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  • LES OBJECTIFS D’UNE ARMEE MODERNE : LE CAS DE L’AFGHANISTAN

    LES OBJECTIFS D’UNE ARMEE MODERNE : LE CAS DE L’AFGHANISTAN
        Depuis un certain temps déjà, les Américains discutent avec les talibans, non impliqués dans les attentats d’Al-Quaida, en vue de ramener  la paix en Afghanistan. A l’évidence, le général David Petraeus est passé par là, puisque cet soldat-diplomate est parvenu à réduire considérablement la violence en Irak en pratiquant ce que l’on nomme la contre-insurrection. En quoi faisant, en convainquant les tribus sunnites de se retourner contre les adeptes d’Al-Quaida, moyennant évidemment des armes et des finances. Le général qui est sauf tout un militaire borné et qui a donc fait soutenu une thèse dans une grande université de son pays, a bien lu et médité le livre sur la contre insurrection, écrit par un officier supérieur français, David Galula, qui eut à affronter, en qualité de soldats et de théoricien, l’insurrection algérienne. David Petraeus fait de l’officier français son maître à penser.
        Les tâches d’une armée varient selon les époques, les situations et les lieux : faire la guerre à l’extérieur, ramener l’ordre au sein du pays, combattre psychologiquement un ennemi insaisissable en raison de son osmose avec la population. L’officier français avait compris que, pour gagner, il fallait plus que de remporter de simples victoires militaires. Il faut, certes, détruire l’ennemi considéré comme irrécupérable (et en Afghanistan, c’est Al-Quaida, tout comme en Irak), mais aussi nouer un dialogue avec ceux des insurgés qui considèrent que la défense de la mère patrie justifie tous les sacrifices. Avec ces derniers, l’armée en campagne doit chercher à s’entendre puisqu’ils ne cherchent que le bien-être du pays…
        Dans le cas afghan, cela recouvre les talibans qui ne veulent pas sacrifier leur pays aux plans d’une nébuleuse terroriste internationale. C’est le sens qu’il convient de donner aux pourparlers entre Américains et talibans.
        Les armes de la contre insurrection sont militaires mais pas seulement ; il faut empêcher que l’ennemi n soit en osmose avec la population comme un poisson dans l’eau. Aux Américains cela rappelle des souvenirs, notamment de Mao Tsé Toung. Si les insurgés trouvent auprès de la population aide et assistance, et surtout une communauté de lutte, de combat et le même esprit de résistance, la guerre est perdue. Ou alors, il faudra même un soldat ou un policier derrière chaque Afghan ou Irakien. Rappelons que lors de l’insurrection irakienne, il y avait en Algérie plusieurs centaines de milliers d’hommes pour environ 8 millions de musulmans… Et pourtant ; il a fallu se rendre à l’évidence : les négociations ont fini par remplacer les opérations militaires.
        En Irak, les commentateurs sont unanimes, après avoir promis à l’US Army une défaite cuisante, les voilà qui reconnaissent que la violence a été réduite de 80% et ne connaît plus qu’un état résiduel.
        Le généralissime américain soutient que ce qui a réussi en Irak pourrait ne pas réussir en Afghanistan, pays qui a toujours résisté aux envahisseurs. Mais tout indique que la fermeté militaire, alliée à une contre intelligente contre insurrection,  peut porter ses fruits.
        La guerre n’est plus, paradoxalement, menée à bien avec de simples outils militaires. Il faut une pensée directrice qui anime les armes. Dans l’attente que l’humanité pensante trouve enfin un moyen de bannir la guerre de notre existence.

  • LES PROCHAINES ÉLECTIONS EN ISRAÊL

     

