élection de M. Rouhani pour une seule raison : briser l’isolement international insupportable de son pays.  L’inflation est galopante, l’usure monétaire insupportable et les perspectives particulièrement inquiétantes. Si l’on ne faisait rien, le soulèvement populaire était inéluctable.

    Mais comment faire confiance à aux dirigeants actuels de ce pays ? Certes, les échos qui nous reviennent de ce pays donnent les ayatollahs perdants, en perte de vitesse et promis à tomber dans la trappe, les poubelles de l’histoire. C’est un calcul à long terme. C’est probable, mais ils mettront bien quinze ans à disparaître… On précise même que la jeunesse iranienne n’en peut plus et veut vivre à l’américaine.. C’est fort possible, mais quid de l’énergie nucléaire militaire ?

    Mais voilà, les industriels ne se souvient guère  de tout cela, ce qui les intéresse au premier chef ce sont les affaires. Et la situation économique en France est plus qu’alarmante. Récemment, un important préfet me fit remarquer qu’avant les sanctions, l’Iran représentait pour l’industrie automobile française un très important débouché. Or, depuis les incroyables restrictions bancaires, ce marché fut réduit à sa plus simple expression.

    Loin de nous l’idée de porter atteinte à la vie quotidienne des Iraniens, mais il faut absolument que leur gouvernement respecte la légalité internationale. Or, c’est un état voyou qui, dès sa naissance, a pris d’assaut une légation étrangère jouissante de l’extraterritorialité. Du jamais vu.

    Les USA sont à l’origine de ce changement d’attitude vis à vis de l’Iran. Ils s’apprêtent à évacuer l’Afghanistan et veulent le faire sans encombre. Or, ils connaissent la capacité de nuisance de l’Iran qui a une longue frontière commune avec ce pays. Et les services secrets des deux pays ont souvent collaboré, comme le font, d’ailleurs, parfois le Mossad et les services iraniens.

    Mais il faut se garder de faire des affaires sans se préoccuper du reste. Il y a des précédents célèbres dans ce même cas de figure et l’Europe s’en est jadis mordu les doigts.

    Prudence !

  • Israël (Tsahal) soigne les blessés des insurgés syriens

    Israël (Tsahal) soigne les blessés des insurgés syriens

    C’est ce que vous apprendrez si vous lisez un long article publié par le journal Le Monde en date du samedi 1er février, page 4.  Le reporter décrit par le menu une «coopération» entre les voisins ennemis, mais qui ne veut pas dire son nom. On apprend que depuis des mois, les insurgés syriens postent leurs blessés graves au point frontière entre la Syrie et Israël, sur le Golan, à proximité de la ville fantôme de Kuneitra. On les transporte alors à Safed pour y être soignés. Evidemment, les hommes qui sont ainsi remis au bon cœur des médecins de Tsahal ne sont pas porteurs de lettres médicales issues des insurgés syrien, ils demeurent entourés de mystère quant à leur identité, ils ne portent de vêtements militaires ; c’est une sorte de message muet : voyez nos blessés graves, on ne peut plus rien pour eux. Nous sommes pris entre le marteau de Bachar et l’enclume que vous êtes pour nous, en tant que Syrien… Faites au mieux !

    Les médecins colonels de Tsahal, deux hauts gradés druzes, affirment que l’état major de l’armée d’Israël n’ont pas hésite à donner leur accord : il faut sauver des vies et prendre en charge ces blessés risquant l’amputation, voire la gangrène. Certains blessés, soignés par les Israéliens, reviennent lorsqu’un examen complémentaire de leur situation s’impose. D’après le journaliste du Monde, à l’heure actuelle, Tsahal a soigné plus de 600 personnes.

    Des militaires qui s’inspirent d’un principe éthique si élevé, sauver des vies, même celles de soldats d’une armée ennemie, c’est plutôt rare. D’où vient cette tradition humanitaire ?  Tout le monde connaît le contenu du Décalogue où la premier commandement négatif interdit de tuer. Mais il y a aussi dans le Talmud, au moins deux principes qui élargissent le champ d’application de l’interdit d’homicide :

    a)     Qui sauve une vie sauve tout un monde. La loi juive nomme cette démarche pikouah néfésh, elle s’applique même lorsqu’il s’agit de profaner une loi du repos sabbatique. S’il faut transporter un malade grave à l’hôpital ou convoquer un médecin en urgence, aucun interdit ne saurait subsister.  Pas même le jour de Kippour, au cours duquel la spiritualité juive atteint son point culminant. Déjà la législation biblique stipulait dans le Deutéronome le commandement suivant : tu choisiras la vie. Cette culture de vie qui s’oppose à la culture de mort apparaît aussi lorsque le Talmud règle sévèrement le recours au martyre. La vie est le bien le plus précieux, il convient de ne pas la galvauder. Les trois cas où il faut trépasser au lieu de transgresser (yéharég we al ya’avor) sont les suivants : si l’on vous force à répandre du sang d’un innocent, à vous vautrer dans la luxure ou à adorer des idoles… Dans ces trois cas et dans aucun autre, vous devez mourir en martyr.

    b)    Le second principe talmudique s’énonce ainsi (bené Israël rahmaniyim bené rahmaniyim) : les enfants d’Israël sont des miséricordieux fils de miséricordieux, c’est-à-dire que chez eux la compassion est de tradition, remonte à des temps immémoriaux, ils la tiennent de leurs ancêtres, c’est une loi cardinale chez eux. Les lois destinées à l’humanité civilisée, tout juste monothéiste, rescapée du Déluge, les Noachides, contiennent aussi l’interdit de l’homicide. Elles attestent aussi le souci de l’autre, quelle que soient sa couleur de peau, sa religion etc… L’humanité est une et indivisible, la loi morale s’applique à tous, tous peuvent en bénéficier.

    Ce sont ces lois juives qui ont inspiré le haut commandement de Tsahal. Mais la loi juive a aussi connu un prolongement dans l’enseignement de Jésus qui st né et s’est nourri de cette même tradition biblique : l’amour même de l’ennemi. Il ne l’a pas inventée, contrairement à ce qu’on lit ici et là, parfois. Il l’a remise à l’honneur, ce qui n’est pas rien. On retrouve cet amour de l’ennemi, déjà chez de grands prophètes comme Osée, Amos et Isaïe où l’on peut lire que même l’Assyrie et l’Egypte, grands tourmenteurs d’Israël, sont les enfants de Dieu.

    Il est bon de constater que même dans des situations d’une grande violence, on retrouve, de part et d’autre, la surface illimitée de l’humain. Ton sang, poursuit le Talmud, n’est pas plus rouge que le sien. Entendez :  sa vie a exactement la même valeur que la tienne…

     Il y a dans les Ecrits juifs de Hermann Cohen, grand chantre de l’éthique universelle, une belle phrase allemande où il révère tout ce qui porte sur son visage les traits de l’humain (Alles, was Menschenantlitz trägt).