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  • Manuel Valls versus Jean-Luc Mélenchon ; les dessous d’un étrange conflit…

    Manuel Valls versus Jean-Luc Mélenchon ; les dessous d’un étrange conflit…

    Ni l’opinion ni les média n’ont l’air de prendre au sérieux cette bataille à couteaux tirés entre deux hommes issus de la gauche, désormais transformée en champ de ruines. Que les deux hommes, jadis, dans une autre vie, alliés autour du PS, s’arrachent les débris d’un parti mort et enterré, cela n’est pas nouveau sous le soleil. En revanche, l’enjeu qui apparaît de plus en plus clairement, ne laisse pas d’être inquiétant. De tous les commentateurs, seul, me semble-t-il, Christian Barbier a compris ce qui est en train de se tramer.

    L’ancien Premier Ministre qui a été longtemps maire d’une banlieue affectée par le communautarisme a pris des positions courageuses, même du temps où il était le locataire de Matignon. Son adversaire cherche désespérément une place dans le nouvel échiquier politique et fait flèche de tout bois pour ne pas être oublié par les média qui lui donnent un semblant d’existence. En effet, aucune élection n’est prévue avant deux bonnes années, donc aucune occasion d’accaparer les médias pendant je ne sais quelle campagne électorale… En plus avec un petit groupe à l’Assemblée, rien de transcendant ne peut se passer. Partant, J-L Mélenchon s’agite de son mieux pour exister. Mais voilà, dans ses troupes, certains se rapprochent dangereusement de quelques thèmes qui vont scander notre vie politique intérieure dans les mois, voire les années qui viennent. Et les solutions qu’ils préconisent n’inspirent vraiment pas la quiétude ni la sérénité.

    Valls a dénoncé les velléités de contourner les règles de la laïcité alors que son adversaire renifle dans ces milieux un bon bassin de recrutement, un gisement de voix pour son mouvement la France insoumise. Or, ceci ne peut se faire que si on cède sur la règle de la laïcité. Par ailleurs, les récents attentats, notamment ceux qui ont pu être déjoués ou n’ont pas fonctionné grâce l’intervention de la divine Providence… montrent que la situation se tend.

    Or, hier, le ministre de l’intérieur a largement parlé des problèmes liés à l’islamisme, problèmes qui, selon Chr Barbier, risquent de porter atteinte à la cohésion nationale. Et nous avons des exemples très instructifs qui remontent au XIXe siècle européen.

    Nous sommes vers 1830, les juifs d’Europe, notamment d’Allemagne, n’ont pas encore les mêmes droits civiques que leurs concitoyens chrétiens. Surgit alors la question juive, la Judenfrage. La France révolutionnaire avait, avec des hauts et des bas, abordé justement la question et certains conventionnels avaient intelligemment appréhendé ce point. Le plus lucide est devenu célèbre (Clermont-Tonnerre) pour sa fameuse formule (même si elle fut démentie en 1948) : tout aux Juifs en tant que religion, rien en tant que nation…

    Les sociologues allemands du XIXe siècle avaient théorisé la question de la même façon : les juifs qui veulent s’intégrer, le veulent en tant que communauté religieuse (une simple religion parmi d’autres) ou se veulent -ls une communauté nationale (un peuple au sein d’un autre peuple, un status im statu, un état dans l’état) ? Et dans ce cas, on irait vers des difficultés réelles. Hier, le ministre de l’intérieur a vaguement d’insérer, d’une insertieon là où le terme intégration eût été de mise…

    Si les Français de confession musulmane ne réfléchissent sur cette question, l’Europe risque d’hériter d’une Islamfrage, un problème islamique. Nous sommes tous des républicains, ce qui compte c’est l’identification aux valeurs laïques et républicaines et non point l’appartenance religieuse qui doit rester confinée à la sphère privée. Mais toutes les religions monothéistes n’adoptent pas la même attitude face à ce problème qui grandit à vue d’œil au point de diviser la nation tout entière. Toutes les religions qui ont une base humaniste et rejettent l’exclusivisme religieux doivent avoir droit de cité. Mais sans prosélytisme ni haine, qu’elle soit partisane ou théologique.

    Il semble que J-L Mélenchon ait oublié cette ligne rouge. La querelle qu’il fait à son adversaire est une mauvaise querelle. Cette question et tant d’autres doivent être appréhendées avec sérieux et l’objectivité nécessaire. On se défend mal de l’impression que certains puisent dans ce vivier pour se renforcer électoralement au risque de pécher contre l’épine dorsale de la démocratie française.

    La France doit rester le pays de Montaigne, de Voltaire et de Renan. Certes, elle est aussi celui de Pascal mais elle ne saurait se renier.

