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Vu de la place Victor-Hugo - Page 1362

  • LA FIN DE L’HISTOIRE…

     

    LA FIN DE L’HISTOIRE…

                Aux soldats français tombés en Afghanistan, in memoriam

        En fait, c’est le hasard qui détermine par ses incroyables combinaisons l’ordre, la simultanéité ou la successivité de nos actions et donc des événements. C’est là aussi l’un des mystères de l’Histoire, ce gigantesque réel en devenir, comme aidait à le dire le philosophe allemand Hegel qui tint la chaire de philosophie à l’Université de Berlin jusqu’à sa mort en 1832, si je ne me trompe.
        On se rend bien compte que plus le temps passe, plus les siècles s’écoulent et plus les familles humaines se rejoignent, militairement ou pacifiquement, pour n’en former plus qu’une.  Existe-il une main invisible qui tire les ficelles dans les coulisses ? L’avenir est-il déjà écrit quelque part, sans que nous n’en sachions rien ? Les croyants l’admettent qui pensent que la divine Providence confie à d’humaines mains le soin de nous mener à un port prévu d’avance. Les Grecs qui ne croyaient pas une telle chose, en bons polythéistes qu’ils étaient, ont pourtant fourni le terme technique pour désigner cette doctrine, la téléologie, de telos en grec qui signifie le but, l’objectif, le dessein éloigné… Ce furent eux, encore, qui nous livrèrent les balbutiements de l’historiographie, c’est-)-dire lécriture de l’Histoie, avec des hommes tels que Hérodote et Thucydide.
        Les jeunes soldats tombés pour la cause de la liberté et de la démocratie savaient qu’ils exerçaient un métier dangereux, celui des armes, et qu’un jour, ils pouvaient consentir au sacrifice suprême. Mais en Afghanistan !! Si loin de chez eux, dans des territoires auxquels la France s’est peu intéressée dans son histoire…
        Histoire, ce terme revient comme un leitmotiv … Il y a déjà plusieurs jours, je voulais livrer quelques réflexions sur cette passionnante question lorsque je remarquai ans les colonnes du journal Le Monde sous le titre évocateur de «rétrolecture 1992», une analyse éclairante de mon ami Daniel Vernet. Il y comparait le retentissement de deux ouvrages diversement appréciés en leur temps et aussi assez imparfaitement compris.
        Comme je vous l’annonçais hier, il s’agit de Francis Fukujama, La fin de l’Histoire et le dernier homme   et Samuel Huntington, Le choc des civilisations.
    Ces deux livres furent écrits par deux collègues américains qui y exposèrent le fruit  de tant  d’années de recherches, de réflexions et de séminaires post-graduates avec leurs doctorants, c’est dire que la vulgate qui nous fut livrée par les lecteurs rapides ou journalistiques ne suffit guère. Essayons de revoir la chose d’un tout petit peu plus près.
        Fukuyama qui a lu et médité les œuvres de Hegel, auteur de la Philosophie de l’Histoire, part d’une phrase, d’une boutade de celui-ci pour amorcer sa riche réflexion. Je rappelle que c’est Victor Cousin qui introduisit en Sorbonne les leçons de philosophie de l’histoire après avoir rendu visite à Hegel en 1816, je crois, à Iéna, avant même que celui-ci ne soit appelé à Berlin.
        La boutade de Hegel, en 1806, alors qu’il aperçut Napoléon Bonaparte passer à cheval sous ses fenêtres, fut, en substance : voici l’Idée à cheval . Je mets intentionnellement une majuscule au I de Idée. C’est-à-dire voici passer devant nous le principe fécondant, l’agent séminal qui fait en quelque sorte accoucher l’Histoire de ce dont elle est en gésine… En fait, Hegel qui était un esprit puissant et qui, au début de sa carrière voulait être théologien et écrire une biographie de Jésus, avait coutume de s’exprimer ainsi. C’est pour cela qu’il prétendit un peu vite qu’il avait fait le tour des concepts, qu’après lui on ne pourrait plus philosopher mais que l’on serait contraint de se répéter et de rabâcher… Nous savons bien qu’il n’en fut rien et que le giron matriciel de la philosophie, mais aussi celui de l’Histoire, nous réserve encore quelques surprises.
