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Vu de la place Victor-Hugo - Page 774

  • Rumeurs de coup d’état à Damas…

    Rumeurs de coup d’état à Damas…

     

    Des rumeurs, même les plus folles, circulent dans les salles de rédaction en Occident : on se demande ce qui s’est vraiment passé à Damas il y a plus de trente six heures après l’annonce de la mort violente d’au moins trois personnalités de premier plan au sein de l’appareil sécuritaire du pays : ont ils été vraiment victimes d’un attentat perpétré par l’armée syrienne libre ou s’agit il d’une purge cachée qui met fin, peut-être à des complots entre personnalités soucieuses d’écarter Bachar du pouvoir ?

     

    Je dis tout de suite que je crois guère à cette mise à l’écart radicale de soi-disant dirigeants, réunis en vue de préparer la relève et de prendre le pouvoir, même si, dans le cadre d’un tel régime, les liquidations au sein même de l’équipe dirigeante et du sommet de l’Etat sont monnaie courante…

     

    En effet, ce qui frappe, ce sont de prime abord les conditions de cet attentat : comment avoir réussi à introduire des explosifs dans la salle même où se réunissaient des dirigeants de tout premier plan ? Comme ce pays policier où fourmillent les services de sécurité a t il pu laisser se produire une telle chose, sans que l’une des fractions du pouvoir n’y soit associée ?

     

    Il y aussi la personnalité des victimes : le propre beau-frère de Bachar est mort dans cette explosion, or sa toute puissance était avérée. N’a-t-il pas été des années durant à la tête de la très redoutée sécurité militaire ? Est-il soudain devenu gênant pour les autres car il en savait trop ? Se préparait-il à faire défection pour sa peau et s’enfuir ? Autant de réponses demeurées sans réponse tant l’opacité du régime syrien est impénétrable…

     

    Ce qui frappe aussi les journalistes, c’est l’absence de la moindre photographie de l’immeuble où se serait produit l’attentat. Tout ceci est très étrange, surtout si l’on y ajoute les rumeurs selon lesquelles Bachar aurait quitté Damas où il ne se sentait plus en sécurité pour se réfugier à Lattaquié où ses partisans claniques sont nombreux et solidement implantés.

     

    Il se pourrait aussi que toutes ces supputations fussent absolument fausses, mais comment le savoir de science sûre ? En revanche, une chose est certaine : les jours de ce régime sont comptés, dans un cas comme dans l’autre. Que ce soit un authentique attentat ou un complot qui a coûté la vie à ses auteurs.

  • La bataille de Damas a commencé : la fin du régime de Bachar el-Assad

    La bataille de Damas a commencé : la fin du régime de Bachar el-Assad

     

    Au moment où nous écrivons, la guerre civile en Syrie connaît un tournant : sans rien dire, les rebelles, armés par les pays arabes conservateurs (Arabie Saoudite, Qatar et les Emirats Arabes Unis) ont silencieusement fourni aux insurgés les armes nécessaires pour affronter les forces du régime au sein même de la capitale. Comment s’est opéré ce tournant ?

     

    Lassés de voir que les Russes et les Chinois faisaient obstruction au Conseil de sécurité de l’ONU, les pays en question ont aidé les rebelles qui ont coordonné leurs efforts et unis leurs forces pour venir à bout du régime. On se bat dans les faubourgs de la capitale syrienne et les télévisions satellitaires arabes rendent compte de ces combats acharnés pour le contrôle de la capitale. J’ai entendu des généraux rebelles, qui ont fait défection, dire qu’ils lutteraient jusqu’au bout pour la victoire. En fait, les Russes ont fait preuve d’autisme en soutenant jusqu’au bout un régime que ses actes cruels condamnaient .

     

    Il semble bien que le régime ne tiendra plus très longtemps. Selon les renseignements militaires israéliens, Bachar el Assad a dû dès hier dégarnir le front du Golan pour appeler à la rescousse des divisions blindés qu’il jette dans la bataille. Israël ne bougera pas mais cela prouve que le régime jette ses dernières forces dans la bataille. Les Russes ont donc mal défendu leurs intérêts en Syrie : au lieu de tempérer Bachar et lui faire entendre raison, ils ont cru qu’une solution militaire prévaudrait contre tout un peuple qui défie la mort pour vivre enfin dans la liberté.