    Dans le cadre d’un tel débat, la démagogie et le populisme doivent être bannis. A bon entendeur salut…

  • La Qasida de Joseph : du judéo-arabe en français

    En souvenir de ma mère (Zal) qui chantait souvent ce poème

     

    Par Maurice-Ruben HAYOUN*

     

     

    Introduction

    Le poème judéo-arabe qu’on peut lire ci-dessous désormais en traduction française annotée fait partie d’une vaste littérature qui est, aujourd’hui, tombée en désuétude. Pourtant, dans tout le judaïsme médiéval, tant d’Orient (l’Irak, l’Egypte, le Yémen, l’Arabie etc…) que d’Occident (l’Afrique du nord : Algérie, Maroc, Tunisie, al-Andalous et Libye) les membres éduqués de cette communauté religieuse parlaient et écrivaient en langue arabe, tout en recourant à des caractères hébraïques. La chose ne présentait pas de difficultés insurmontables car les deux langues, l’hébreu et l’arabe, sont des langues sœurs, issues du groupe nord-sémitique, qui possèdent un nombre à peu près équivalent de phonèmes, même si, en arabe les racines (ca. 3500) sont nettement plus nombreuses qu’en hébreu (ca. 1600). Pour ce qui est des langues du Proche Orient trois d’entre elles forment un trio en raison de leurs similitudes et de leurs ressemblances: l’hébreu, l’arabe et l’araméen. Cette dernière langue a été la langue maternelle de Jésus.

    Dans la philosophie médiévale juive et jusqu’au XIIe siècle inclus, l’arabe a longtemps été la lingua franca, notamment chez Maimonide qui rédigea la plupart de ses écrits, dont le Guide des égarés, en arabe ; mais son niveau de langue n’est pas du tout comparable avec ce que nous venons de traduire ici. Il s’agit d’une terminologie philosophique précise et spécialisée, véhiculant des notions et des concepts philosophico-théologiques.

    Nous avons récemment publié dans le site JFORUM un article intitulé Plaidoyer pour une culture oubliée, le judéo-arabe. La marche de l’histoire et les vicissitudes de la politique internationale ont contraint nombre de familles juives d’origine séfarade ou maghrébine, à mettre tout cet héritage ancestral sous le boisseau, alors que des savants comme le regretté professeur Haïm Zafrani ont consacré le meilleur de leurs jours et de leurs veilles à faire connaître cette culture menacée aujourd’hui de disparition.

    On peut parler d’une symbiose culturelle judéo-arabe puisque les débuts du rationalisme juif remontent à Saadia Gaon (882-942) qui a écrit son œuvre majeure, Livre des croyances et des opinions (Kitab al amanat wa l i’tikadat) en arabe mais comme toujours avec des caractères hébraïques.

    Je pense que la production de tels poèmes visait, entre autres, à l’édification religieuse des femmes qui n’avaient pas accès aux subtilités de l’hébreu biblique. Le même souci d’édification religieuse était aussi présent en milieu ashkénaze pour les livres de prières en yiddish (Tséna rééna).[1]

    Par quels facteurs s’expliquent ces poèmes judéo-arabes portant sur des personnages bibliques de premier plan comme Moïse ou Joseph, pour ne citer que les plus connus ? Je crois qu’il faut prendre comme point de départ la Bible hébraïque où ce récit, peut-être romancé et embelli à l’extrême, occupe une place tout à fait à part, en raison, justement, de ses enseignements théologiques et religieux. Car, si on en fait rapidement l’analyse raisonnée, sans préjugé aucun, on constate que le récit défend, en gros, deux thèses :

    1. Le juif peut vivre en paix et réussir même hors des frontières de la terre d’Israël. C’est une légitimation de l’exil dans des cas précis.
    2. La providence divine étend sa main protectrice AUSSI sur les individus juifs qui vivent à l’extérieur des frontières de la terre d’Israël.

    Un autre exemple magistral nous est offert par la reine Esther, jeune orpheline judéenne confiée à la garde de son oncle, devenue, si l’on en croit la Bible, reine de l’empire perse, aux côtés du roi Assuérus… Quelle réussite, mais aussi quel altruisme puisqu’elle consent à se mettre en danger quand il s’agit de voler au secours de ses coreligionnaires et d’annuler l’infâme décret d’extermination voulu par Hamane.

    Mais tant pour Joseph que pour son père, le patriarche Jacob, le séjour et non l’installation définitive en terre étrangère, connaît une restriction de taille : tous deux prennent soin de réclamer de leur vivant une sépulture juive en terre d’Israël. Il s’agit donc d’une solution temporaire puisque la Terre promise ne se trouve pas au bord du Nil mais sur les rives du Jourdain.

    Notre texte judéo-arabe vers lequel il convient de se tourner à présent, après ce bref préliminaire, est anonyme. Sa langue n’est pas très pure, elle ne ressortit pas à un niveau de langue très élevée car il s’agit d’un narrateur, voire d’un conteur, qui s’adresse à un public populaire. Pourquoi avoir consacré de telles lignes judéo-arabes au lieu de s’en tenir aux récits bibliques originaux qui se lisent dans les synagogues le samedi matin ou, à l’occasion des fêtes juives ? Nous nous répétons : peut-être pour les dames qui ne dominaient pas le langage biblique mais auxquelles il importait tout de même de transmettre des rudiments d’histoire sainte. Et cette tradition s’est enracinée dans les mœurs au point de faire partie d’un héritage ancestral

    Peut-être parce que les gens ne maitrisaient plus l’hébreu biblique et qu’il était plus sage de leur donner des résumés romancés sur des personnages bibliques de premier plan. Car, ne l’oublions pas, c’est Joseph qui a sauvé de la mort -par la famine- tout le clan de son père ; il eut aussi l’insigne honneur, si l’on croit la Bible, de voir Moïse en personne rapatrier avec les enfants d’Israël ses propres ossements… Le midrash rabba justifie ainsi cet honneur fort rare : Joseph a été choisi pour présider les obsèques de son père, le chef du clan, il était normal qu’un personnage au moins aussi illustre que Moïse, l’unique prophète-législateur d’Israël, prît en charge son enterrement.

