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Vu de la place Victor-Hugo - Page 772

  • Les ambiguités du général Manaf Tlass…

    Les ambiguités du général Manaf Tlass…

     

    La chaîne satellitaire arabe al-Arabiya a diffusé hier une première interview du général Manaf Tlass, ancien ami d’enfance de Bachar et chef de l’une des divisions les plus importantes de l’armée syrienne. Cet officier général avait été un peu marginalisé par le cercle le plus intime du pouvoir en raison de son peu d’empressement à développer une répressions sans limites. Il a fini par aller jusqu’au bout de son raisonnement et a quitté la Syrie, probablement exfiltré par les services français et américains. Le fait qu’il se trouve aujourd’hui en France s’explique par la présence de sa propre famille sur place, mais aussi par la position de la France dans le conflit intérieur syrien.

     

    Dans cette interview, le général fait preuve d’une très grand prudence. Sans jamais s’en prendre directement à la personnalité de Bachar aux côtés duquel il a grandi et auquel le le lient de nombreux liens d’amitié, il en appelle simplement au patriotisme de ses concitoyens et les exhorte à s’unir pour bâtir une Syrie nouvelle.. Pas une fois il n’incite les soldats à déserter alors que chaque jour qui passe voit grossir les flots de désertions, y compris d’officiers généraux… Pas une fois, il ne réclame le départ immédiat de Bachar…

     

    Est-ce de la prudence, de l’attentisme ou un fin calcul politique ? En d’autres termes, se met-il en réserve de la république dans l’espoir de jouer un rôle dans l’avenir ? Rien n’est à exclure.

     

    En revanche, les leaders de l’opposition ainsi que les chefs de l’insurrection armée sur place n’ont pas oubli le pédigrée de ce général play boy. Ils rappellent volontiers qu’il est le fils du sinistre ancien ministre de la défense, Moustafa Tlass, que les Syriens nomment aussi le bourreau de Hama, l’homme qui exécuté les ordres de Hafez, le père de Bachar, et de Rifa’at, son oncle. A l’époque, au début des années quatre-vingts, on ne disposait ni d’internet ni de téléphones portables et ces messieurs ont pu massacrer leur population sans être inquiétés… Aujourd’hui le Tribunal Pénal International les mettrait en examen pour crimes contre l’humanité… On estime à 20.000, voire 30.000 morts le nombre de victimes lors de l’écrasement de la ville de Hama, foyer du soulèvement des Frères musulmans à l’époque. Il faut rappeler que ceux ci avaient attaqué une académie militaire et égorgé près de 100 jeunes cadets…

     

    Alors qu’entend faire le général Tlass ? Pour le moment, il semble qu’il soit bien au chaud sur la côte d’Azur, sous la protection des autorités françaises qui espèrent pouvoir s’en servir pour faciliter une solution du conflit. C’est une bonne idée, mais je ne suis pas sûr qu’une telle personnalité qui a passé des décennies aux côtés d’un tel régime puisse s’acheter une conduite en quelques semaines ou quelques mois…

     

    Le plus inquiétant, c’est Bachar reprend le dessus en dégarnissant le Golan pour que les troupes d’élite pacifient sa capitale et reprennent Alep après avoir repris Damas des mains des insurgés.

     

    Les insurgés vont devoir repenser leur stratégie et la développer sur une plus grande échelle et avec un nouvel armement. Notamment des armes anti-chars et des missiles stinger ou cornet. Evidemment, si on trouvait une voie pacifique pour inciter Bachar à partir, cela serait nettement mieux.

     

    Mais cela, seul Dieu ou la Russie peut le faire…

  • Yerushalmi, Histoire et mémoire juives

    Le Zakhor de Yosef Hayyim Yerushalmi

    La nouvelle construction de l’histoire juive

    Pour Jean-François Bensahel, en cordial hommage

     

    Tous les livres de Yerushalmi sont admirables. Relire celui-ci, intitulé Zakhor (souviens toi) fut pour moi une véritable révélation. Pourtant, j’avais publié, vers 2002, avec mon ami le sous préfet Alain Boyer, un Que sais-je ? intitulé L’historiographie juive, ce qui signifie que les développements de Yérushalmi ne m’apportaient pas des connaissances fondamentalement nouvelles. Ma relecture de Zakhor m’a montré que son auteur avait renouvelé l’approche de l’histoire juive et prescrit les nouvelles normes d’écriture de l’historiographie d’Israël.

