Si j’osais, je dirai que le cas de rabbi Nahman de Bratslav (1772-1810), enterré à Ouman en Ukraine, est absolument emblématique ; en Israël, même de nos jours, c’est la figure hassidique la plus connue et la plus célèbre : son nom orne les pare-brises des taxis, des camions et des voitures, ce qui se vérifie par la grande fréquence des vols quotidiens Tel Aviv-Kiev à l’aéroport Ben Gourion.
Mais c’est aussi la personnalité la plus déroutante qui soit, même aux yeux de ses propres adeptes. On n’osait pas trop le dire mais comme le faux messie Sabbataï Zewi (que les croyants me pardonnent ce rapprochement audacieux), le maître hassidique soufrait de la maladie bipolaire : il oscillait entre des états de profonde détresse intérieure et des accès d’euphorie… On pourrait dire que l’homme cherchait un moyen de surmonter le désespoir qui s’emparait de lui à intervalles réguliers. Et pourtant, nul n’a songé à s’en séparer ni à s’en éloigner. On faisait avec.