    La langue judéo-arabe de notre texte est résolument d’origine marocaine. D’ailleurs, l’imprimeur Lugassi, très connu pour ses presses hébraïques à Casablanca (38 rue des synagogues, quel nom de rue prédestiné !) était natif du Maroc. C’est lui qui éditait notamment les livres de prière et reproduisait les versions parues à Livourne. Du reste, vous ne trouverez pas dans ce poème sur Joseph le moindre indice du vernaculaire algérien ou tunisien.

    On ne sait pas qui est l’auteur de cette version que nous venons de traduire. Elle est anonyme et on ignore aussi sa date de parution. J’incline vers le milieu du XIXe siècle, comme date de composition. Mais il est difficile de savoir de science sûre si notre version n’est pas, en réalité, la résultante de versions plus anciennes et plus ou moins différentes. A la fin de son texte, l’imprimeur se contente de signaler, sans plus de détails, que ce fascicule est en vente chez lui, 38 rue des synagogues. Pour le reste, on en est donc réduit à des conjectures.

    Il est permis de penser que de telles variations littéraires sur un personnage aussi célèbre que Joseph étaient nombreuses, que les nouvelles parutions se sont inspirées des précédentes et que chaque adaptateur y est allé de son couplet. Il me semble, toutefois, que plusieurs thèmes ont la préférence de l’auteur de ce texte : la carence de fraternité parmi la progéniture du patriarche Jacob, le traitement cruel du jeune frère vendu comme esclave, la centralité des rêves et de leur interprétation, la conquête (intellectuelle) de l’Egypte, puissance hégémonique de l’époque et qui couronnera même Joseph, son sauveur, l’aventure manquée avec Madame Potiphar et la conduite vertueuse de Joseph dont la beauté était assez renversante si l’on en croit les développements de notre texte. En une phrase ; le héros hébraïque reconquiert une place éminente dans la société, même dans une société étrangère, grâce à sa culture religieuse qui lui fait comprendre le message des rêves, domaine obscur relevant des divinités et du surnaturel. C’est un peu l’affirmation de la supériorité de la culture judéo-hébraïque sur tout le reste, et notamment par rapport aux mœurs de l’Egypte ancienne, censée avoir réduit tout le clan de Jacob à l’esclavage. Il y a ici un peu de fierté nationale de la part d’une minorité vivant en exil depuis près de deux millénaires.

    Un mot de la structure intellectuelle du texte qui mêle assez harmonieusement des données de provenances diverses : le texte biblique qui sert de cadre, le Midrash rabba sur la Genèse qui permet une extension narrative, et le Coran, sans oublier certains commentateurs arabes post-coraniques, lesquels ont donné un prénom à Madame Potiphar, Zouleikha. Il faut rappeler que le Coran (sourate XII) débaptise Potiphar et le nomme respectueusement Al-Azize, ce qui renforce l’impression d’un authentique coloris local. Le conteur installe un acteur principal de ce récit dans son propre environnement connu et habituel.

    Le texte donne aussi parfois la parole à Joseph qui se lamente sur son sort, implore le soutien de sa défunte mère quand il passe à proximité de sa sépulture ; il a la nostalgie de son vieux père qui le chérissait tant, etc…

    Le narrateur fait clairement allusion aux origines juives de Joseph qui dit à Zouleikha : je fais partie de la nation d’Israël, composée d’hommes libres… sous entendu : vous m’avez peut-être acheté comme esclave, mais je suis encore en mesure d’exercer mon libre arbitre. Vous ne pourrez pas disposer de moi, comme vous le voudrez. Je ne serai pas votre esclave sexuel.

    A la fin de son poème, Puis il y a la très humble et très émouvante prière, dans les toutes dernières lignes, où le conteur prie Dieu de réunir les exilés, de ressusciter l’ancien Etat juif et de reconstruire le sanctuaire de Jérusalem.

    * J’exprime ma profonde gratitude à Monsieur Jacques-Henri ABIHSSIRA qui a mis à ma disposition une copie du texte judéo-arabe et a bien voulu me relire.

     

    Traduction française

    Qasida[2] de notre patriarche[3] Joseph

    Avec l’aide de Dieu[4] je commence à raconter ce qui est arrivé à notre patriarche Joseph avec ses frères qui étaient au nombre de dix[5]. Il avait l’habitude de rester à la maison avec son père et de passer ses jours et ses nuits exclusivement à lire[6]. Mais un jour il dit à son père : j’ai vécu un événement extraordinaire, j’ai vu onze étoiles, le soleil et la lune ; tous se prosternaient devant moi, Oh toi qui auras longue vie[7].