    LES PROCHAINES ÉLECTIONS EN ISRAÊL
        J’ai pu suivre ce matin, très tôt, les analyses fort intéressants d’un proche conseiller d’Ehoud Barak et qui avait jadis très proche de Yosef Beillin, l’un des promoteurs des accords d’Oslo. On sait depuis peu que cet homme de gauche qui a effectué un travail important, quel que soit le point de vue auquel on se place, a pris la décision de se retirer de la vie politique et d’employer ses compétences dans d’autres domaines, notamment l’aide à l’économie palestiniennes ( !)
        Et que disait cet homme concernant l’avenir du parti travailliste ? Eh bien, ses prévisions sont plutôt sombres : délitement du parti dont de grandes phalènes ont migré vers kadima, absence (c’est lui qui le dit) d’un programme de gouvernement digne de ce nom, menace de putsch pesant sur son leader actuel et érosion de son influence électorale au point de ne plus être crédité que de 9 à 11 sièges pour les élections législatives  du 10 février… Le seule point positif (on se console comme on peut), c’est l’arrivée de jeunes désireux de prendre une part plus active à la vie politique de leur pays. Des gens qui veulent s’investir mais qui auront à subir les perfidies des vieux leaders qui feront tout pour garder leurs places… Et la décision de Barak de faire désigner par les militaire lors de primaires les membres de la liste de futurs députés n’y changera rien…
        Ce qui m’a aussi frappé, c’est la volatilité de l’électorat de kadima, parti créé de toutes pièces par Ariel Sharon qui en était le spiritus rector, le genius loci. C’était lui qui le portait en avant et l’incarnait. On sait ce qu’il en advenu avec Ehoud Olmert et aujourd’hui avec Madame Livni… Comme il n y a plus de moteur puissant pour faire aller ce parti de l’avant, une bonne partie de ses électeurs s’en retournera d’une manière ou d’une autre vers le likoud de Benjamin Netanyahou, crédité d’au moins 31 sièges, à égalité, prétend-on, avec kadima.
        De fait, par quelque bout que l’on prenne la politique israélienne actuelle, on se rend compte que c’est bien le leader de la droite qui l’emportera. Est-ce un bien, est-ce un mal ? L’avenir le dira. Mais la faillite du parti travailliste, englué dans des rivalités de personnes et à court d’idées, explique en grande partie la montée en puissance du likoud.
        Le problème, toutefois, c’est que la politique extérieure est le problème numéro 1 de la politique intérieure d’Israël.

        J’ai pu suivre ce matin, très tôt, les analyses fort intéressants d’un proche conseiller d’Ehoud Barak et qui avait jadis très proche de Yosef Beillin, l’un des promoteurs des accords d’Oslo. On sait depuis peu que cet homme de gauche qui a effectué un travail important, quel que soit le point de vue auquel on se place, a pris la décision de se retirer de la vie politique et d’employer ses compétences dans d’autres domaines, notamment l’aide à l’économie palestiniennes ( !)
        Et que disait cet homme concernant l’avenir du parti travailliste ? Eh bien, ses prévisions sont plutôt sombres : délitement du parti dont de grandes phalènes ont migré vers kadima, absence (c’est lui qui le dit) d’un programme de gouvernement digne de ce nom, menace de putsch pesant sur son leader actuel et érosion de son influence électorale au point de ne plus être crédité que de 9 à 11 sièges pour les élections législatives  du 10 février… Le seule point positif (on se console comme on peut), c’est l’arrivée de jeunes désireux de prendre une part plus active à la vie politique de leur pays. Des gens qui veulent s’investir mais qui auront à subir les perfidies des vieux leaders qui feront tout pour garder leurs places… Et la décision de Barak de faire désigner par les militaire lors de primaires les membres de la liste de futurs députés n’y changera rien…
        Ce qui m’a aussi frappé, c’est la volatilité de l’électorat de kadima, parti créé de toutes pièces par Ariel Sharon qui en était le spiritus rector, le genius loci. C’était lui qui le portait en avant et l’incarnait. On sait ce qu’il en advenu avec Ehoud Olmert et aujourd’hui avec Madame Livni… Comme il n y a plus de moteur puissant pour faire aller ce parti de l’avant, une bonne partie de ses électeurs s’en retournera d’une manière ou d’une autre vers le likoud de Benjamin Netanyahou, crédité d’au moins 31 sièges, à égalité, prétend-on, avec kadima.
        De fait, par quelque bout que l’on prenne la politique israélienne actuelle, on se rend compte que c’est bien le leader de la droite qui l’emportera. Est-ce un bien, est-ce un mal ? L’avenir le dira. Mais la faillite du parti travailliste, englué dans des rivalités de personnes et à court d’idées, explique en grande partie la montée en puissance du likoud.
        Le problème, toutefois, c’est que la politique extérieure est le problème numéro 1 de la politique intérieure d’Israël.
     

  • Abraham, symbole de l'humanité monothéiste

     

     

