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Vu de la place Victor-Hugo - Page 610

  • Le discours du Pr Martin Schulz devant la Knesset

     

    Le discours du président du parlement européen Martin Schulz à la knesset

     

     

     

    En termes diplomatiques, on dirait que le discours de Martin Schulz, actuel président du parlement européen, était parfaitement inapproprié, comme disent les Américains lorsqu’il veulent parler d’une grave dissension avec d’autres pays. En ellemand, on dirait ganz ou total unangebracht, pour ne  pas dire scandaleux ( eine Aufsehenerregende Rede).. Toutes ces remarques philologiques préliminaires pour dire que le diplomate social démocrate allemand, en charge de l’Europe, a manqué son objectif qui était de rapprocher les points de vues et de paver la voie à une meilleure approche du processus de paix entre les Arabes et les israéliens.

     

     

     

    Martin Schulz, né en 1955 comme il l’a lui-même rappelé devant la Knesset pour bien montrer qu’il n’avait rien à voir avec les criminels de guerre nazis, n’a pas fait preuve d’une grande délicatesse. D’abord, il a choisi de s’exprimer en allemand (ce qui est son droit et ce n’est pas moi qui lui en tiendrai rigueur) pour rappeler aux députés israéliens des choses peu agréables à entendre, surtout lorsqu’il a répandu des contre vérités concernant le gaspillage de l’eau par les agriculteurs israéliens : même l’autorité palestinienne compétente en ce domaine lui a donné tort : les juifs ne disposent pas de quantités d’eau sept fois supérieures à celles de leurs voisins arabes.

     

     

     

    On est loin du temps où la chancelière, chrétienne-démocrate et fille de pasteur, s’exprimait humblement devant les descendants des rescapés de la Shoah et clamait haut et fort, dans sa langue maternelle : wir werden nie Israel allein lassen : jamais nous ne laisserons tomber Israël : (verbatim : jamais nous ne laisserons Israël seul). Le message de M. Schulz était bien différent. Il s’est fait le porte-parole de l’aile la plus anti-israélienne de son parlement. Certes, comme toute instance dirigeante, le gouvernement israélien est, à l’instar d’autres pays, critiquable. C’est normal, l’action gouvernementale, ce ne sont pas la loi et les prophètes. Mais tout de même. Un tel unilatéralisme (Einseitigkeit) nous laisse pantois. M. Schulz a cru aller bien loin en soulignant le droit d’Israël à exister. Mais c’est bien le moins, il aurait dû déplorer le fait que ce droit est contesté depuis plus de 70 ans !

     

     

     

    Sans vouloir donner des leçons à Martin Schulz qui ne tardera pas à mesurer concrètement les retombées, voire les conséquences négatives de ce discours sur sa carrière personnellement, il faut bien relever que l’on attendait tout autre chose de sa venue. Et tout d’abord, des assurances quant au retour de l’Europe, devenue entre les deux guerres et pendant la Shoah, un immense cimetière juif. M. Schulz aurait dû parler d’une Europe régénérée, en paix avec elle-même, ayant répudié ses anciens démons, son antisémitisme séculaire, et surtout inspirée par une attitude plus compréhensive vis-à-vis d’un Etat juif, entouré d’ennemis implacables qui se sont juré sa perte depuis sa renaissance, au motif, éminemment discutable, qu’il s’est installé sur cette terre à leurs dépens.  M. Schulz aurait aussi pu reconnaître que c’est par un acte d’héroïsme quotidien qu’Israël continue d’exister…. Il y aurait eu aussi tant d’autres choses à dire ou à rappeler.

     

     

     

    Ce discours manquait singulièrement de hauteur. Au lieu de transcender les petits problèmes d’intendance (étiquetage des produits, statut des implantations juives sur la terre ancestrale),  et souligner la reconnaissance du régime démocratique d’Israël, le seul de tout le Proche Orient, le diplomate allemand (si peu diplomatique) a, comme on dit, mis les pieds dans le plat. La presse allemande le critique, d’ailleurs, sans ménagement. Elle parle de Plumpheit, de lourdeur,  de manque de finesse (unverblümt), d’absence totale de Herztakt bref, les journalistes lui prodiguent leurs conseils sous forme de leçons de diplomatie.

