DE PARIS SORTIRONT DES PAROLES DE PAIX …
En quelques heures, le président de la République française aura fait oublier l’Euromed. Les difficultés qui paraissaient jadis insurmontables en raison, principalement, du conflit israélo-arabe semblent aujourd’hui presque aplanies. En tout cas, suffisamment pour permettre la tenue de ce sommet qui jette les bases d’un fructueux dialogue entre le Nord et le Sud. La diplomatie française, aiguillonnée par le chef de l’Etat en personne et par ses conseillers les plus proches, a réalisé un tour de forcer dont on croyait les Américains seuls en mesure de le faire.
Certes, le projet initial, qui faisait la part belle à Paris et au président, fut sérieusement revu et corrigé par la chancelière allemande qui en a élargi les dimensions et transformé de fond en comble l’objectif : tous les Etats de l’Union, qu’ils soient ou non bordés par la Méditerranée, doivent en faire partie, surtout si ce sont des fonds européens qui seront mis à contribution pour le financer… On peut dire aussi que nous n’avons vu hier et aujourd’hui que des images et des symboles et que tout reste à faire ! Laissons cela à des esprits chagrins, plus prompts à s’inquiéter de l’avenir qu’à savourer le présent. Et celui-ci laisse bien augurer de ce qui va suivre … On pourrait aussi se faire l’écho de quelques tensions, au sein même du gouvernement, nées de la crainte de voir l’Allemagne se rebiffer… Nicolas Sarkozy a intelligemment repris les observations de nos voisins allemands et le sommet a bien eu lieu.
Le chef de l’Etat français et son homologue égyptien Husni Moubarak ont admirablement bien joué leurs rôles respectifs : le chef d’Etat en tant qu’hôte et le président égyptien en affirmant haut et fort dans son discours de clôture que tous les Etats de la région devront, en fin de compte, entretenir des relations diplomatiques avec Israël… … Il y a quelques années, c’eût été impensable et cette même Egypte avait été mise au ban de la Ligue arabe en raison de la signture d’une paix séparée avec l’Etat hébreu. Tant d’eau a coulé, depuis, sous les ponts de la Seine. Ce conseil aurait eu moins d’impact s’il avait été formulé par le roi du Maroc qui n’a pas fait le voyage, comme le colonel Khaddafi, mais pour des raisons très différentes…
Sans chercher à donner de l’événement une interprétation théologique ou religieuse, on peut relever un halo de messianisme sécularisé qui perce sous ce projet d’union de la Méditerranée. Car derrière les projets de coopération, d’échanges de toutes sortes, on voit apparaître avec le plus de netteté une vision de paix et de fraternité retrouvée. L’Orient et l’Occident, l’Europe et l’Afrique, jadis si opposés, acceptent, après s’être tant combattus, de mettre de côté leurs divergences (et elle sont nombreuses) pour entendre des paroles de paix et de réconciliation.
Quoi de plus élémentaire que de chercher à unir les deux rives d’un même fleuve, d’une même mer… Mais la prouesse la plus audacieuse et donc la plus risquée, tient en un mot : la Syrie ! Quand on pense que ce régime baasiste était jusqu’ici isolé sur la scène internationale, prisonnier d’une véritable quarantaine , poursuivait des projets dangereux et interdits par la légalité internationale ! Et voici que son chef a sa place à la tribune d’honneur du défilé militaire du 14 juillet ! Quand on pense aussi que ce chef d’Etat se retrouve autour de la même table que le Premier Ministre israélien dont les chasseurs bombardiers ont récemment pulvérisé un site militaire douteux dans son pays! Les Arabes, il n y a pas si longtemps, se montraient plus vindicatifs…
Si le conflit israélo-palestinien a connu, grâce à ce sommet, une promesse de détente bienvenue, Ehoud Olmert promettant d’élargir des prisonniers palestiniens et Nicolas Sarkozy évoquant la libération du soldat franco-israélien Gilad Schalit, ce sommet a aussi permis des rapprochements inter arabes ; c’est dire si la rencontre a été préparée avec un très grand soin. Même l’idée de placer cette rencontre juste avant le défilé militaire du 14 juillet n’est pas dépourvue d’une charge symbolique forte ; les armes, enfin au service de la paix, défilant devant quelques dizaines de chefs d’Etat dont certains sont en guette depuis des décennies…
Profitant de ces rapprochements inter-arabes, les président syrien et libanais se sont rencontrés et ont enfin décidé d’échanger des ambassadeur. Le président libanais a même prévu de se rendre en Syrie avant la fin du mois de septembre. La Syrie encore et toujours ! Ce serait elle la grande bénéficiaire du sommet de Paris. Les fastes de l’accueil et les gains politiques et économiques mis en perspective par cette rencontre devraient l’éloigner d’un allié iranien de circonstance, incommode et gênant. Et à moins que toute ne trompe ou qu’il n’ait aucune liberté de manœuvre, le président syrien semble avoir compris, lors de son interview sur France 2 hier soir, qu’il avait tout à y gagner : le projet auquel on veut l’associer rappelle aux riverains de la plus belle mer du monde qu’ils respirent le même air, se nourrissent des mêmes cultures et participent d’une même histoire, celle qui a vu s’édifier une grande civilisation.
On a dit qu’il ne peut pas y avoir de guerre contre Israël sans l’Egypte. On peut aussi dire qu’il ne peut pas y avoir de paix sans la Syrie. Alors que des paroles de paix sortent de Paris…