             CONFÉRENCE À LA MAIRIE DU XVIE ARRONDISSEMENT DE PARIS, CE JOUR LE 30 OCTOBRE À 20H15


    ABRAHAM DANS LA TRADITION ET DANS L’HISTOIRE
        RADIOSCOPIE D’UN SYMBOLE DE L’HUMANITE MONOTHEISTE

    Abraham a-t-il seulement existé en chair et en os ? A-t-il vraiment vécu vers 1850 avant l’ère chrétienne et a-t-il réellement vécu ces pérégrination que la Bible hébraïque, et à sa suite les Evangiles et le Coran veulent bien lui prêter ?
    En tout état de cause, pour un être humain dont l’existence historique n’est guère assurée par des documents fiables et vérifiables, il a donné lieu à une littérature immense, voire incommensurable. Et je ne parle pas des œuvres d’amateurs ou de demi savants, je fais allusion aux œuvres de spécialistes de l’histoire religieuse et de l’exégèse juive et chrétienne.
    Abraham, Moïse et Jésus : trois personnalités qui ont marqué d’une empreinte profonde, voire indélébile, l’avenir de l’humanité à la fois pensante et croyante et dont l’existence historique demeure sujet à caution… C’est que  l’entrelacement de l’histoire et de la légende,  de la chronique sérieuse et de la tradition épique, les concernant, est vraiment inextricable.
    Même pour la conscience occidentale contemporaine, c’est-à-dire près de quatre millénaires après son existence terrestre supposée, Abraham demeure un archétype incontournable, une figure tutélaire de première grandeur. On voit en lui le symbole de l’humanité monothéiste, le premier homme à avoir durablement communiqué, selon la Bible, avec la divinité, au point de sceller avec une alliance éternelle. Certes, il y eut l’épisode semi-mythique, de Noé, germe d’une humanité régénérée et rescapée du Déluge, auquel la divinité biblique fait la promesse de ne plus jamais songer à détruire le monde ; il demeure que c’est avec Abraham que Dieu scelle une alliance, l’alliance d’Abraham (berito shél Abraham), et c’est à lui qu’il fait une promesse, selon le livre de la Genèse : à savoir que sa descendance sera aussi nombreuse que les grains de sable bordant les océans et qu’elle héritera de la terre de Canaan que la «divine Providence» a choisi de distinguer d’une grâce particulière…
    Ce vocabulaire est volontairement emprunté au registre religieux ; mais dans notre contexte, il se trouve dépouillé de cette qualité première. Notre propos est simplement de souligner le caractère insondable de ce choix et de cette promesse.
    Ce qui frappe dans la personnalité d’Abraham, c’est la richesse de ses facettes qui lui a permis de prendre pied et de s’enraciner dans les trois grandes traditions monothéistes. Celles-ci auraient fort bien pu se choisir une autre figure tutélaire qui ne manquait vraiment pas dans le panthéon du Proche Orient ancien ou dans les nomenclatures des héros divinisés…
    La tradition juive, la première, chronologiquement, à avoir vu en Abraham, l’origine de sa foi religieuse et de son identité nationale, lui découvrit des mérites qu’il ne partageait avec aucun autre de ses héros : contrairement à Noé qui n’a prié que pour lui, Abraham a prié pour lui mais aussi pour les autres : il implore la grâce divine pour les habitants des villes pécheresse de Sodome et Gomorrhe.  Là où Noé s’est contenté d’obéir aux injonctions d’un Dieu qui n’a pas trouvé d’autre manière de réformer l’humanité qu’en la détruisant, Abraham, lui, négocie avec D- le sauvetage des habitants des villes pécheresses…
    Mais revenons à la discussion historique du sujet qui nous occupe : Abraham et son histoire telle que relatée par les chapitres de la Genèse (ch. 12- 25) ont-ils toujours été ainsi dans les  sources antiques, où ont-ils connu des remaniements, des réécritures et de ajouts au cours des générations ou à la suite des vicissitudes de l’histoire juive, notamment au moment de l’ exil de 587, lorsque l’histoire d’Israël a subi d’importantes modifications et que l’identité judéenne dut se redéfinir ?
    Au début, les choses sont relativement claires : deux choses prédominent : l’alliance offerte par D- à Abraham et à sa descendance pluriethnique (Ismaël notamment) et l’acquisition de l grotte de Makpela comme lieu de sépulture. Dans le premIer cas, Abraham posé comme l’ancêtre de tous ses fils (Abrahamides) ; après, cela changera, on rétrécira le champ de la parenté et de la filiation.
    Dans le chapitre 17 de la Genèse, on voit Abraham et Ismaël debout devant D. Isaac n’est guère présent. Dans cette alliance sont inclus Esaü et Ismaël, ce qui renforce l’aspect œcuménique d’Abraham. Or, ce patriarche est lié à un place comme Hébron, dont la racine hébraïque pourrait connoter l’idée de lien, de ligue, d’amphictyonie, lieu de sanctuaire et de marché. Son autre nom est bien kiryat arba’, la cité des quatre, ce qui connote la même idée d’union et de confédération.
    Le «tissage» de la personnalité d’Abraham à partir de textes d’époques et d’origines diverses laisse apparaître que l’idée de transmigrations n’est venue qu’après. Pourquoi avoir voulu faire naître Abraham  en Mésopotamie, alors qu’il semble avoir ses origines à Hébron, lieu de sa résidence ? Probablement parce que c’est de là que venaient les idées religieuses les plus anciennes.