     

     

     

    Tout ceci est un gâchis. L’Europe a un grand rôle à jouer en matière de politique étrangère et, pourtant, elle échoue lamentablement. On a vu son absence dans le dossier syrien où Russes et Américains lui octroient tout juste le statut d’observateur aux mains liées, à Kiev où les Ukrainiens l’implorent, en vain, de venir à leur secours,  en Afrique où elle brille par son intolérable absence, au point que la France a dû, seule ou presque, se déployer militairement dans ses anciennes colonie (Côte d’Ivoire, Mali et Centrafrique).

     

     

     

    Et après cela, on s’étonne du désamour des Européens pour l’Euro et l’Europe en général. Et on feint de s’émouvoir de la montée des parti extrémistes. Et la prestation du président du parlement européenne à Jérusalem n’a pas arrangé les choses.

     

     

     

    Le discours de M. Schulz n’était pas, bei allem Respekt, au niveau de la fonction qu’il occupe.

     

  • Le journal Libération a toujours confondu journalisme et militantisme

    Le journal Libération a toujours confondu journalisme et militantisme

    Même lorsqu’on n’aime pas vraiment un journal on ne pourra jamais se réjouir de sa disparition. Un journal qui disparaît, c’est comme la mort d’un être qui compte pour nous, même si ce n’est pas l’amour fou entre lui et nous.. C’est ce que ressentent beaucoup de gens depuis que l’on sait que Libération n’en a plus que pour quelques semaines, dans sa forme actuelle.

    Depuis hier et même ce matin, son directeur démissionnaire et son rédacteur en chef sillonnent les plateaux de télévision, pleurant par avance la déchéance de leur rêve perdu. Que s’est-il passé ? Et qu’est ce qui fait que ce journal n’a jamais été un journal comme les autres ? En réalité, le désastre actuel qui n’est pas le premier puisqu’il y eut tant de signes avant-coureurs, tant de prodromes, c’est la confusion délétère entre journalisme et militantisme. Et Libé est tombé dans ce piège depuis longtemps. Ouvertement de gauche, voire même gauchiste, ce qui est son droit le plus absolu, ayant fait campagne sans la moindre mesure ni retenue pour François Hollande, ce qui, je le dis une nouvelle fois, était son droit inaliénable, ce journal s’est comporté comme s’il était la propriété privée non de ses actionnaires ou de ses lecteurs, mais de quelques journalistes médiocres (pas tous) s’arrogeant le droit de morigéner la société dans son ensemble et d’insulter ceux de leurs concitoyens qui n’étaient pas d’accord avec eux.

    Mais le péché mortel fut de se vendre à un parti, à une obédience politique au lieu de conserver sa liberté de ton et de pensée. Le PS est comme tous les autres partis, de droite comme de gauche : il instrumentalise un organe de presse et après s’en être copieusement servi, il s’en désintéresse et s’en détourne. Ce n’est ni le PS ni le gouvernement qui sauveront Libération qui les a pourtant bien servis… Il faut revenir au journalisme, mais c’est trop tard. C’est une leçon dont il faudra tenir compte dans les nouveaux postes que les journalistes de Libération occuperont plus tard, mais ailleurs.

    Une autre question, peut-être un peu plus franche se pose : peut-on être un journaliste post soixante-huitard et survivre dans la société actuelle ? Peut-on en 2014 imprimer à un quotidien une telle marque ? La réponse se laisse facilement deviner.. Libération a été au journalisme ce que les écologistes sont à la politique : ni l’un ni les autres n’ont la culture qui convient. Pourquoi ? D’abord, parce qu’un journal, comme tout ce qui existe dans notre bas monde, doit disposer de moyens de subsistance. Les journalistes de Libération ont, sans jamais le dire clairement ni même peut-être s’en être rendus compte, cru en une conscience morale supérieure (eux qui se gaussaient tant de la spiritualité et de l’éthique des autres), en l’existence d’une divinité tutélaire qui volerait à leur secours en cas de grave accident.. Ils ont cru être investis d’une mission…. Ce ne fut pas le cas. Et le journal paie aujourd’hui le prix de cette terrible méprise.