        Si Fukuyama reprend le propos débonnaire de Hegel, ébloui par la puissance napoléonienne, c’est parce qu’il rédige son livre après la chute du mur de Berlin, donc après la chute retentissante du communisme. Jetant un regard rétrospectif sur ce XXe siècle finissant (on est au début des années quatre-vingt-dix), il relève que les démocraties libérales sont venues à bout du fascisme hitlérien, et, pour finir, du fascisme communiste, responsable du goulag. Il ne reste donc plus que la démocratie, les idéaux républicains, qui se retrouvent soudain sans ennemis ou presque… Car n’oublions pas que Hegel concevait la marche de l’Histoire comme un processus qui avance par contradictions surmontées. Ainsi fascisme et démocratie s’étaient fait face et la victoire de l’in sur l’autre avait fait avancer l’histoire. De la même manière, communisme et libéralisme s’étaient opposés et c’est le dernier qui eut le dessus. Jusqu’ici l’Histoire avançait selon le schéma hégélien, mais quid de l’histoire s’il n’y a plus de contradictions, plus de carburant… Ceci me rappelle la phrase désabusée d’un diplomate russe de l’ONU lançant à son collègue américain la phrase suivante, après la déliquescence de l’empire communiste : nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi. Sans atteindre à la profondeur hégélienne,  le mot d’esprit va dans le même sens…
        Donc les Etats Unis d’Amérique, quintessence de la puissance occidentale et incarnation parfaite du libéralisme et des valeurs démocratiques, se trouvaient, en quelque sorte, en chômage technique… C’est le sens de la formule, fin de l’histoire… Cela ne signifie pas la fin du monde, cela veut dire que le moteur de l’histoire n’a plus de carburant, comme il en avait auparavant. Je suis contraint ici  d’atténuer le propos de Hegel même si, philosophe germaniste que je suis, j’ai toujours admiré la culture allemande et la pensée de Hegel qui en est –avec Kant- la forme la plus achevée. Ce penseur était fasciné par l’Etat et notamment l’Etat prussien qui incarnait à ses yeux le paradis sur terre… Je ne peux pas m’attarder sur l’arrière-plan historique expliquant une telle attitude, l’éparpillement de l’Allemagne (Kleinstaaterei) en une multitude de petits états qui se faisaient la guerre, explique cette attitude. Il y avait peut-être aussi une certaine fascination de la violence ; le philosophe écrivait, en substance, que les années de bonheur de l’humanité sont les pages blanches de l’Histoire… Donc, c’est la guerre qui fait avancer les choses, hélas, selon l’auteur allemand.
        Samuel Huntington, professeur connu à l’Université de Harvard se penche lui aussi sur le monde nouveau qui émerge à la suite du naufrage du communisme. Et à ses yeux, la suite des événements lui a même donné raison, ce ne sont plus les idéologies ou les systèmes économiques opposés qui vont dresser les nations les unes contre les autres et donc faire avancer l’Histoire, mais des différences civilisationnelles, culturelles et religieuses. Autant dire, pour revenir à Hegel, la Weltanschauung, la conception du monde, l’approche de la vie et de la mort, en un mot les valeurs. Nous parlons de la politique au niveau mondial, planétaire, c’est-à-dire de conflits globaux et non de quelques escarmouches entre états qui se disputent une portion de territoire. C’est-à-die d’une opposition de deux blocs, comme du temps de la guerre froide où deux systèmes opposés divisaient le monde.
        Et c’est évidemment à l’islamisme, au radicalisme musulman que pensait Huntington, ce qui conduisit certains lecteurs à caricaturer sa pensée et lui prêter de noires arrière pensées qu’il n’avait pas toujours. On n’était pas loin de penser, au soir du 11 septembre 2001, que ce qui venait de se passer correspondait à l’analyse prophétique du professeur de Harvard. Il suffit d’ouvrir les journaux, d’écouter la radio ou de regarder la télévision pour se rendre compte que le terrorisme qui ensanglante le monde – y compris les pays arabes dont l’Algérie- n’est ni finlandais ni vénézuélien. C’est une certaine forme d’islam qui conteste la direction prise par le monde dans le cadre de la globalisation. Que faire ? Là, on quitte le domaine de l’analyse conceptuelle pour entrer dans le domaine de l’agir… Chacun se fera son opinion.
        Ces idées de fin de l’Histoire, voire même de fin du monde, proviennent de l’humus judéo-chrétien de notre civilisation. Le premier à l’avoir évoquée fut un prophète hébraïque du milieu du VIIIe siècle, Isaïe, dans son chapitre VI. Il parlait de «la fin des jours», c’est-à-dire du moment où l’humanité, en paix avec elle-même, aura réalisé on objectif et instauré la paix universelle, si chère à Kant.
        En somme, au moment où le temps, vidé de sa substance, c’est des ferments de la discorde et de la violence, se fige en éternité. Cette éternité que les jeunes soldats français ont abordée au prix de leur vie: gloire à leur mémoire. Le Président a eu raison de dire qu’ils sont morts pour la liberté. Notre liberté.