    Genèse (chapitres 12 à 36) : la question qui se pose désormais avec plus d’acuité depuis la remise en cause des thèses de Alt, Martin Noth et Gerhard von Rad  est celle-ci : est-ce que les récits de la Genèse ont toujours été conçus comme un prologue au reste (de l’Exode au Deutéronome) ou bien n’étaient-ils, en réalité que des légendes en soi, (Einzelsagen), comme le suggérait Hermann Gunkel ? On voit bien, comme le montre admirablement Albert de Pury, que pour le Deutéronome et toute son historiographie, l’histoire des Hébreux ne commence pas avec les patriarches mais tout bonnement en Egypte avec l’Exode. Les travaux de Thomas Römer ont mis à mal l’hypothèse, admise jusqu’ici, de sources bien marquées remontant au Xe siècle ! Et comment donc l’historiographie deutéronomiste ne souffle-t-elle mot de tout ce prologue patriarcal ? Doit-on en penser qu’il existait en soi, indépendamment de tout le reste ? Question cruciale pour l’origine du Pentateuque tel nous l’avons aujourd’hui.
    La geste de Jacob, si importante pour la suite, et si intimement liée à celle d’Abraham, son grand p§re, contenait-elle tous les éléments qui nous sont parvenus ? Le récit sacerdotal fait l’impasse sur les aspects les plus scabreux de Jacob, mais on en trouve une mention sur un ton très polémique dans Osée 12 qui parle du patriarche en des termes peu flatteurs. Ce texte oppose Jacob à Moïse et insiste pour dire que Israël a été sauvé d’Egypte par un prophète, donc Moïse ! Partant, ce texte, rédigé avant la chute de Samarie, donc avant -722, était bien enraciné dans la mémoire du peuple d’Israël. Mais cette histoire de Jacob et de sa tribu en soi, constitue, à elle seule, une histoire qui se suffit à elle-même, sans le prologue patriarcale (Noé, Abraham) ni épilogue (Moïse et l’Exode). Hormis un passage du Dt 26 ; 5-9, Jacob n’est guère mentionné. Et encore, on parle d’un Araméen en perdition (arami ovéd avi) : p 149 :Pour les auteurs du Deutéronome, le vrai Israël naît en Egypte. Il est suscité par Yahwh en Egypte, et il n’existe qu’à partir du moment où Yhwh l’a fait sortir et s’est révélé à lui…
    Mais d’un point de vue purement anthropologique, Abraham n’a pas eu de chance avec ses enfants. Il a tout d’abord les plus grande difficultés du monde à engendrer ; fait significatif, son épouse lui propose d’«essayer» avec sa servante Agar. Lorsque cette ernière lui donne enfin un enfant, Ismaël, son épouse légitime qui n’apprécie pas sa servante ni sa progéniture, lui ordonne de les chasser tous deux. Et voilà Abraham mis en demeure de bannir son propre fils. Le mal fut si profond que la Genèse précise que le patriarche en fut très affecté (wa-yihhar le-Abraham al odot ismaël beno) Mais il n’était pas encore au bout de ses peines : lorsque naît enfin son fils, issue du giron de Sarah, voici que D- en personne lui demande le lui offrir en sacrifice sur le Mont Moriya (ch. 22). La  relecture de ces textes explique bien l’entropie (retour en arrière) des rédacteurs.
    Mais tout ceci ne nous donne pas de réponse à la question suivante : comment s’explique la centralité de la personnalité d’ABRAHAM ? Après tout, le récit exodique est très probablement le plus ancien de l’histoire biblique et comme on le disait plus haut ne présupposait pas obligatoirement le prologue patriarcal. On a probablement voulu mettre un terme à un rite cananéen de la vénération des morts et qu’il fallut remplacer par quelque chose d’autre. ON a donc procédé à une sublimation qui s’effectua en deux temps : le commandement du Décalogue qui ordonne d’honorer ses parents et l’élaboration d’une histoire patriarcale, en premier celle d’Abraham. Ce sont les Avot, les pères dont Israël est censé descendre.
    On peut faire un rapprochement entre AV (père (pluriel AVOT) et OV (esprit des morts, nécromancien) (pluriel OVOT), une pratique interdite par le Deutéronome et dont on reparle dans I. Samuel ch. 28 au sujet de Saül qui veut consulter Dieu, sans succès et qui s’adresse à la nécromancienne d’Endor ;
    En Lévitique 19 ; 31, on trouve aussi l’interdiction de consulter les Ovot (devins, nécromanciens). Or, dès le verset suivant, on commande de craindre D- et de vénérer les vieillards : n’est-ce pas là une mutation, une transformation de cette pratique qui consistait à se tourner vers les esprits des défunts pour connaître l’avenir et la fortune d’une bataille, par exemple ?
    La même chose vaut des repfa’im, dont la racine veut dire les guérisseurs, ceux qui veillaient sur la descendance d’une même famille, ce qui en fit l’objet d’une culte funéraire. Les textes bibliques en font les habitants primordiaux de la terre de Canaan (Dt 2.11). Mais ces êtres sont aussi connus pour leur séjour au pays des défunts :  Pr 2 ; 18 et 9 ;18). En censurant ces pratiques qui leur semblaient inconciliables avec le culte yahwiste pur, les rédacteurs deutéronomistes ont peut-être remplacés ces mythes par une historicisation qui atteint son point culminant dans la grande geste patriarcale qui sort les patriarche du culte dû aux morts mais leur accorde une place de choix dans la généalogie d’Israël. Ce processus de «généalogisation» des patriarches est remarquable (Père Lagrange ).
    La meilleure preuve, quoi impossible à dater avec certitude est fournie par Osée 12-14 (VIIIe siècle avant JC) car c’est le seul texte prophétique à connaître de la geste patriarcale telle que nous la lisons en Gen 12-50. Donc, ces derniers textes de la Genèse seraient de l’époque perse, c’est-à-dire la fin du VIe siècle et le début du Ve. Le tissage historique des patriarches, promus fondateurs historiques du peuple juif, compense ainsi l’interdiction de vénération des défunts.
    Au fond, les résumés de l’histoire biblique , tels que Ps 95, 136, Dt 4 ;32s, passent de la création du monde à l’Exode.  Seuls des textes bien plus tardifs (IV-IIIE siècles) parlent des patriarches (Josué 24 ; Néhe 9 ; Ps 105… Et pourtant, cette tentative d’insérer les patriarches dans l’histoire biblique tout en les arrachant au rite honni de la vénération des morts, n’est pas complètement réussie puisque l’on ne parvient pas à arracher du cœur des masses la vénération du tombeau des patriarches : le fait que des ancêtres soient enterrés dans unterritoire es la légitimation absolue du droit d’une ethnie de résider dans et de s ‘approprier le dit territoire.
     