    Il lui dit : Oh mon fils, cesse donc de tenir ce discours. Mais lorsque ses frères apprirent la nouvelle, chacun en fut chagriné et ils se dirent les uns aux autres : il veut régner, en voici la preuve. Plus aucun ne consentit à le regarder[8], ils se dirent : mais jusqu’où compte-t-il aller avec une telle insolence ?

    Joseph a achevé son discours[9], il s’était si naïvement[10] livré sans se méfier, il était le fils unique de sa mère, aucun autre enfant n’était aussi chéri que lui.

     Oh seigneur, aucun autre enfant,[11] !

    Ses frères en prirent bonne note, ils vaquèrent à leurs occupations, chacun faisait paître son troupeau au désert, même les déserts les plus reculés,

    Oh seigneur, dans les déserts les plus reculés.

    Ruben[12] était soucieux, il réfléchissait intensément à la chose, qu’il prenait très à cœur, et ne désespérait pas de s’en expliquer avec ses frères,

    Oh seigneur, de s’en expliquer avec ses frères.

    La chose parvint aux oreilles de Jacob qui n’y décela aucun mal, il n’imaginait pas que les frères seraient capables d’une telle ignominie[13]. Il lui dit ; Oh Joseph, va aux nouvelles, tes frères passent la nuit à la belle étoile, il répondit : bien que cela soit au-dessus de mes forces, je n’irai jamais, pas même par le regard, à l’encontre de la volonté de mon père, quoiqu’il m’en coûte. Joseph se mit en route dans le désert et se rendit qu’il s’était perdu[14]. Il fit une rencontre et on lui dit : mais que cherches tu Oh Joseph ? Tes frères étaient bien ici, je vais t’en fournir la preuve.

    Place ton espoir[15] en Dieu, accepte son verdict jusqu’au bout, soumets toi à ce que notre Seigneur t’impose, notre Dieu est miséricordieux,

    Oh seigneur, notre Dieu est miséricordieux.[16]

    Celui qui demeure dans les hauteurs est parfait, il envoie une plaie mais il guérit aussi avec des médicaments[17]. Va ! Sers ton Dieu, ne l’oublie pas, accorde lui encore plus de louanges.

    Oh seigneur, accorde lui encore plus de louanges.

    Ton père Jacob, qui est assis auprès de lui ? Tes frères sont passés par ici, ils se dirigent vers Dothan.

    Oh seigneur, ils se dirigent vers Dothan.

    Lorsque Joseph se mit en route, la nouvelle de son arrivée l’avait précédé. Chaque frère arriva en courant. Il se mit à les supplier, les aînés comme les plus jeunes. Rien n’y fit, ni les suppliques ni les signes de soumission. Il leur dit : Oh mes frères, mais qu’ai-je fait de mal ? Même les païens ne commettraient pas un tel méfait. Ils prélevèrent le meilleur bouc de leur troupeau de chèvres qu’il égorgèrent, y (dans son sang) plongèrent la tunique (de Joseph) qui devint toute rouge.

    L’ayant dépouillé de son habit Chacun lui donna un coup (…) il dit : ce scandale était écrit[18]. Je dois le subir de la part de mes propres frères.

    Oh seigneur, de la part de mes propres frères.

    Naftali se leva précipitamment[19], il dit : il est temps de l’emmener[20] chez notre père à présent. Nous l’avons trouvée, jetée dans une forêt[21]. Contente[22] toi seulement de l’identifier.

    Oh Seigneur, contente toi de l’identifier.

    Quand il s’en saisit une profonde tristesse l’envahit. Il dit : c’est bien là la tunique de mon fils. Dès cet instant précis, je sombre dans le deuil.

    Oh seigneur, je sombre dans le deuil.

    Joseph était d’une grande beauté, mais le jour où ils le jetèrent dans un puits sans eau mais infesté de serpents et de vipères[23] son visage en fut décomposé et devint très pâle. Dieu[24] suscita la venue d’une caravane d’Arabes en route vers l’Egypte et qui venait d’un très lointain désert. Ils[25] se dirent : vendons le à ces gens, ainsi il disparaitra, nous ne le verrons plus jamais et nous n’aurons pas d’explications à fournir.

    Lorsque ces Arabes le firent remonter, ils lui dirent viens donc, petit, accepte le destin que Dieu t’a fixé , contente toi de nous suivre,

    Oh seigneur, contente toi de nous suivre.

    J’étais caché dans un puits, j’étais menacé par tous ces reptiles, même si Juda m’aimait bien, ils m’ont vendu à un certain prix.

    Oh seigneur, ils m’ont vendu à un certain prix.

    Il dit : je suis prêt à endurer mon destin intégralement, mais où est donc mon père pour qu’il contemple mon tourment ? Quand ils me firent remonter ils ont souillé mon vêtement, ils m’on laissé tout nu,

    Oh seigneur, ils m’ont laissé tout nu.

