Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • L’HISTOIRE DE JOSEPH DANS LA BIBLE ET LE CORAN… ET CHEZ THOMAS MANN

     

     

                CONFÉRENCE MENSUELLE À LA MAIRIE DU XVIE
                                 ARRONDISSEMENT DE PARIS

                         Le jeudi 27 novembre 2008 à partir de 20h 15




     L’HISTOIRE DE JOSEPH DANS LA BIBLE ET LE CORAN…
                                           ET CHEZ THOMAS MANN

     
    L’histoire du Joseph biblique est passionnante et attachante, pourtant elle n’a pas vraiment retenu l’attention du grand public, comme elle aurait dû. Au fond, cette belle histoire, probablement inventée de toutes pièces ou simplement réécrite  à partir d’un fait réel,  tirée d’un lointain passé, suivant l’imaginaire du rédacteur du livre de la Genèse, cherche, du chapitre 37 au chapitre 50, à captiver l’attention de ses lecteurs et à façonner ainsi l’histoire du peuple d’Israël qu’elle préfigure d’une certaine manière. …  Cette histoire, parfaitement insolite, établit une transition entre le prologue patriarcal et l’esclavage en Egypte, deux grands blocs entre lesquels se  déterminent les origines d’Israël en tant que peuple. A la question portant sur la provenance des Hébreux on trouve plusieurs réponses : les patriarches, le creuset égyptien, la vie dans le désert, le fait marquant qu’est la révélation du Sinaï et le don de la Tora, et enfin, le plus probable, la fusion avec les peuples de Canaan, lors de la conquête de ce pays.   C’est dire combien cet intermède de Joseph est important : sans lui, pas d’escale égyptienne pour le peuple d’Israël…
    L’exégèse histiroc-critique pense qu’il s’agit d’une histoire développée par une diaspora juive largement hellénisée d’Egypte s’opposant de manière pacifique à la «tyrannique  orthodoxie» de Jérusalem avec son monothéisme pure et dur, sa centralité due à la présence du Temple et sa volonté jugée hégémonique de dicter la loi aux autres. Pensez au cri du cœur du prophète Isaïe qui s’exclame dans son premier chapitre : car c’est de Sion que sortira la Tora et la parole de Dieu de Jérusalem. Sous entendu : et de nulle part ailleurs.     
              Mais quiconque lit cette histoire, ce véritable roman, avec attention, se rend bien compte que le projet a germé dans l’esprit d’un incomparable conteur, doté d’un grand talent romanesque et qui entendait écrire une sorte de nouvelle de la Diaspora, donc une protestation contre l’esprit impérialiste des prêtres de
    Jérusalem. La chose se fait calmement, avec ironie, mais sans faiblesse : le but est de prouver que l’on peut être un juif qui vit bien et réussit en terre étrangère, sans trahir  l’alliance avec Dieu ni manquer à sa vocation. Une sorte d’Exode à l’envers…
    On commencera par citer un magnifique passage de Dichtung und Wahrheit de Goethe ainsi qu’un extrait de lettre à sa sœur Cornélia : dans le premier Goethe affirme avoir voulu apprendre la langue de la Bible auprès d’un vieux moine et s’intéresser fortement à l’histoire merveilleuse de Joseph, l’un des grands nom du peuple d’Israël, fils de Jacob et de sa femme chérie Rachel (qui donna aussi au patriarche Benjamin, le fils de sa vieillesse)… Goethe dit à sa sœur que ce qui retient son attention dans cette histoire, ce sont les aspects typiquement humains et non point les intérêts religieux ou métaphysique. Mais il trouve que cette histoire demeure, par certains aspects, quelque peu inachevée… Ayant écrit des textes sur ce héros biblique et d’autres du même genre, le jeune Goethe, alors étudiant à Leipzig en 1767, se résout à tout livrer aux flammes…
              Cette remarque sur le caractère inachevé ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd puisqu’un heureux hasard, quelques décennies plus tard, poussera Thomas Mann à consacrer à cette belle histoire plusieurs volumes intitulés Joseph et ses frères (1933-1943)… En fait, un peintre, ami d’enfance de Madame Mann, demanda à Thomas Mann d’écrire quelques textes pour accompagner ses dessins relatant l’histoire de Joseph en Egypte… Voilà comment la littérature mondiale s’est, par un  heureux hasard, enrichie d’un chef d’œuvre. On doit aussi noter que même le Coran consacre la Sourate 12 à l’histoire de Joseph, sans que celle-ci ne soit ne soit précédée ni suivie d’un ensemble faisant avec elle un contexte. Le Coran ajoute  des détails savoureux que le récit biblique ne donne pas… Par exemple, sur l’admiration de la beauté physique de Joseph par les femmes, amies de l’épouse de son maître Poipar, etc… Mais c’est l’original qui nous intéresse par sa structure, son caractère composite et aussi par l’influence exercée sur la littérature universelle.
        Le récit de Joseph est trop soigneusement construit, certains revirements ou rebondissements sont trop symboliques pour avoir été simplement réels et historiques, comme on voudrait nous le faire croire. … Mais ce que nous soulignerons d’emblée, c’est la position  centrale occupée par l’Egypte, dans ce récit de l’Antiquité hébraïque. La présentation est essentiellement positive : songez, l’un des patriarches se rend en Egypte avec toute sa tribu, issue de son sein ; le fils, réputé mort, devient vice-roi de ce même pays et organise une économie de subsistance pour sauver le pays de la famine. Et enfin, reconnu par ses frères et rejoint par eux, il s’assimile parfaitement à l’Egypte, son pays d’adoption, tandis que son père, le patriarche Jacob, a un entretien aimable le Pharaon en personne, qu’il bénit !!!