    Au milieu des années quatre-vingt-dix, j’avais publié la traduction du texte programmatique de Heinrich Grätz, La construction de l’histoire juive (Krotoschin, 1846), précédée d’une longue introduction sur le père de l’historiographie juive moderne. Certes, on pourrait largement faire l’étude d’un contraste entre ces deux œuvres, Grätz n’analysant en fait que l’histoire intellectuelle et passant au crible les productions de même nature au fil des siècles. Mais ce texte fut une sorte de discours programmatique pour l’œuvre à venir, l’Histoire des juifs en onze volumes, que l’on peut encore aujourd’hui, continuer de consulter avec fruit. Yerushalmi, lui, tente de dégager une voie nouvelle, scruter l’attitude générale des juifs face à la science historique, ses relations avec le messianisme, les conséquences de l’expulsion de la péninsule Ibérique, etc

    Grätz était empreint des idéaux de la Science du judaïsme, sans en reprendre, toutefois, le positivisme et l’historicisme. Il en rejetait aussi l’idéologie anti-sioniste et la volonté de se fondre dans l’éthnie allemande qui transpire chez certains de ses contemporains. Il croyait en un judaïsme vivant, en une histoire juive qui continuait d’exister même après la chute du temple, contrairement à l’attitude de chercheurs chrétiens, comme Ernest Renan et ses modèles allemands qui considéraient que le christianisme était la pierre tombale de l’histoire d’Israël…

    Yerushalmi appartient à un autre siècle et aussi à un autre monde. Elève de l’éminent historien Salo Wittmayer Baron (que j’eus l’honneur de rencontrer il y a près de vingt-cinq ans aux USA, dans sa maison de campagne à Canaan dans le Connecticut) l’auteur de la Social and religious history of the jews, son approche tranche par rapport à celle de la Wissenschaft des Judentums puisqu’il ne se considère pas comme un savant examinant des fossiles, déchiffrant des inscriptions sur des tombes tombales devenues illisibles ou faisant l’archéologie de la pensée et de la vie juives. Tout en adoptant la méthode critique, Yerushalmi élargit considérablement le spectre de son action en introduisant la notion de mémoire, c’est-à-dire d’histoire vécue. Donc d’hommes et de femmes, véritables vecteurs vivants du judaïsme. Mais Yerushalmi, dans sa grande modestie, est conscient que cette dimension spécifique mérite d’être examinée d’un peu plus près : l’histoire de la mémoire collective juive… reste à écrire, je n’ai fait ici qu’essayer de tracer quelques unes des voies que l’on peut explorer. (p 14)[1]

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  • Vers un démembrement de la Syrie ?

    Vers un démembrement de la Syrie ?

    Les batailles font dans toutes les régions de Syrie. Même si les forces spéciales de Bachar, commandées par son frère Maher, devaient endiguer l’avance des insurgés, elles ne réussiront pas à les bloquer durablement. Un peuple qui se lève contre son dictateur est comme un tsumani : rien ne peut l’arrêter…

     

    Pour la première fois depuis le début de l’insurrection, les rebelles ont une vraie stratégie miliaire et sont bien commandés. Ils ont prévu deux types de manœuvres : priver le régime des principaux centres économiques et civils et s’en prendre aux extrémités, c’est-à-dire sécuriser les postes frontières afin d’acheminer renforts et matériels. La tactique semble payante : chaque jour qui passe voit l’élargissement de ces zones frontalières dites libérées. J’ajoute que si cela devait se poursuivre, il ne resterait à Bachar que la voie des airs pour fuir…

     

    L’issue est fatale, rien n’y changera quoi que ce soit, ni les armes russes, ni le soutien de l’Iran ni les vantardises du Hezbollah qui va vivre des moments difficiles. Selon certaines sources non confirmées, le réduit de Tartous-Lattaquié serait de nature à servir de refuge pour un clan Assag en déroute. Sur place, la minorité alaouite est chez elle et règne en maître. La région a un port, un aéroport, des ressources, y compris pétrolières et fut particulièrement choyée par le régime, dans la perspective, justement, de devenir un jour un réduit inexpugnable. Sur place, Bachar et son clan pourraient se maintenir et se défendre.

     

    Cette solution paraît idéale puisqu’elle pourrait mettre fin au conflit et à la guerre civile, mais le prix à payer est exorbitant : le démembrement de la Syrie. Car, si les Alaouites se retranchent chez eux, les chrétiens, les kurdes et toute la mosaïque des autres ethnies en fera autant.

     

    C’est littéralement dramatique. Qui aurait pu prévoir pareille chose ? Qui aurait pu parler de tant de révolutions dont la plus sanglante, au fond, se déroule à Damas ? Il est indéniable que tous ces régimes paient l’absence prolongée de démocratie et la poursuite d’une haine gratuite et sans discernement d’Israël.

     

    Rendez vous compte ! La Syrie a perdu toutes ses infrastructures militaires, politiques et économiques. Il faudra des décennies pour la reconstruire. L’ONU devrait surmonter ses divisions et voler au secours d’un peuple qui souffre et paie un lourd tribu à la liberté.