    Lorsque les Arabes s’en saisirent ils lui mirent sur un âne, ils passèrent[26] devant la tombe de sa mère, une pierre se détacha et chuta ; alors Joseph se mit à pousser de grands cris. Elle lui dit : mon fils, supporte ce malheur. Ils revinrent sur leurs pas et la supplièrent d’obtenir la rémission (de leurs péchés) Nous savions que tes péchés seraient pardonnés et lorsqu’ils s’acquittèrent du prix, ils le[27] conduisirent en Egypte

    Potiphar faisait partie des autorités, il l’acheta et lui dit : je voudrais que tu travailles chez moi, dans ma maison, mais tu travailleras sans recevoir de salaire.

    Dès qu’il eut franchi la porte de la maison, ils virent que Joseph était d’une beauté resplendissante. Et La nouvelle se répandit,

    Oh seigneur, et la nouvelle se répandit.

    Le regard de Zoulekha[28] s’attarda sur lui, elle se dit : mais comment vais-je le séduire celui-là ? je vais prier Dieu afin qu’il accepte, car ce jeune homme est l’incarnation même de la beauté.

    Oh seigneur, l’incarnation même de la beauté.

    Tout ce qu’il voudra, je le lui donnerai, je le comblerai d’or et d’argent, je me suis jurée de ne pas de ne pas succomber devant mes ennemis.

    Potiphar je vais l’égarer, il ne pourra ni me voir ni le voir[29].

    Seigneur ! Que dois-je faire pour guérir de tous mes tourments ?

    Oh seigneur, pour guérir de tous mes tourments.

    Il (Joseph) lui dit : même si vous me donniez cent quintaux[30], ce serait une faute commise à l’encontre de mon père et de mon ancêtre, je n’irai pas à l’encontre de Dieu tout-puissant, et comment m’y résoudrais-je ? Je fais partie des enfants d’Israël, de cette lignée d’hommes libres. Alors, levez vous et partez, et cessez de me tenir de tels discours.

    Zouleikha se mura dans le silence et cessa de parler. Son visage était décomposé et devint tout pâle. Ses voisines lui demandèrent d’où venait toute cette peine. Elle leur dit, je suis en train de courir à ma perte. Joseph me fend le cœur comme s’il me donnait des coups d’épée.. Et que celles qui me disputent viennent donc se rendre compte par elle-même de mon calvaire. Elle les fit asseoir et leur distribua des concombres et un couteau. Chacune tenait entre ses mains un citron. Elle cria : Joseph, viens, montre toi ! Dieu est mon garant, je promets de ne plus t’importuner.. Lorsque Joseph fit son entrée, la pièce s’illumina soudain, comme si le soleil et la lune éclairaient conjointement.

    Lorsqu’elles levèrent les yeux sur Joseph, elles eurent l’impression de chavirer et elles se coupèrent les doigts tant elles ne parvenaient pas à le quitter des yeux.

    Oh seigneur, tant elles ne parvenaient pas à le quitter des yeux[31].

    Joseph ne pouvait pas les voir, il sortit de la maison et les laissa sur place ; il pria : O Dieu frappe les de cécité.

    Elles dirent à Zouleikha : lève toi et viens dissiper ce tourment. Elle leur répondit qu’elle ne pouvait même pas marcher. Lorsque Joseph rentra, elle se répandit en de nouvelles complaintes. Il lui répondit : même si on me déchirait en mille morceaux, (je ne transgresserai pas) Elle se saisit alors de lui mais il continua de se débattre. Il quitta la maison et la laissa seule avec elle-même. Sur ces entrefaites arriva Potiphar qui s’enquit des raisons du malaise de sa femme. Elle répondit que l’esclave juif lui avait gravement manqué de respect..

    Regarde, son habit est encore entre mes mains. ; pour me libérer, j’i dû pousser de hauts cris[32] J’étais ici toute seule, sans voisins,

    Oh seigneur j’étais toute seule, sans voisins.

    Il lui demanda : mais que s’est il passé, Oh mon esclave ? Tu vas m’accompagner chez le Qadi et m’expliquer pourquoi as tu voulu me tromper dans la paternité de mes enfants ? Et reconnais ce que tu as fait… Maître, je ne tiens cela ni de mon père ni de mon ancêtre. Je prends Dieu à témoin. Je n’ai commis aucune traitrise à son endroit. Je n’ai jamais levé les yeux sur elle

    Oh seigneur, je n’ai jamais levé les yeux sur elle.

    Lorsqu’ils arrivèrent chez le sage (hakham) ils exhibèrent l’habit[33] et dirent qu’il n y avait plus aucun doute. Il appela son ami et ils la battirent comma on bat des parjures. Il lui dit que le témoignage de la femme ne pouvait pas porter contre lui : je n’ai pas commis ce péché. Dieu est mon témoin, il voit et il sait, lui. Elle me promettait mon pesant d’or et Dieu sait qu’elle s’y est prise près d’une centaine de fois.

    Quoiqu’il en soit, je me soumets à la volonté de Dieu . Je serai détenu, si telle est son décret, aujourd’hui comme demain jusqu’à ce que le miséricordieux consente à revoir mon cas.