        Mais dès le début du livre de l’Exode, le livre suivant, le rédacteur clôt cette belle idylle en notant sèchement qu’un nouveau roi qui ignorait tout de Joseph monte sur le trône d’Egypte… Après cette précision, tout bascule, l’Egypte devient le pays de l’esclavage, la quintessence de l’impureté (toum’at mitsraim), le lieu où le nouveau roi d’Israël, une fois intronisé, doit s’engager à ne jamais ramener le peuple… Et il en sera de même dans la littérature prophétique (à une ou deux exceptions près) et dans toute la littérature rabbinique ultérieure. Le ton est donné pour toujours… Que s’est-il passé ? Nous ne le saurons jamais : ceux qui redéployèrent l’histoire juive et lui donnèrent une nouvelle dimension, de nouveaux symboles, de nouvelles aspirations, ont décidé que l’Egypte et ce qu’elle représentait, devait quitter à tout jamais l’histoire juive et hébraïque. Juste une trace de reconnaissance dans le livre de l’Exode où l’on recommande de ne pas nuire à l’Egyptien ( l’habitant du pays mais non le pays lui-même)  car tu fus étranger dans son territoire…
        Mais revenons à l’histoire de notre héros Joseph, telle qu’elle nous est relatée dans les chapitres de la Genèse :
    A)    on commence par souligner la prédilection de Jacob pour son fils tant aimé Joseph qu’il distingue de ses autres frères, ce qui suscite l’ire de ces derniers et leur inspire des idées de vengeance.
    B)    A la première occasion, qui n’est pas très claire, lorsque Joseph se présente seul, à la recherche de ses frères, ceux-ci, en un clin d’œil, s’entendent pour lui nuire. Il n’échappe à la mort que sur l’intervention de Ruben qui suggère de le jeter au fond du puits.  C’est symboliquement une descente aux enfers.
    C)    La remontée n’est pas loin et le récit manie l’art dramatique avec maestria : une caravane de Madianites l’achète et va le vendre sur le marche des esclaves en Egypte. Une main providentielle tire Joseph des profondeurs.
    D)    Joseph n’en a pas encore fini avec ce chassé-croisé entre la descente et la remontée spectaculaire : racheté par Potiipar (ou potiperah) voici Joseph devenu intendant de la maison du chef des gardes du corps du Pharaon ; mais sa beauté et sa grâce physiques stimulent les envies de la femme de son maître qui veut avoir des relations intimes avec lui. Comme il epoussait ses avances, elle ourdit un complot contre lui, l’accusant d’avoir cherché à abuser d’elle. Joseph est de renouveau condamné à redescendre après avoir connu une certaine ascension…  mais de courte duréee.
    E)    En détention, Joseph qui, là aussi, a acquis une position avantageuse puisqu’il se charge de tous les détenus, s’inquiète de la mauvaise apparence de deux condamnés, le grand échanson et le panetier du Pharaon. Les deux hommes ont fait des songes qui les préoccupent car ils ne savent pas les interpréter. Joseph, on ne sait comment, domine parfaitement la science de l’interprétation des rêves et livre la solution des deux énigmes.  Au grand échanson qui sera rétabli dans ses fonctions, Joseph recommande de ne pas l’oublier lorsqu’il quittera la prison. Mais le rédacteur biblique saisit cette opportunité pour souligner que l’homme a vite fait d’oublier son ancien co-détenu et bienfaiteur Joseph. La Bible veut peut-être nous dire (ce que soulignera ultérieurement et très explicitement le midrash) qu’il ne faut placer son espoir qu’en Dieu…) Joseph paiera cette erreur ou cette inattention par deux années de prison supplémentaires. Mais voici qu’au terme de cette peine surajoutée, le Pharaon a lui aussi un songe qui le plonge dans l’embarras et la perplexité. Ici aussi, la divine Providence semble avoir confié à d’humaines mains le soin d’intervenir en faveur de Joseph… Le souci théologique de l’écrivain hébraïque est patent : Comment admettre que dans toute l’Egypte, si puissante, si riche, si avancée, il ne se soit pas trouvé un seul herméneute (pas même à la cour du Pharaon !) pour comprendre le songe. Dans le livre de l’Exode, il est bien fait mention des mages et sorciers (hartoumé mitsraim), présents à la cour du souverain ! Lui seul décide de la date de la délivrance. Et là, le grand échanson, comme par miracle, se souvient de Joseph ! Mais l’intention du texte biblique est transparente : c’est Dieu qui a décidé du moment, du lieu et de la façon de faire…  De nouveau, l’esclave hébreu remonte de son trou et cette fois-ci l’ascension sera irrésistible : ayant donné la solution des énigmes, Joseph se voit chargé de régenter toute l’Egypte, le Pharaon, émerveillé par cet homme aux dons divins, va jusqu’à dire que nul n’aura le droit de bouger un doigt ou un pied sans l’autorisation de celui qui est devenu vice-roi du royaume
    F)    Mais ce n’est pas fini. D’ailleurs, si comme nous le verrons infra le Coran ne consacre que 111 versets de la Sourate 12 à cette histoire, la Bible hébraïque s’y attarde trois fois plus (383 versets)… Je pense à la réconciliation de Joseph et de ses frères, du stratagème pour faire venir son frère Benjamin, de l’arrestation des frères sous la fausse inculpation de vol du calice en argent et enfin de la reconnaissance de Joseph par ses frères…