    Chacun se souvient de ce grand capitaine français d’industrie, tenté, un temps, par la nationalité d’un pays proche où l’on paie moins d’impôts. Vous souvenez vous de la une de Libération= Casse toi……… La bienséance m’empêche de rééditer cela en toutes lettres. Et aujourd’hui, vers qui se tournent les journalistes pour renflouer les caisses du journal et tenter de conjurer d’inéluctables crises de trésorerie ? Vers des détenteurs de capitaux qu’on l’on traînait dans la boue, pas plus tard qu’hier……

    Toutes les opinions, hormis les messages de haine et de discrimination, sont acceptables et ont le droit de vivre. Mais il faut savoir prendre des risques calculés. A trop ignorer les règles de la vie économique, Libération paie aujourd’hui le prix fort de cette insouciance. Depuis l’époque de Serge July et de quelques autres journalistes, Libération aurait dû s’assagir tout en cultivant sa différence. On peut rétorquer qu’une certaine indépendance, voire de l’insolence, plaisent à un certain public. Mais voilà après les envolées militantes de l’année électorale, le soufflet est retombé et ce qui intéressait hier n’a plus d’intérêt aujourd’hui. Certes, moi aussi je trouvais plutôt inspirées mais pas toujours très heureux certaines unes…… Mais voilà, cela ne suffit pas. Il faut une ligne qui dure, qui se justifie et qui rassemble un lectorat.

    Le vent de l’Histoire existe, il souffle dans telle ou telle direction, selon des règles que l’on peut élucider. Mais jamais éluder.

  • Tsahal, l'armée la plus innovante au monde

    Tsahal, l’armée la plus innovante au monde

    Einmal ist keinmal, une fois n’est pas coutume, disent les Allemands. C’est exactement ce que j’ai pensé en achevant la lecture de toute une page du journal Le Monde, en date du 13 février 2014 consacrée aux start-up, page 2. C’est suffisamment remarquable pour être souligné et aussi pour que je consacre un blog à ce sujet. Que l’on me comprenne bien : je ne dis pas que ce grand quotidien du soir a un tropisme anti-israélien, mais je dis, en tout respect, que ses préjugés sur l’Etat d’Israël, son gouvernement et sa politique intérieure et étrangère (notamment ses appréciations sur le Premier Ministre Benjamin Netanyahou) lui ont aliéné une grande partie de son lectorat traditionnel, notamment juif qui considère que le magistère moral exercé par le journal fondé par Hubert Beuve-Méry appartient désormais à un passé révolu.

    Que dit ce long et passionnant article ? Il montre que cette armée de l’Etat juif, véritable ceinture de feu protégeant les juifs du monde entier, n’est pas une armée de soudards ni de sanguinaires mais un corps de défense, bien éduqué, bien formé, aussi bien à l’art de la guerre qu’à l’art de chercher, de construire et d’édifier.

    Tsahal est avant tout une école de jeunes, un centre de formation permanente, un lieu de promotion sociale, un creuset où la jeune nation israélienne se construit et où des juifs du monde entier, sans omettre quelques druzes qui ont opté pour cet Etat, apprennent à se connaître et à s’enrichir mutuellement. Quand on voit les efforts déployés par les jeunes les plus brillants pour rejoindre cette unité d’élite de l’armée, on réalise enfin que ce peuple ne fait la guerre que par nécessité et que sa vocation première est de choisir la vie et le progrès.

    Certes, cette unité d’élite de Tsahal a d’abord une mission de défense et de découverte, notamment des intentions et des avancées d’un certain Etat qui proclame urbi et orbi sa volonté de mettre fin à l’existence de l’Etat juif. Et ce même Etat a eu à connaître quelques déboires, plus ou moins sérieux, causés par des intrusions informatiques dans ses centres de centrifugeuses ou d’assemblages de missiles balistiques… Et les unités d’élite de Tsahal, ainsi que celles d’autres pays, ne sont pas vraiment étrangères à cela.

