Joseph, l’homme qui veut réparer le monde (Tikkoun ‘olam)
Pour Monsieur Ilan CHOUCROUN, en amitié
La récitation des péricopes bibliques dans le culte synagogal (sidrot) des dernières semaines, avec le passage ce samedi au second livre du Pentateuque, l’Exode), m’incite à redire certaines choses concernant cette figure emblématique du groupe patriarcal : Abraham, Isaac et Jacob. Josèphe, en treize petites années, a, si l’on en croit le récit de la Genève (du chapitre 37 au chapitre 50 inclus) littéralement éclipsé son père, le patriarche Jacob, qui est pourtant l’archétype de l’identité juive… La divine Providence a confié à d’humaines mains la garde et la préservation d’un jeune homme vendu comme esclave par ses frères à l’âge de dix-sept ans et qui se retrouve, grâce à ses talents miraculeux, vice-roi ou Premier ministre de la puissante Egypte pharaonique… Avouons qu’une telle réussite n’est pas à la portée de tous et évoque par certains aspects un prodige, un miracle.
J’ai déjà publié tout un livre sur Josèphe (Editions Hermann, 2018), mais je voudrais revenir sur certains aspects concernant le rapport dialectique à l’Egypte, à ce qu’elle représente dans l’imaginaire biblique qui brosse l’image d’un empire mythique, pratiquant en son temps une politique hégémonique, si dangereuse pour des royaumes comme la petite Judée.
Mon propos n’est pas de m’en tenir aux interprétations traditionnelles, destinées à rassurer les consciences pieuses mais à tenter de déchiffrer le sous texte de toute cette histoire presque romanesque. Quand on lit attentivement le texte hébraïque on ne peut pas dissimuler un petit embarras : le rapport à cette Egypte, amicale, nourricière et qui accueille volontiers l’étranger, n’est pas le même selon qu’il s’agisse de Josèphe ou de son père Jacob. Je prendrais quelques exemples : quand Josèphe, entouré du faste égyptien, se fait enfin connaître de ses frères, il les charge non seulement de grain et de froment mais aussi d’une mission, passée inaperçue aux yeux des exégètes traditionnels. Josèphe dit à ses frères ceci : et vous rapporterez à mon père tous les égards dont je suis entouré en Egypte (we higadtem le avi et kol kevodi be mitsrayim)
Lire la suite