    Au cours de toutes ces péripéties, le rédacteur hébraïque a fait preuve de sa parfaite maîtrise de l’art dramatique dans une histoire qui projette devant nous toutes les passions humaines, les grandeurs et les vicissitudes des hommes : l’arrogance et l’assurance de soi caractérisant le jeune prodige, la jalousie des frères, la propension au vice et au crime, le mensonge au père et la dissimulation, l’adresse et l’ingéniosité de la victime pour se tirer de situations dangereuses, l’art de comprendre la psychologie qui se reflète dans l’interprétation des rêves (voire, même, avant la lettre, une certaine exploration de l’inconscient), la frustration sexuelle d’une femme et corollairement la vertu qui triomphe des tentations, la rectitude et la bonne moralité d’un homme reconnaissant envers un maître dont il ne trahit pas la confiance, la sagesse politique (savoir convaincre le Pharaon de bousculer sa cour et de nommer un esclave hébreu à de si hautes fonctions !!), une qualité d’organisateur et d’administrateur hors pair (songez que non seulment il sauve l’Egypte de la famine mais s’arrange par racheter aux paysans ruinés toutes leurs terres afin de les intégrer aux domaines royaux !), enfin le désir de vengeance maîtrisé et la réconciliation…
        Penchons nous, à présent, plus avant, sur un autre fait des plus étonnants : l’image excessivement positive que cette histoire nous offre de l’Egypte, de son roi, de son gouvernement, de ses mœurs, de ses rites funéraires, de ses moyens de transport, de ses bijoux royaux, des privilèges de son clergé etc… En effet, le texte hébraïque stipule que les terres de la classe sacerdotale sont inaliénables et ne peuvent donc pas tomber, elles aussi, dans l’escarcelle du Pharaon.
    Quand on réalise que dès le livre de l’Exode, l’Egypte sera honnie, bannie, rejetée à tout jamais, on ne peut dissimuler son étonnement.  Pour un esclave hébreu, à l’origine d’une grande histoire religieuse et nationale à venir, il est frappant de voir combien Joseph s’est assimilé à son pays d’accueil. Le professeur Kuschel a raison de parler d’une théologie de l’autre, d’une herméneutique du dialogue, d’une ouverture inouïe à une autre civilisation :
    a)    Joseph s’habille désormais comme un Egyptien, ses vêtements de soie sont d’une blancheur éclatante et le pendentif qui orne désormais son cou est le symbole de la noblesse royale égyptienne.. Les Egyptiens sont tenus de lui témoigner respect et vénération en criant sur son passage : avrekh
    b)    Pharaon lui donne même un nom égyptien, Tsofna pa’né’a qui voudrait dire dans la langue de l’Egypte antique : Dieu a dit : qu’il vive ! Mais là, le rédacteur a été prudent, le Dieu en question demeure anonyme…
    c)    Joseph épouse même une princesse égyptienne, fille du grand prêtre du dieu Ra Asénét, dont le nom fait référence à une déesse. Bref, la panoplie du Juif parfaitement assimilée
    d)    Et le couronnement de cette «Egyptophilie» incroyable, c’est le patriarche Jacob qui vient s’installer sur place auprès de son fils Joseph, avec tout son clan. Mieux encore, il a droit à un entretien privé avec le Pharaon qu’il bénit (voir supra)  !! Comment le fondateur de la tribu d’Israël, le chantre du monothéisme biblique a-t-il pu bénir celui qui se prenait pour  un Dieu-Roi ?
    e)    Enfin les obsèques de Jacob : un convoi funéraire, comme on n’en avait encore jamais vu, remonte d’Egypte vers le pays de Canaan pour se diriger vers Hébron où le patriarche Abraham avait acquis un caveau. Tout ce que l’Egypte ancienne comptait de personnalités est du voyage ; le texte hébraïque nous dit que les habitants de Canaan observent, médusés, la cérémonie des obsèques. Quel spectacle ! Kuschel note avec pertinence : Egyptiens, Hébreux et Cananéens unis, communient dans le souvenir du patriarche disparu. La scène ne se reproduira hélas ! plus jamais !