     

    J’ai entendu un débat d’une violence extrême sur al-Jazeera, opposant les partisans du régime aux représentants des insurgés. C’est un point de non retour : tous demandent le départ de Bachar alors que les Russes s’opposent justement à cette mesure. L’après Assad est en marche. Je ne sais pas si les données fournies par les insurgés sont véridiques mais ils ont parlé d’un million et demi de déplacés au sein même du pays et d’un flot sans cesse en augmentation d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant les bombardements pour se réfugier dans les pays voisins. Plus grave encore : ils parlent d’une centaine de généraux et d’officiers généraux qui ont déserté pour se mettre du côté des insurgés. Comment la diplomatie russe peut-elle faire preuve d’une elle cécité ?

     

    L’intérêt bien compris des Russes serait de nouer des contacts avec les insurgés pour pouvoir ensuite négocier la défense de leurs intérêts en Syrie. On parle de dizaines de milliards d’investissements russes en Syrie.

     

    Les troubles en Syrie vont révolutionner la situation au Proche Orient. Le Hezbollah n’est pas en odeur de sainteté en Syrie. L’alliance avec l’Iran ne dupera pas non plus. Le pays, à ce qu’on dit, est en ruines. L’économie est paralysée, l’extraction de pétrole est stoppée et les fonctionnaires ne pourront plus être payés. Certains journaux des pays du Golfe commencent à dire ouvertement que le régime, imité des décennies durant par les autres états de la région ont instrumentalisé la ause palestinienne pour imposer des régimes dictatoriaux. Ces derniers tombent les uns après les autres ; même le Soudan connaît des troubles après une partition douloureuse. Le Liban voisin de la Syrie redoute par dessus tout une extension de la guerre sur son territoire.

     

    La fin de cet été connaîtra un Proche orient nouveau. Peut-être vivons nous les prémices d’une époque nouvelle. Khadafi n’est plus là, Moubarak est retourné dans a prison, Ben Ali s’est enfui, Ali Abdallah Saleh est parti. C’est un véritable tremblement de terre qui s’est produit. Et pendant ce temps, Kofi Anan fait du tourisme à Moscou, Bgdad, Damas et Téhéran.

     

    Les surgés syriens ont compris qu’il ne servait à rien d’attendre quoi que ce soit de l’ONU. Au fond, la leçon de l’histoire est la suivante : l’ONU connaît le plus grave discrédit de son histoire.

  • Qui doit être astreint au service militaire en Israël ?

    Qui doit être astreint au service militaire en Israël ?

     

    La situation en Israël rendait cette réforme nécessaire tant du point de vue de l’égalité entre les citoyens que du point de vue éthique. De quoi s’agit-il ? Il y a dans cette société un peu spéciale au moins deux catégories, certes de poids et de nature radicalement différents, qui bénéficient depuis 1948 d’une sorte de traitement de faveur ou de discrimination positive : le groupe ultra-orthodoxe, d’une part, et les Arabes israéliens, d’autre part. Pour éviter tout malentendu, je précise immédiatement que je ne mets pas ces deux groupes sur un pied d’égalité. Les uns fortifient l’âme juive et enracinent l’étude de la Tora dans le cœur de leurs concitoyens juifs alors que les autres, tout aussi citoyens à part entière que les précédents, se considèrent comme des «Palestiniens de l’intérieur» et sont encore en gésine d’intégration.

     

    Les ultra-orthodoxes n’étaient pas très nombreux en 1948 lorsque David Ben Gourion, dans sa sagesse et sa perspicacité politiques a décidé de les intégrer en leur accordant quelques privilèges. Il avait compris qu’ils étaient (et continuent d’être) une composante incontournable de la nation juive et que leur dévouement à l’étude de la Tora ne pouvait qu’être bénéfique à l’édification du pays. En réalité, le grand homme d’Etat juif qui ne mettait jamais les pieds dans une synagogue, (à une exception près, le jour de la proclamation de l’indépendance d’Israël), avait compris que les ultra-orthodoxes étaient moins nuisibles à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ajoutons qu’à leurs yeux, le culte de la Tora est formateur d’opinion et fondateur d’identité, deux thèmes essentiels pour l’émergence d’un nouveau portrait du juif contemporain, notamment israélien.