    Il est évident que face à l’infinie richesse symbolique d’un tel personnage, à la dimension universelle qui est la sienne dans la conscience religieuse de l’humanité, l’historicité du personnage compte  peu. Certes, si on ne peut démontrer qu’il a réellement existé, en chair et en os, tel qu’il se présente à nous dans la Bible hébraïque, on ne peut pas plus prouver le contraire.  Que l’on songe seulement qu’il est devenu l’inventeur ou le découvreur du monothéisme éthique, une formule que les théologiens allemands du XIXe siècle, juifs et chrétiens (surtout protestants) ont choisi pour rendre leurs religions respectives, agréables aux palais des penseurs héritiers du siècle des Lumières.
              Il faut être réaliste. La critique biblique, dite vétéro-testamentaire lorsqu’elle porte exclusivement sur la Bible hébraïque, improprement nommée Ancien Testament, est une science largement conjecturale mais dont il faut tenir compte si l’on veut rédiger une œuvre sérieuse et lisible par tous. Nous nous conformerons strictement à ce principe, tout en donnant, avec le recul nécessaire, la parole aux représentants d’Abraham dans la tradition religieuse tripartite : judaïsme, christianisme et islam.
        Comme les sources primaires sur Abraham, tel que l’appréhende la conscience occidentale nous viennent exclusivement de la Bible hébraïque qui se constitue d’un canon de vingt-quatre livres,  nous devons dire un mot de la présentation qu’en donne la haute critique, c’est-à-dire la critique biblique.  Au fondement de cette science (O combien conjecturale, par endroits) gît le principe d’une approche historico-critique de la littérature biblique. Si certains s’imaginent encore, en ce début de XXE siècle que les saintes Ecritures sont tombées du ciel dans leur forme actuelle, les pages suivantes risquent de les décevoir… Mais si l’on veut bien suivre le log cheminement de cette méthode critique, on pourra voir qu’elle ne s’oppose ni à la foi ni à la religion. Elle ne heurtera que les rudiments de la religion populaire, celle que l’on dispense, faut de mieux, aux masses incultes et au peuple.
        En France, la critique biblique a longtemps été entravée dans son essor en raisons de réalités socio-religieuses inhérentes à notre pays. (la suite suivra)