    Une telle Egypte a-t-elle jamais existé autrement que dans l’imaginaire d’un auteur, fasciné par ses mœurs, sa richesse, voire même par l’embaumement de ses morts ? On sent, cependant, qu’une autre main éditoriale est passée par là : on ne dit, au début, que même lorsqu’il fut promu vice roi, Joseph ne mangeait pas à la même table que les Egyptiens ; et sentant sa mort prochaine, il fera jurer aux Hébreux de l’exhumer pour l’enterrer en terre d’Israël… lorsque Dieu les extraira de la terre d’Egypte. C’est la volonté de se détacher, de s’isoler, de se différencier qui reprend ses droits après avoir offert u lecteur une somptueuse histoire  de dons et d’échanges, de dialogues des cultures et des civilisations.
        Les futurs constructeurs de l’histoire juive en ont décidé autrement ; désormais, ils se poseront en s’opposant et décideront que le peuple d’Israël dont Joseph fut le symbole étincelant, quittera les rives du Nil pour ne plus revenir dans le pays des esclaves…
        Au fond, l’histoire de Joseph est un condensé de l’histoire biblique : arrivé en Egypte dans un convoi de négriers qui le vendent comme esclave, il régentera ce pays et accèdera aux plus hautes destinées. Dans le livre de l’Exode, le rédacteur hébraïque notera aussi, par un saisissant parallèle, qu les Hébreux, réduits en esclavage, quitteront ce pays la tête haute, chargés de cadeaux et de richesses.