                            Maurice-Ruben HAYOUN
                            Professeur à l’Uni. de Genève
        Paru ce jour dans La Tribune de Genève (mrhayoun.blog.tdg.ch/)
     

  • Les soldats tués en Afghanistan

     

        Je voulais vous proposer une réflecion sur deux ouvrages qui signalent la fin de l'Histoire au sens politico-philosophique: le livre de Kukuyame et celui de Samuel Huntigton. Mais je le ferai demain D- voulant.

        Je souhaite dire un mot de cette polémique qui monte et qui enfle, concernant nos tués en Afghanistan. Il y eut aux Invalides pas seulement des larmes mais aussi de la colère. Certains vont jusqu'à remettre en cause l'extr^me jeunesse des soldats enagés, d'autres leur manque d'aguerrissement, et d'autres enfin la lenteur des renforts, voire même les tirs amis (friendly fire), responsables de l'aggravation de la situation de nos soldats.

        Il faut dire la vérité aux familles et le président de la République s'y est engagé. Le connaissant, nous savons qu'il ne manquera pas  sa parole. Pout ma part, en tant que philosophe éthicien, je souhaiterais que ce deuil ne soit pas l'occasion de règlements de comptes politiciens. Et ma note de main sur la fin de l'Histoire sera dédiée à la mémoire des soldats tués.

  • Alexandre Safran, le dernier grand penseur juif de notre temps

          Alexandre Safran, le dernier grand penseur juif de notre temps
            Hommage au défunt Grand Rabbin de Genève
     