     

    Mais au moment où Ben Gourion prit cette décision d’exempter les ultra-orthodoxes de l’armée et de leur accorder moult exonérations d’impôts, ils n’étaient qu’une poignée, alors qu’aujourd’hui ils sont près de 10% de la population et n’hésitent plus à jouer les partis-charnières au point de faire chuter les gouvernements et de priver tel ou tel gouvernement d’une majorité à la Kenését. La situation ayant changé, il fallait changer de système, d’autant que la cour suprême donne au gouvernement jusqu’au 1er août pour légiférer.

     

    Tsahal est une armée juive où l’on mange cacher et où l’on peut respecter les lois juives concernant le repos et la solennité du chabbat. Mais, même dans de telles conditions, ce n’est pas toujours facile pour les ultra-orthodoxes aux yeux desquels la présence de jeunes filles dans les casernes et les exercices de défense effectués le chabbat sont inacceptables. La question qui se pose est alors la suivante= est ce que les autres, l’écrasante majorité de la population, doit se sacrifier pour que des poignées de religieux (qui ne sont pas tous très sincères et qui instrumentalisent la religion) puissent vivre conformément à leurs souhaits et à leurs croyances ? Au regard du droit et de l’éthique, voilà une inégalité de traitement qui ne saurait perdurer. Et comme le sujet est assez sensible, je ne m’étendrai pas sur d’autres aspects qui sont tout aussi inacceptables.

     

    Afin de ne pas transformer cette dualité en dualisme au sein de la société israélienne qui a déjà bien des difficultés à assurer sa cohésion, le premier ministre Benjamin Netanyahou avance prudemment et propose que les ultra-orthodoxes soient affectés à des travaux d’intérêt général. Ceux-ci protestent car ils décèlent dans ces mesures la volonté cachée de briser cette autarcie spirituelle dans laquelle ils se complaisent mais qui assurent leur pérennité. C’est donc un vaste débat qui touche aux fondements mêmes de la société israélienne qui se prépare.

     

    Avant de passer aux Arabes israéliens, remarquons que l’Etat éprouve des difficultés à intégrer deux catégories fondamentalement opposées mais qui lui posent les mêmes problèmes mais avec des origines absolument différentes : les Arabes ne veulent pas servir un Etat juif qu’ils jugent illégitimes et spoliateur, les ultra-orthodoxes trouvent que cet Etat n’est pas assez juif ni assez orthodoxe à leurs yeux.

     

    Les Arabes israéliens posent problème, non pas qu’il faille réduire leurs droits ni leur imposer la moindre discrimination qui soit, mais le fait que l’Etat où ils sont nés et dont ils portent la nationalité soit en guerre avec leurs frères en religion met un frein puissant à leur intégration.

     

    Ce matin encore, j’entendais sur France 24 un jeune Arabe israélien dire vertement qu’il n’entendait pas servir «un Etat qui tue ses frères, colonise leurs terres et terrorise Gaza» (sic). Si pardonnables que soient les excès verbaux de jeunes âmes, il faut tout de même reconnaître que cet adolescent peut faire des déclarations offensantes pour l’Etat où il vit, sans être inquiété. Mais cette liberté d’opinion qui n’a jamais existé dans les pays arabes ne résout pas le problème.

     

    Fidèle aux principes de l’éthique juive qui commande de ne prendre que des mesures humanitaires, le gouvernement israélien envisage de confier à ses citoyens arabes, non point de porter les armes mais d’accomplir pendant une durée déterminée des missions d’intérêt collectif dans leurs propres hôpitaux et organismes communautaires. Ce qui ne devrait pas poser de difficultés insurmontables et faciliter aussi une meilleure intégration.

     

    Il est tout de même symptomatique que Arabes israéliens d’une part et juifs ultra-orthodoxes, d’autre part, se retrouvent, à leur corps défendant, d’un même côté de la barrière. Quelle ironie de l’histoire !

     

    Maurice-Ruben HAYOUN

    In Tribune de Genève du 17 juillet 2012