        Dans le Coran, nous découvrons à peu de détails près la même histoire mais avec une orientation très différente. La préoccupation théologique est omniprésente et la conscience que cette histoire est largement symbolique et allégorique, est maintes fois réitérée, au début comme à la fin. Cette histoire,   nous dit-on, contient des signes pour ceux qui posent des questions. En clair : cette histoire est riche d’enseignements et dépasse la matérialité des faits qu’elle évoque. Et à la fin, nous lisons que ce récit contient une exhortation, qu’il est plein d’enseignement pour les habitants de la terre. Mais le Coran ne nomme pas Potipar, laisse de côté l’aspect crucial de la Terre sainte.
        En outre, dans le Coran c’est Dieu qui est le principal narrateur alors que dans le récit biblique, on y fait à peine mention, par exemple pour dire que c’est l’Eternel qui détient la science et la sagesse des rêves…
        En revanche, l’épisode de la tentation sexuelle de l’Egyptienne (non nommée, c’est plus tard que des variations littéraires arabes la prénommeront Zuleicha) est riche de détails inédits : par exemple, la femme veut donner une leçon à ses amies qui la soupçonnent d’entretenir une liaison avec son domestique Joseph. Elles les invitent donc au goûter et  remet à chacune un couteau pour éplucher et manger des fruits. Lorsque Joseph fait son apparition et apporte les fruits, les dames sont captivées par sa beauté et se coupent les doigts…  Mais lorsque le drame est noué et que Joseph se sauve en laissant sa tunique entre les mains de l’épouse volage, le Coran s’attarde sur un détail digne de la criminologie. La tunique porte une déchirure à l’arrière et non à l’avant, ce qui laisserait supposer que la tunique fut arrachée lors d’une fuite et non par devant, lors d’un assaut ou d’une tentative de viol… Ce fait suffit à innocenter Joseph et permet au Coran de dire que les intrigues des femmes sont diaboliques et que la coupable dut se repentir et implorer le pardon divin. 
        Enfin, le Coran est plus réaliste et connaît bien la nature humaine. Joseph y reconnaît avoir ressenti du désir pour la femme volage car, dit-il, le cœur de l’homme le pousse au mal… Mais Dieu est venu à son secours et l’a aidé à être fort et à résister à la tentation. Même le Pharaon, en monarque consciencieux, se penche sur le «dossier» de Joseph et voit sous quel chef d’accusation il avait été détenu. Un détail passé sous silence par la Bible hébraïque.

        A l’époque moderne, c’est la belle histoire de Joseph et de ses frères de Thomas Mann qui retient l’attention. En quatre somptueux volumes (Histoires de Jacob, Le jeune Joseph, Joseph en Egypte, Joseph nourricier) il donne un relief exceptionnel à ce thème biblique qui révèle sous sa plume son exceptionnelle fécondité.  Pour écrire ce beau récit romanesque, Mann a effectué d’impressionnantes recherches qu’il met au service de sa verve littéraire, sans jamais verser (comme nous) dans l’ennui de la critique historico-philologique de la Bible.
        Quelles leçons pouvons nous tirer de cette belle histoire qui est, en partie, fictive ? Qu’il faut avoir une approche prudente et éclairée des textes religieux. Aussi un message d’espoir : Hébreux, Egyptiens, Cananéens, unis pour pleurer le patriarche Jacob, le nouvel Israël, et vénérer sa mémoire. Une sorte de fraternité retrouvée des fils d’Abraham.