    Oh seigneur, jusqu’à ce que le miséricordieux consente à revoir mon cas.

    Joseph est resté en prison dix ans, prolongés par deux années supplémentaires, chacun le renvoyait de l’un à l’autre, nul ne l’avait plus revu,

    Oh seigneur, nul ne l’avait plus revu.

    Mais un jour, deux personnes au service des autorités firent chacun un rêve, et au réveil, ils en étaient encore tout troublés. Il leur dit : venez me raconter, O vous les oppresseurs ! Vous verrez, votre ciel va s’éclaircir.

    Le panetier prit la parole et Il lui dit : toi, ton visage est décomposé et tu es très pâle.. L’échanson se leva et se mit lui aussi à parler.. Voilà ce que j’ai vu dans mon rêve : je pressais une grappe de raisin dans la coupe. Prestement, Joseph lui interpréta le rêve : dans trois jours tu seras libéré et tu sera joyeux.

    Oh seigneur, tu seras joyeux.

    Le panetier se leva et prit la parole. Joseph lui dit que son visage était pâle et qu’il ne resterait pas en vie.

    Oh seigneur, qu’il ne resterait plus en vie.

    La nouvelle parvint aux oreilles du pharaon, O les oppresseurs, le jour où il fit un rêve et se réveilla de sa torpeur. Il ne trouva personne pour l’interpréter parmi les gens d’Egypte  C’est alors que l’échanson prit la parole. Il lui dit : Mon seigneur, je me souviens que lorsque j’étais en détention, abandonné, il y avait un esclave juif qui interprétait (les rêves). Et les choses se sont passées comme il l’avait prévu.

    Il leur dit : ramenez le moi, c’est à lui que je raconterai ce que j’ai, il existe un maître de l’univers, et il est au-dessus de toi.[34]

    Il lui dit : j’ai vu en rêve sept épis totalement vides, et sept autres où il avait une ( ?) ; il lui dit j’ai rêvé de sept grosses vaches et de sept autres malingres. Joseph lui répondit : sept années d’abondance et sept années de vie chère et d’absence d’activités commerciales. Sème à tout va et commence à stocker (du grain) et trouve quelqu’un qui puisse te prodiguer ses conseils.

    Pharaon dit : celui là a tout compris, il convient qu’il soit à la tête du pays, comme le recommande le Miséricordieux

    Oh seigneur, comme le recommande le Miséricordieux.

    Il leur dit : conduisez le ici chez moi afin qu’il puisse s’entretenir avec nous, Dieu viendra à notre secours, il parle soixante-dix langues.

    Oh seigneur, il parle soixante-dix langues.

    Un ange de Dieu vint lui dire, débarrasse toi de cette peine, que Dieu ait pitié de nous, viens et devins le roi.

    Oh seigneur, viens et deviens le roi.

    On le fit défiler dans les grandes avenues et les femmes[35] juives se mirent à apporter, qui des rubis, qui des émeraudes, qui de l’or et qui de l’argent. Cette histoire eut lieu jusqu’au moment où remontèrent du pays d’Egypte tous les membres de la tribu de notre patriarche Jacob, l’élu (de Dieu),

    Oh Seigneur, rassemble nous dans notre patrie, reconstruis vite notre sanctuaire, que nous retrouvions notre indépendance, nous mêmes et tous nos frères (de la maison) d’Israël.

     

    (En vente chez Joseph LUGASSI 139 rue des synagogues Casablanca)

                                           (Traduit du judéo-arabe par MRH)

     

    [1] Réminiscence du Cantique des Cantiques 3 ;11.

    [2] Genre littéraire arabe antéislamique que l’on peut rapprocher de la nouvelle. Le titre en judéo-arabe est : qissat sidna Yossef

    [3] Le terme arabe est sidna, notre maître, notre seigneur.

    [4] C’est la formule du basmallah (bism Allah) propre à tout incipit d’un texte musulman

    [5] Il s’agit des douze tribus d’Israël dont on retranche Joseph lui-même, en butte à l’ostracisme des autres, et son jeune frère Benjamin.

    [6] A prendre ici dans le sens d’une pieuse étude de la Tora. Ce détail est fourni par le Midrash rabba sur la Genèse qui nous apprend que Joseph a consacré toutes ces années à l’étude de la Torah avec son père jusqu’à l’âge de dix-sept ans.

    [7] Joseph s’adresse respectueusement à son père et lui souhaite longue vie.

    [8] Traduction littérale, le sens est qu’ils rompirent toute relation avec lui.

    [9] En effet, il y eut deux rêves dont Joseph a achevé la présentation.

    [10] Le traité talmudique Berachot contient un appendice sur les rêves ; on y lit qu’il ne faut raconter ses rêves qu’à des amis (fol. 55b)

    [11] Cette composition populaire n’en possède pas moins pour autant des rimes et un refrain. Voir Haïm Zafrani, Deux mille ans de culture juive au Maroc… 1998, Paris, Maisonneuve-Larose. P 212.