    Mais ce n’est qu’un aspect des choses : un grand nombre de sociétés multinationales viennent recruter leurs meilleurs éléments dans l’Etat juif où chaque fille et chaque garçon est mobilisé dans l’armée dès l’âge de dix-huit ans, et ce, durant, respectivement deux et trois ans. Quand ils sont rendus à la vie civile, ils ont tout juste vingt et un ans… C’est alors que les plus doués d’entre eux entament des études universitaires. Mais contrairement aux autres pays du monde, à l’armée ils n’ont pas perdu leur temps car la défense du pays présuppose des soldats éduqués, conscients de leurs droits et de leurs devoirs. Connaissez vous une autre armée au monde où l’on vous remet après vos classes un fusil d’assaut et une … Bible ?

    De cette tension dialectique entre un engin de mort, une arme, et le livre qui constitue la charte éthique de l’humanité civilisée, est née une approche nouvelle de l’existence. Il faut avoir vu ces jeunes gens et ces jeunes filles, s’arrêter par dizaines dans des cafés sur les routes du Néguev, le vendredi, en début d’après-midi… Aucun ne commande la moindre goutte d’alcool, la moindre bière, même non alcoolisée… Tous boivent du chocolat, des cafés crème et dévorent à belles dents des gâteaux.  Le niveau de leur hébreu est bon et les relations entre les jeunes officiers et les nouvelles recrues sont détendues. Je les ai souvent vu ne jamais quitter des yeux leur fusil d’assaut. Mais aucun n’a de visage évoquant de près ou de loin, l’appartenance à je ne sais quelle soldatesque. Certes, tous n’auront pas accès aux unités les plus prestigieuses mais les plus capables pourront s’épanouir et faire une honorable carrière. Certains journalistes ont relevé que même pour assurer la sécurité à Sotchi, Vladimir Poutine a conclu des contrats avec des sociétés de surveillance israéliennes.

    Les voisins d’Israël pourraient peut-être, un jour que je souhaite proche, s’inspirer d’un si haut exemple et changer enfin d’attitude : abandonner la culture de mort  et opter enfin pour une culture de vie.

    Dans les appréciations portées sur l’Etat d’Israël, les journalistes oublient souvent, plus par paresse que par ignorance, de s’en référer au message des grands prophètes hébraïques. Quand je rédigeais mon livre sur Ernest Renan, la Bible et les Juifs (Arléa, 2009), mon attention avait été attirée par une phrase où l’auteur de la Vie de Jésus annonçait que le christianisme était né huit siècles avant son fondateur ! Par cette formule provocante, Renan signifiait que le prophète Isaïe (VIIIe siècle avant notre ère) avait déjà exposé les grandes idées de la nouvelle religion. Le christianisme ne serait alors que le judaïsme des prophètes, une sorte de religion universelle et non ritualisée.

    Or, Tsahal n’a jamais répudié ces valeurs qui ont modelé la conscience morale de l’humanité entière. On l’a vu lorsque certains soldats se sont plaints, à tort ou à raison, de l’inconduite, réelle ou supposée, de certains de leurs camarades sur le champ de bataille. Les grandes idées de justice et d’équité, de recherche du bien et de protection de la vie humaine, le traitement avec mansuétude y compris des animaux, le respect de la nature, tout cela se trouve même dans le chapitre XI du livre d’Isaïe qui puise ses métaphores d’un monde messianique, d’un univers en état de post rédemption, dans le monde agraire.

    On peut ne pas croire en l’avènement messianique ou en donner une interprétation éthico-psychologique (comme le fit Hermann Cohen qui disait  que chacun sera son propre Messie pour peu qu’il décide de s’amender, et si nous tous le faisons, eh bien le monde en sera transformé, c’est-à-dire que dans un monde messianique), mais on peut espérer que ce grand journal sera enfin touché par la Grâce et qu’il continuera de nous offrir de si bons articles, en page 2 de ses éditions à venir.