     

  • LA MORT EN FACE…

     

    LA MORT EN FACE…
        Je n’ai pas hésité longtemps ce matin avant de choisir le thème de mon présent papier: il s’agira de cette mère de quatre enfants, atteinte d’un cancer généralisé et à laquelle les médecins ne donnent pas plus de quelques semaines de vie… Cette femme admirable a décidé d’organiser le vie de ses chers enfants avant sa disparition. Elle a donc trouvé une famille d’accueil et s’est assuré que les enfants ne seront pas séparés.  Quand je l’ai entendu parler hier soir sur Antenne 2, il y avait quelque chose d’irréel dans cette voix qui allait s’éteindre à tout jamais, passer à l’éternité mais qui, tout de même, parlait avec un certain détachement de l’avenir de ses enfants.
        Que dire ? De quoi parler ? De l’amour maternel, symbole de l’altruisme absolu ? De la mort qui ouvre sous nos pieds un abîme insondable ? De Dieu ? De la cruauté de la providence ou de son absence scandaleuse puisqu’elle permet que de jeunes êtres soient, à un âge si tendre, privés de leur mère ? Je ne sais ;
        Ce que je note, c’est que nous vivons à une époque absolument différente de toutes qui nous ont précédés. Généralement, ceux qui vont mourir préparent un testament, répartissent leurs biens et leurs avoirs entre leurs héritiers et mettent leurs affaires en ordre. Là, c’est du vivant qu’il s’agit : une mère consciente que la maladie va la séparer d’êtres qui ont besoin d’elle, veille à ce qu’ils aient un même foyer, une seule et même famille, et tient à ce qu’ils ne soient pas séparés. D’ailleurs, la fille la plus jeune, a déjà rejoint sa nouvelle famille afin de réduire au mieux les souffrances d’une réinsertion.
        L’amour d’une mère, on le sait, peut aller jusqu’au sacrifice de soi, à l’abnégation totale. Mais dans le cadre de notre société actuelle, je redoute une déshumanisation rapide des liens humains. Je souhaite aussi que l’on puisse enfin vaincre cette maladie qui ravage les familles. Et aussi qu’il nous permis de rendre hommage à cette mère qui, loin de s’apitoyer sur son sort, loin de penser à elle, prépare post-mortem, l’avenir de ses enfants.
     

  • LES CRUCIFIX À L’ECOLE

     

    LES CRUCIFIX À L’ECOLE
        Resté à Genève plus longtemps que d’habitude, je n’ai pu réagir en temps et en heure à ce procès en Espagne opposant un particulier à une institution, l’école, en l’occurrence : il s’agissait d’enlever de ce lieu public les crucifix, conformément à la loi.
        Le problème, c’est qu’il s’agit de l’Espagne, pays de la reconquista médiévale, pays du natonal-catholicisme (dit sans nuance péjorative) et où la religion du Christ Roi fait indissolublement partie de l’identité nationale depuis au moins 1492, date de l’expulsion des juifs de ce pays. La justice fait son travail et fait respecter la loi, mais le prélat, à la tête du diocèse de Séville s’insurge et crie à la dés identification, à la dépersonnalisation du pays, voire à un début de déchristianisation. Et à Rome, en haut lieu, on semble lui donner raison.
        C’est un dilemme, un douloureux débat. D’un côté, il y a la séparation de deux ordres, de l’autre il y a le poids du passé qui n’a pas toujours respecté cette séparation… Il est normal que des citoyens sans attache confessionnelle majoritaire souhaitent éloigner des établissements d’enseignement des objets symbolisant un culte qui n’est pas le leur… Mais pour l’immense majorité  de la population, la présence de crucifix à l’école et dans les hôpitaux va de soi. La même chose s’était produite, si je ne m’abuse, en Italie, pays encore plus enracinée dans la tradition catholique.
        Il me semble qu’ici, il faut réagir avec intelligence et comprendre que dans ces pays, le christianisme n’est pas seulement une religion, c’est une matrice culturelle qui a fécondé et déterminé l’histoire  de tous les habitants. Les nouveaux venus ou ceux qui se sont légitimement éloignés de la tradition ancienne, au terme d’une évolution personnelle, devraient aussi comprendre que l’on ne se défait pas aussi facilement de traditions ancestrales.
        Si l’affaire aboutit devant une cour de justice, je suis curieux de voir comment les magistrats vont trancher… Mais en ce qui me concerne, j’étais déjà pour la proposition allemande lors du congrès européen de Nice qui demandait que soient mentionnées les racines judéo-chrétiennes de l’Europe.