    [12] Le récit biblique parle de deux frères qui intervinrent en faveur de Joseph : Ruben et Juda.

    [13] L’arabe donne : trahison ou félonie.

    [14] C’est cette rencontre providentielle que le Midrash rabba interprète comme une présence angélique chargée de protéger Joseph dans son vagabondage dans le désert.

    [15] Nouveau couplet qui dérive directement de la verve littéraire et du sentiment religieux de l’auteur.

    [16] Ce couplet est dû à l’auteur du texte, il ne figure pas dans le récit biblique mais s’apparente à des déclarations de la sourate XII du Coran qui relate en 111 versets l’aventure de Joseph. Les quatorze chapitres de la Genèse totalisent 383 versets.

    [17] C’est un adage talmudique qui s’énonce ainsi : le Saint béni soit-il envoie le remède avant la maladie (ha-qadosh baroukh hou maqdim ha -teroufa la-makka ).

    [18] Maktoub, une notion du fatalisme musulman.

    [19] Dans la bénédiction de Jacob au chapitre 49 de la Genèse, il est dit que Naftali est une gazelle très agile. Dans le Midrash rabba de la Genèse Juda charge Naftali de lui donner un renseignement. Et dans ce contexte, c’est toujours la vélocité du personnage qui est mise en avant.

    [20] La tunique ensanglantée.

    [21] Telle est la version mensongère que les conjurés présentent à leur père.

    [22] Là on s’adresse au patriarche Jacob, prié d’identifier la tunique de son fils.

    [23] La Genèse (ch. 37 à 50) dit simplement que la citerne était vide mais ne parle pas des reptiles, c’est le midrash qui en fait mention.

    [24] Le caractère providentiel de toute cette histoire est mis en avant ici. La Genèse ne parle pas explicitement de l’intervention divine bien qu’elle aille de soi.

    [25] Il s’agit des frères de Joseph ; Juda a eu cette idée de vendre Joseph afin de lui sauver la vie car les autres voulaient le tuer sur place.

    [26] Ce détail ne figure pas dans le récit de la Genèse.

    [27] Il s’agit de Joseph

    [28] Ni la Bible ni le Coran ne donnent de prénom à Madame Potiphar. Ce sont des auteurs arabes post-coraniques qui la nommèrent Zouleikha.

    [29] En fait, le mari ne se doutera de rien.

    [30] Tout l’or du monde.

    [31] Toutes ces lignes concernant les voisines et les couteaux sont empruntées au Midrash Rabba sur la Genèse. On n’en trouve pas trace dans la Genèse.

    [32] Traduction conjecturale. L’état matériel du texte laisse à désirer.

    [33] Le Coran porte la mention suivante : si la tunique était déchirée par devant, alors on tenait là la preuve de la culpabilité de Joseph, mais si c’était par derrière, alors il était innocent des accusations portées contre lui.

    [34] La ligne suivante est indéchiffrable en raison de la mauvaise qualité du papier.

    [35] Il s’agit d’un emprunt au Midrash rabba de la Genèse. Dans la bénédiction de Jacob (ch. 49 ;22) on lit un verset difficile à comprendre et qui a stimulé l’ingéniosité des commentateurs : Joseph est un fils fécond, un fils fécond sur une source… Mais la suite est étrange : banot tsaada alé chour. Cette partie du verset reçoit une traduction des plus conjecturales. Les uns traduisent banot par filles ou femmes, les autres par tiges …… Le midrash a opté pour un commentaire homilétique : comme Joseph était très beau, les femmes se juchaient sur des banquettes afin de lui jeter des bijoux et des pierres précieuses dans l’espoir qu’il puisse enfin les remarquer… D’où la mention par notre auteur des pierres précieuses.

  • L'âme de la France

     

    L’âme de la France

     

    On a l’habitude de lire ce genre de titre dans la littérature et la philosophie allemandes, la deutsche Seele. Il ne faudrait même pas dire l’âme française car cela renverrait à autre chose. L’âme de la France, c’est plus parlant. Et cela précise et les enjeux et l’arrière-plan, son contexte historique et culturel. Que l’on n’y voie aucune référence, même dissimulée à Charles Mauras. Je préfère, vous le savez bien, Ernest Renan. Il s’agit simplement de se faire l’écho de toute une population qui ne se reconnaît plus chez elle en France, en raison de cette bourrasque qui s’est abattue sur la vie paisible d’antan, une vie que les gens qui se plaignent, menaient chez eux, sans avoir à subir ce qu’ils ressentent comme une véritable invasion étrangère.

     

    Faisons une sorte d’inventaire : à quand remonte vraiment ce sentiment qui étreint des centaines de milliers, voire des millions de Français de souche qui ne reconnaissent plus leur France, la France de toujours et qui devient aujourd’hui la France d’hier ? Il semble que cela a débuté au lendemain de la décolonisation. Les liens entre les pays colonisés d’Afrique du nord et d’Afrique noire étaient si forts que le divorce ne fut jamais total. Il y a même une blague d’assez mauvais goût qui a circulé, que je cite, sans la reprendre à mon compte : la France a divorcé de cette Afrique mais on lui a imposé la garde des enfants… Ce discutable mot d’esprit veut dire que la France a conclu un marché de dupes, elle a obéi à la volonté des pays colonisés de vivre librement chez eux, mais elle n’a pas compris qu’elle perdait sur les deux tableaux : elle perdait son empire mais ouvrait la porte bien grande à tous ceux qui voulaient venir habiter chez elle.

