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Vu de la place Victor-Hugo - Page 649

  • Les racines juives de l'Eglise chrétienne

    Les racines juives de l’Eglise chrétienne

    A première vue, on donne l’impression d’enfoncer des portes ouvertes. Mais s’i l’on considère cela au vu de l’actualité la plus proche, on se rend vite compte qu’il n’en est rien. Le pape François qui tranche tant par rapport à son éminent prédécesseur, un grand érudit, un homme à la foi profonde mais de tempérament germanique, a décrété pour hier, samedi, un jour de jeûne et de prière. En agissant de la sorte, il a illustré les voies anciennes du judaïsme antique dans lequel Jésus a vu le jour. Déjà dans la littérature biblique, surtout la partie hébraïque que les chrétiens appellent l’Ancien Testament, on exalte la foi en un Dieu sauveur, accomplissant des prodiges pour sauver son peuple qui obtient la rédemption grâce au jeûne et à la prière. Il y a là, de manière souterraine, une condamnation du recours à la force et une exaltation (un peu mystique, donc irréelle) du pouvoir divin même en notre bas monde.

    Le pape François a donc demandé à ses ouailles, mais aussi bien au-delà, d’user  d’un glaive à double tranchant qui ne fait pas couler la moindre goutte de sang, ne détruit pas la moindre habitation, ne brûle pas la moindre récolte, ne touche pas à un seul cheveu d’un enfant ou d’une femme : à savoir la prière et l’acte de contrition, deux attitudes fort anciennes qui s’enracinent au cœur même de la foi et de la spiritualité juives dont le christianisme est issu.

    Cela peut paraître un peu désuet face à l’intervention armée qui se prépare et qui, selon moi (qu’on me permette de le dire ici) a toute son utilité et son bénéfice : arrêter le bras meurtrier d’un pouvoir syrien tyrannique et ne reculant devant rien. Le pape François a brandi la seule arme dont il dispose, celle de l’oraison, de la supplique et du retour sur soi par le jeûne qui nous aide à transcender, pour un temps, notre condition matérielle.

    Ce qui est encore plus frappant mais qui relève sûrement des hasards du calendrier, c’est que le pape François a décrété ce jour de jeûne, un samedi, et exactement une semaine, jour pour jour, avant  la célébration de Yom kippour, le jour des propitiations ou du grand pardon, au cours duquel les juifs du monde entier, même les plus éloignés de la pratique religieuse, jeûnent, prient et viennent se recueillir dans les synagogues. Il y a là peut-être plus qu’une simple coïncidence.

    Le génie du christianisme, pour parler comme Chateaubriand, est intimement lié à celui du judaïsme, que cela plaise ou non. Maintes tentatives furent faites au cours de l’histoire pour trancher ces racines juives du christianisme. Que ce soit Marcion, le théologien chrétien qui considérait   que l’héritage juif de l’Eglise était un boulet dont il fallait se débarrasser au plus vite ou son lointain continuateur, celui qui l’a le plus étudié en Allemagne, le théologien protestant du début du XXe siècle, Adolphe von Harnack, tous ont voulu faire du christianisme une doctrine qui ne devait rien au judaïsme. Et surtout von Harnack qui, dans son Essence du christianisme (Berlin, 1900) a fait de Jésus une plante poussée dans un terreau dont elle ne se serait jamais nourrie…  La foi rend aveugle, mais la passion aussi, tout autant…

    Par son initiative, le pape François, homme sage et réfléchi, a montré qu’il n’en était rien. Cela ne suffira assurément pas pour faire du judaïsme un Ersatz du christianisme. Dit autrement, judaïsme et christianisme sont des religions différentes l’une de l’autre mais qui ne seront jamais indifférentes l’une à l’autre car l’une a servi de matrice à l’autre…

    Quand j’étais professeur de philosophie médiévale à l’université de Heidelberg, j’étais toujours impressionné par la journée du 21 novembre qui était un jour férié, dédié au recueillement et à la prière, Buß- und Bettag.  C’est une institution de l’église évangélique et mes étudiants me faisaient sourire en disant que c’était un yom kippour qatane, un Grand pardon en miniature. Celui des protestants. Quand je promenais alors dans la zone piétonne, j’observais les gens qui se rendaient dans les églises, un missel à la main…

    Yom Kippour est le jour où culmine la spiritualité juive, une spiritualité qui se veut à la fois nationale et universelle car elle a les yeux fixés sur l’humanité dans son ensemble sans perdre de vue le temple de Jérusalem. Israël prie pour l’humanité en priant pour lui, nous enseigne Hermann Cohen. Ce jour là est le jour de naissance du messianisme éthique autour duquel s’accorderont, selon les vieux prophètes hébreux, toutes les nations. Tel fut le vœu du prophète hébreu du VIIIe siècle, Isaïe.