    La réédition en version hébraïque, revue et augmentée, de deux ouvrages majeurs du grand rabbin Alexandre Safran, ancien guide spirituel du judaïsme de Roumanie et actuellement, la plus haute autorité religieuse de Genève, constitue un événement extraordinaire, auquel il faut donner le lustre qui convient. Nos lecteurs ont déjà eu la possibilité de lire dans ces colonnes une présentation de la   vie et de l’œuvre de ce penseur religieux éclairé, solidement ancré dans la foi biblico-talmudique et ouvert aux apports de la culture en général.   Les deux ouvrages présentés ici sont une sorte d’essence du judaïsme, en hébreu Israël we-shorashaw (Israël et ses racines) et une présentation de la kabbale, Huqqat Olam we-razé olam : ha-niglé we-ha-nistar be-hishtalwutam ba-qabbala  (La règle et les mystères de l’univers : histoire du sens obvie et du sens ésotérique dans la kabbale).
    Dans le premier ouvrage qui expose, ainsi qu’on l’a dit, une sorte d’essence du judaïsme religieux, le grand rabbin établit une équation entre le peuple d’Israël, substrat vital   de l’humanité et la terre d’Israël,   archétype intelligible de tout l’univers : c’est l’ancienne thèse talmudique selon laquelle l’univers n’a été créé qu’en faveur d’Israël qui s’était engagé à recevoir et à appliquer les préceptes de la Tora. La mission historique d’Israël consiste à maintenir en vie cette alliance avec Dieu qui, par delà toutes les vicissitudes et toutes les persécutions dont Israël est victime, ne reniera pas cette alliance ni ne rejettera pas à tout jamais son peuple : cette alliance est scellée par la Tora mais elle est aussi présente dans la chair de chaque enfant d’Israël. Si Israël venait à renier Dieu, il se renierait lui-même.
    L’idée d’élection est présentée ici sous la forme de l’altérité absolue : Israël n’est pas un peuple comme les autres, ce qu’i n’implique nullement la moindre idée de supériorité ni de privilège, mais simplement de charge supplémentaire, de responsabilité. Pour quelle raison ce peuple a-t-il connu l’esclavage d’Egypte, redoutable creuset où il s’est forgé une âme mais où il fut proche de la disparition, n’était l’existence d’un dessein divin ? Pour le Grand rabbin Safran le séjour en Egypte est la source, la racine de tous les exils. Israël a souffert en Egypte mais ces souffrances sont des épreuves infligées par amour (yissouré de-‘ahava), comme si Dieu voulait éprouver son peuple, le purifier au moyen   de tant d’infortunes et de coups du sort… On rejoint ici aussi l’ancienne thèse rabbinique qui veut que les Egyptiens n’aient été que l’instrument de la volonté divine, ce qui explique l’interdiction biblique de les haïr. Du reste, la fête de Pessah salue la libération du peuple de l’esclavage mais ne vise pas à se réjouir de la chute de l’Egypte.
    La longue nuit de l’exil (gola) donnera naissance à l’aube de la rédemption ; l’exil, consécutif à la chute du Temple de Jérusalem, a une valeur paradigmatique et se trouve être l’école de la rédemption (gué’oulla), le laboratoire d’où émergera une humanité nouvelle, apte à recevoir la Tora, animée d’une vision et porteuse d’un projet pour tous. Au fond, cet exil renvoie à l’expression biblique du «voilement de la face de Dieu» (hester panim) et s’apparente à une sorte d’éclipse de la divinité. Dans ce contexte précis, le Grand Rabbin s’en réfère aux interprétations du Baalshemtov et de son école : découvrant qu’il est livré à lui-même, l’homme se met en quête de Dieu et, en le retrouvant, se retrouve lui-même : il revient à lui. D’où le nom de teshuva.
    Cette idée de retour qui occupe dans le judaïsme une place centrale (au point de préexister à la création de l’univers qui ne pouvait persister dans l’être sans elle) préfigure   aussi le retour vers Sion et donc vers Jérusalem, berceau de l’humanité qui accepte la Tora. Jérusalem, lieu où l’humain rencontre le divin, ville où Dieu a choisi de faire résider son Nom, insuffle à l’homme la notion de sainteté. Mais même lorsque le peuple juif en est chassé, c’est pour porter ce message aux confins de l’univers afin de l’unifier sous la bannière du Dieu Un. Le Grand Rabbin rappelle opportunément que la cité du roi David ne fut pas divisée entre les douze tribus mais a servi, au contraire, à les réunir et à les fondre en une entité unique : le peuple d’Israël.
