Gershom Scholem et Hannah Arendt : Correspondance
«Les juifs meurent en Europe et on les enterre comme des chiens.»
(Hannah Arendt à Paris, le 21 octobre 1940, p 22))
Cet ouvrage, attendu depuis un certain temps déjà, renferme un certain nombre de lettres échangées entre deux hautes personnalités du judaïsme allemand, deux êtres qui ont commencé par bien s’entendre, par poursuivre les mêmes objectifs pour ensuite diverger sur des questions particulièrement graves de l’histoire juive, ancienne ou contemporaine. Le volume se compose de deux parties, la première, la plus étendue renferme les lettres tandis que la seconde contient des textes d’Arendt, notamment sa recension tant attendue par Scholem de ses Major trends in jewish mysticism et des contributions des éditeurs de la version allemande, censées éclairer l’arrière-plan historique et culturel de l’ensemble.
La première lettre émane de Arendt qui l’écrit depuis Paris où elle se trouve en mai 1039 ; c’est une femme qui a quitté son pays natal, l’Allemagne, tombée sous la coupe de nazis qui y ont commis les pires exactions contre les juifs et menacent l’ensemble de l’Europe. On y perçoit des doutes sur la symbiose judéo-allemande, mais aussitôt après, le grand souci que les deux intellectuels juifs éprouvent à l’égard d’un troisième compatriote, Walter Benjamin, lui aussi réfugié à Paris où il subsiste tant bien que mal grâce à une maigre subvention de Max Horkheimer, directeur de l’Institut für Sozialforschung de New York. Réfugié en Palestine mandataire depuis 1923, Scholem était très lié à son ami Benjamin qu’il a maintes fois tenté, en vain, d’attirer en Terre sainte, tout comme il avait plaidé en sa faveur auprès de l’éditeur Zalman Schocken sans plus de succès. Quand Scholem apprendra le suicide de son ami à Port Bou, après que l’alcade eut refusé au convoi où se trouvait Benjamin l’entrée en Espagne, sa principale préoccupation sera de réunir les œuvres du disparu et de les publier, en partie ou en totalité. Arendt déploiera aussi, de son côté, de grands efforts, pour atteindre cet objectif. Le dernier grand thème qui occupera de larges espaces dans cette correspondance consiste dans la publication et la recension du grand ouvrage qui allait faire connaître Scholem dans le monde entier, les Major trends in jewish mysticism. Il s’agissait des leçons sur le mysticisme juif, données par Scholem en 1938 à New York. Le beau compte rendu que Arendt finira par rédiger et par publier , figure en annexe dans le présent volume. Nous y reviendrons.