    Ernest Renan dit dans son Histoire du christianisme que ce vieux prophète avait nettement inspiré Jésus. Il l’a surtout précédé de huit bons siècles. Mais les notions de prière, de purification et de recueillement n’ont pas d’âge car elles sont éternelles.

  • Le Pr Obama et la Syrie de Bachar

    Le Pr Obama et la Syrie de Bachar

    Je ne sais pas lire sur les lèvres ni déchiffrer ce que cachent les sourires ou de molles poignées de main, mais j’ai bien l’impression que Obama semblait se dire à lui-même, en saluant son hôte à Saint Petersburg, V. Poutine : tu ne sais pas ce qui t’attend

    Tout montre que le président US a compris la gravité de la situation et les erreurs qu’il a accumulées. Il a compris qu’il avait mal manœuvré mais que ce crime contre l’humanité, commis par Bachar, est inexcusable : tout défaut américain dans ce domaine ruinerait la crédibilité du parapluie nucléaire US et discréditerait ce grana pays à tout jamais.

    Certains commentateurs se sont étonnés, à juste titre, de l’incroyable amateurisme tant de David Cameron que de Barack Obama. Ces affirmations sans discernement sur la ligne rouge, et les conséquences qu’on en tirerait ont considérablement porté préjudice à la crédibilité du camp occidental. Et puis, il y a plus, au plan moral : les Syriens qui souffrent se demandent par quoi s’explique cette impassibilité de l’Occident chrétien qui se voile la face dès que des graves crimes sont commis dans une zone qui ne relève ni de leur culture ni même de leur civilisation… Un jour, on serait amené à rendre des comptes.

    Je ne m’explique pas que des hommes d’Etat qui ont exercé le pouvoir mettent solennellement en garde contre toute intervention, alors que les conventions internationales commandent justement de réagir (sous chapitre VII de l’ONU)..

    Qu’attendons nous ? A part le vote du Congrès des USA ? Il y a déjà plus de 100 000 morts en Syrie, et près d’un million, voire plus, de déplacés ou de réfugiés en Turquie, en Jordanie et ailleurs…. Une intervention ciblée sur des sites exclusivement militaires est de nature à affaiblir la machine de guerre de Bachar, au moins l’armée de l’air qui maintient une supériorité du camp du pouvoir…

    Quoi qu’il arrive, les historiens diront que cette crise syrienne aura révélé qu’il faut de grandes qualités pour se conduire comme des hommes d’Etat

  • Vladimir Poutine et la Syrie: les dessous d'un soutien indéfectible

    Vladimir Poutine et la Syrie : les dessous d’un soutien indéfectible

    Il est déjà arrivé à V. Poutine de dire le peu d’estime qu’il portait à la personne et au régime de Bachar el Assad, et dans le même souffle, de clamer qu’il le soutiendrait jusqu’au bout. Pas forcément lui mais son régime, ce qui crée un mur infranchissable entre la Russie actuelle et l’Occident qui ne veut plus d’Assad ni de son régime alors que Moscou s’accommoderait de son départ mais pas de la chute de son régime.

    Pourquoi ? Au fond, la position de la Russie en Méditerranée orientale importe peu à ses dirigeants, ce qu’ils ont en tête et qui est une véritable obsession, c’est le danger islamiste. Ancien des services secrets russes, Poutine sait que l’islamisme a aussi pris part à l’effondrement du système soviétique. Et chaque jour que D- fait, il pense à la Tchétchénie dont la capitale a été réduite en cendres avant d’être rebâtie.

    Poutine se dit que si le régime syrien tombe, ce sont les islamistes, il parle toujours de wahabites, qui prendront le pouvoir, ce qui pourrait donner des idées aux musulmans de Russie et d’ailleurs. La tentation wahabite est grande dans les ex républiques soviétiques à majorité musulmane. Et Poutine le sait bien. C’est bien pour cette raison qu’il soutient mordicus le régime de Bachar. Songez qu’en deux ans et demi, la Russie a opposé son veto au moins trois fois pour éviter une condamnation de Bachar.

    On se souvient des livres de Hélène Carrère d’Encausse concernant les avancées de l’islam dans l’ex URSS. Elle parlait alors de l’homo islamicus dont l’idéologie ne pouvait s’accorder avec le communisme.

    Aujourd’hui, on ne peut pas comprendre la politique russe en Syrie sans cet arrière-plan de politique intérieure. Toutes les autres raisons sont secondaires.