    Israël n’en est pas pour autant un peuple de l’espace ; c’est un peuple qui a apporté le monothéisme à l’humanité, c’est-à-dire la présence d’une divinité à la fois immatérielle et omniprésente qui, tout en se manifestant en des lieux déterminés, se situe surtout dans l’éternité et, pour l’homme, dans le temps. Or, le temps paradigmatique d’Israël est le temps du shabbat. Le samedi n’est pas un jour entre les jours, c’est un jour à part : les autres jours de la semaine sont numérotés (le premier jour pour le dimanche, le sixième jour pour le vendredi) seul le shabbat possède un nom en propre… En ce jour   tous les hommes sont placés sur un même niveau, celui de créatures de Dieu. Comme le shabbat est le septième jour de la semaine, il constitue aussi le septième de la vie humaine. Enfin, en ce jour où tout travail est strictement prohibé afin de permettre de se retrouver, d’assister à l’écoulement du temps sans le subir, l’homme juif prend conscience de l’importance cosmique du shabbat, un shabbat de la création (shabbat de-béréshit) qui concerne tous ceux qui en jouissent. Cette journée contient aussi la promesse messianique de l’humanité : en elle création et rédemption se rejoignent, pour reprendre une si belle image de Franz Rosenzweig.
    Le couronnement de ces développements n’est autre que la définition de l’identité juive que le Grand Rabbin place dans l’accomplissement des préceptes divins : on sent poindre une certaine vision mystique (au sens le plus large du terme) : même le juif le plus éloigné da la tradition religieuse se voit réservé l’accomplissement d’une mitswa particulière qui le rapproche de l’ensemble de la communauté dont les membres répondent les uns des les autres…  
    Dans le second ouvrage, consacré à la doctrine ésotérique au sein du judaïsme, le Grand Rabbin Safran évoque dans une première partie l’unité de la kabbale. Dans un chapitre fort riche il présente les relations dialectiques entre la Tora, la tradition et l’histoire. Ces deux derniers éléments fécondent en quelque sorte le premier puisque la Tora orale est un noyau dynamique qui permet d’enrichir l’héritage et de constituer une tradition digne de ce nom, c’est-à-dire porteuse de ce qui constitue le vécu et le penser d’un peuple.   Alors qu’il parle de mystique, l’auteur cite opportunément des passages de l’œuvre de Moïse Maimonide et de Joseph Albo, qui, chacun à sa manière, soulignent l’impossibilité de tout dire, de tout livrer à leurs lecteurs. Ceci vaut d’autant plus du mystique qui recherche l’absolu tout en hésitant à s’engager dans cette voie… On lit aussi des pages pénétrantes sur l’anonymat recherché des auteurs mystiques lesquels se font les porte-paroles zélés mais dépourvus d’orgueil : c’est la tradition qui s’exprime à travers eux, ils s’en font les interprètes dociles et fidèles. En ce sens, ils rejoignent la lignée des rédacteurs anonymes du Talmud qui ont livré la tradition mais non point tous leurs noms à la postérité. L’auteur plaide aussi par une continuité du courant ésotérique qui revêt des formes différentes selon les époques tout en demeurant fondamentalement un.  
    Le discours mystique n’est pas inintelligible, il opte simplement pour un type d’intelligibilité autre que rationnelle. Au lieu de recourir aux concepts et au raisonnement logique la kabbale fait défiler devant nous une série de métaphores, d’images et de paraboles censés s’adresser à d’autres facultés que les seules facultés cognitives de l’individu. En effet, la kabbale entend faciliter pour l’homme l’intelligence de la Tora par la théosophie. A elle seule, cette idée mériterait de très longs développements. Dans une strate du Zohar, la question suivante est posée : qu’est Dieu ? C’est la Tora, telle est la réponse. Cette réplique va bien plus loin que la thèse qui voit en la Tora une suite ininterrompue de Noms divins…
    Nous avons à affaire, on l’aura compris, à un authentique penseur qui ne cherche pas à gérer une érudition remarquable des sources juives anciennes, mais à un véritable érudit désireux d’offrir une vision, un système de la pensée juive dans son ensemble. La revue des titres cités dans la bibliographie et utilisés dans les développements est impressionnante.   Dans les deux volumes, la partie dévolue aux notes et renvois occupe aisément la moitié de l’ensemble. C’est dire combien cette pensée puise aux meilleures sources et évite l’un des écueils les plus graves de toute science du judaïsme, ancienne ou moderne : l’historicisme. Les auteurs des époques les plus diverses se côtoient dans ces ouvrage, rendant à la pensée juive son jaillissement originel et ininterrompu, par delà les nuances des périodes : ainsi, les auteurs précédant le Zohar sont cités aux côtés de cette bible de la kabbale, qui est elle-même évoquée dans les mêmes pages que les auteurs hassidiques des XVIIIe-XIXe siècles.
    Le grand rabbin Safran,   ce grand penseur de notre temps, a choisi la méthode synthétique et non la démarche historienne. Tout bien considéré, c’est le sens de l’adage talmudique, ellu we-ellu divré Elohim hayyim.  Ces propos ci et ces propos là sont du Dieu vivant…
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