     

    Les premières décennies furent assez calmes, les gens qui venaient en métropole ne voulaient qu’une chose : travailler sur place, envoyer de l’argent à leurs familles restées au pays. Bref, contribuer honnêtement au développement du pays et vivre dignement. Peu de temps après, on vit apparaître des revendications comme une nourriture appropriée, une tenue vestimentaires spécifique, bref l’importation en métropole de mœurs et de pratiques qui n’avaient rien à voir avec la laïcité et la culture, voire la civilisation judéo-chrétienne de la France.

     

    Au milieu des années soixante-dix intervint une mesure qui est aujourd’hui dénoncée de toutes parts, le regroupement familial. Prise en soi-même, cette décision était très humaine, très généreuse et visait à rendre plus harmonieuse l’existence d’hommes seuls, éloignés de leurs proches demeurés dans le pays d’origine. Par malheur, les moyens matériels d’insertion n’ont pas suivi. On a parqué tous ces gens dans des banlieues éloignées de tout, dans de grands ensembles déshumanisés, leurs enfants et petits enfants en conçurent après coup des sentiments de haine à l’égard du pays d’accueil qui ne les a pas intégrés comme ils l’auraient souhaité. C’est là que se situent les racines de cette haine d’une certaine France, ressentie par les membres de la seconde et de la troisième génération.

     

    Ce terrain fertile de frustrations, parfois même de désespoir a été cyniquement exploité par des idéologues qui ne concevaient pas de vivre dans une société où la règle laïque sépare le religieux du politique. En effet, parlez avec un arabo-musulman dans sa langue et comptez les références récurrentes à Dieu, Allah, à la volonté divine, au bon vouloir divin etc… Une attitude mentale intrinsèquement différente de ceux d’entre nous qui ont plus étudié Voltaire et Renan que la Bible et le Coran.

     

    La crise économique a durci les positions de deux camps ; on a vu apparaître des revendications religieuses qui édifiaient une identité dont la religion était l’épine dorsale. Le Français moyen commençait, à tort ou à raison, à se sentir étranger chez lui. Le contrecoup électoral ne tarda pas à survenir : Marine Le Pen succéda à son père et parvient à se hisser au second tour de l’élection présidentielle. Et si elle s’était, en ce temps là, émancipée de la pesante tutelle de Fl. Philippot et de sa souveraineté monétaire, elle aurait dépassé les quarante pour cent.

     

    Or, l’axe central de la campagne du FN se résume à deux termes liés entre eux, l’immigration et l’insécurité.  Je ne reviendrai pas sur les questions d’identité heureuse ou plutôt malheureuse, mais je dois rappeler que cette âme de la France semble s’éloigner de plus en plus du pays et de ses habitants. Ecoutez les conversations aux terrasses des cafés, dans les restaurants, les halls d’immeubles, à la boulangerie, dans les supermarchés, presque partout où les gens peuvent se rencontrer et échanger, et vous verrez combien le mal est profond.

     

    Le terrorisme a causé un tort inouï à toute idée d’intégration. Par ailleurs, des personnages importants de l’Etat se sont mis à parler ouvertement de la disparation de l’homogénéité de la société française. Ce qui était une façon polie ou diplomatique de dénoncer une islamisation du pays. Allez voir ce qui se passe dans la France méridionale où le FN a réussi à faire élire des députés : les gens ne se cachent même plus pour réclamer des mesures… Certains rappellent avec nostalgie qu’il est révolu le temps où l’on parlait de la France comme de la fille aînée de l’église… Aujourd’hui, poursuivent ils, les nouveaux venus ne veulent plus de crèches ni de sapins de Noël dans les écoles, les lycées ou les mairies ; ils ne veulent plus de cours d’histoire sur la Shoah (et je félicite en passant le nouveau ministre de l’éducation nationale pour ses courageuses mesures) ; certaines élèves arrivent avec leur tchador jusqu’aux portes des établissements scolaires…

     

    Mais tout espoir n’est pas perdu : des femmes françaises issues de la communauté musulmane ont tiré la sonnette d’alarme. J’ai été sidéré de voir la virulence de leurs propos. Elles accusent les autorités d’hier et d’aujourd’hui de laxisme, d’absence de courage…

     

    Mais il faut se garder de procéder à des amalgames. Toutefois, certains signes sont alarmants, notamment le nombre de gens fichés S et les tentatives d’attentats en France, sans même parler de la mort dramatique de ces deux jeunes filles à Marseille. J’adresse à leurs parents mes condoléances les plus sincères.

     

    La France a une âme, elle doit la retrouver, elle doit la défendre. Elle n’en restera pas moins la patrie des droits de l’homme, une terre d’asile dans toute la mesure du possible